Chapitre V : Pierre qui roule...

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Marcher m'ennuyait terriblement, on m'avait privée de mon arme en plus. Comme un animal, je me contentais de les suivre, attendant que l'on me rende mon bien. Seuls les cailloux du chemin m'offraient une légère compensation, je les soulevais du bout du pied à chacun de mes pas et les envoyais valser. Je sentais que cela énervait Evi', mais qu'importe, je continuais de projeter les petits galets, les regardant rouler et rebondir dans tous les sens. Quand tout d'un coup, une pierre ronde un peu plus grosse, vint s'ajouter à mon champ de vision à quelques mètres devant nous.

« Bon, ça suffit. Grognait celle qui menait la marche. Tu vas finir par nous blesser à force de taper dans les cailloux, tu ne veux pas garder ta force pour être utile ?! S'énervait la fille aux yeux vides.

- Je n'ai rien fait pour ce caillou-là ! Lâche-moi. Lui renvoyais-je. »

 Les deux s'approchèrent de l'étrange roche. Ce n'est qu'au moment où le nain allait mettre sa main dessus, qu'une épaisse fumée s'en dégagea, les enveloppant totalement. Je sursautai pour les rejoindre. Je m'enfonçai dans le brouillard, je les cherchai, mais en vain. Je leur hurlai de me dire où ils étaient, mais aucune réponse. Je sentis juste une main sur mon épaule. Sans réfléchir je la saisis, me retournai et aperçus face à moi un homme vêtu de noir, revêtant un foulard lui recouvrant la bouche et dont le front était orné d'un bandana rouge vif.

 Il voulut me frapper à l'aide d'une dague. Je me projetai en arrière, m'extrayant du nuage de fumée. La brise finissait par balayer la purée de pois. Je vis enfin la fille aux cheveux roses et le nain. Ils étaient attachés par le même lien, entravés par une corde épaisse. Derrière eux se trouvaient deux hommes vêtus de la même tenue que mon premier adversaire et une femme encapuchonnée, qui elle portait à la ceinture un drôle d'instrument, dont la forme ne m'évoquait rien du tout.

« Rends-toi sagement. Et rien ne sera fait à tes amis. Me lâchait la femme, qui semblait être la cheffe de leur groupe.

- Ce ne sont pas mes amis. Fais-en ce que tu veux. Soufflais-je désintéressée.

- Ah bon ? Que fais-tu avec eux alors ? Tu t'es perdue ? Tu es leur prisonnière ? Pas d'arme. Aucun vêtement en état. Tu es pitoyable. Tu dois être leur animal de compagnie alors.

- Ne réponds pas à ses provocations ! Elle ne cherche qu'à te faire craquer pour te tailler en pièce ! Tu ne peux pas te battre, fuis ! Me criait Evi'.

- Ah mais, taisez-vous tous ! Toi, la femme en noir, je pourrais te tuer même à mains nues, et tes toutous ne pourraient pas m'arrêter. La défiais-je. Quant à toi, Evialg, tu ne perds rien pour attendre, ne pense pas que parce que tu m'as vaincue une fois, je ne peux plus me battre, et encore moins me débarasser d'eux, je vais te montrer moi, de quel bois je me chauffe ! »

 Il me fallait trouver une solution rapidement, j'étais désarmée, c'était un fait. Je ne pouvais pas me déplacer librement, car l'attention de l'assemblée était portée sur moi. Ah oui. Mes cheveux ! Je passais rapidement mes mains dans ma chevelure. Ma dague n'y était plus, je croyais pourtant l'y avoir remise ; peut-être l'avais-je déplacée dans le désert, la mettant à ma ceinture. Belle erreur. Belle erreur aussi de baisser ma garde.

 L'homme le plus près de moi venait de me frapper au ventre, me faisant tomber face contre le sol. Sous mes yeux apparut la solution, ma solution. Je remplis alors mes deux mains de la terre et des graviers présents à leur portée. Je glissai en arrière pour me redresser douloureusement, jetai le contenu de ma main gauche au visage de l'homme en face de moi, le perturbant quelques instants, suffisamment de temps pour m'enfoncer le silex découvert par hasard en plein dans le bras gauche. Le nain me criait dessus :

« Mais qu'est-ce qu'il te prend ?! Tu n'es pas du tout rétablie Gnas, tu provoques ta mort en te mutilant de la sorte ! Hurlait Tne' se débattant. Ils sont trois et sûrement entraînés !

- Tu te suicides ? Bonne idée, cela m'épargnera d'avoir à tuer une personne de plus, et qui plus est de perdre du temps. Gloussait la femme en noir.

- La ferme. Soupirais-je. Prépare-toi ma cocotte, tu vas déguster.

- Dans ton état, je rêve de voir ça. Riait la cheftaine. Calmez-la, une bonne fois pour toute ! Ordonnait-elle à ses sous-fifres. »

 Sa voix était tellement insupportable, ses mots m'agaçaient, j'allais réellement lui en faire baver si je l'attrapais. Un des gredins s'approchait de moi, mais, à cet instant précis, je me sentais revivre. Le sol sous mes pieds vibrait, bien que je me susse bien moins en forme que sur le champ de bataille, j'allais tout donner. Mon sang était en train de bouillir dans mes veines. Il jaillissait de la plaie, je m'en recouvrais le visage, j'en avalais une importante gorgée, en provoquant une fois encore l'abasourdissement de mes adversaires. Ma force était décuplée et mes membres jusque-là endoloris, redevenaient légers.

 Je bondis et fonçai sur le premier homme qui s'était avancé. Lui écrasant mon front contre le sien. Il s'effondra sous le choc. Je ramassai sa dague. La jetai dans la poitrine de l'un des deux gardes restants près de la femme, le faisant tomber en arrière. Je plongeai alors tête la première sur le dernier homme encore debout, heurtant violemment son torse. Puis, je me servis du sol pour exécuter une acrobatie et ainsi le projeter grâce à mes pieds.

 Alors que je me relevais, pour faire front à mon ultime opposante. J'entendis un son lourd ; il s'agissait d'un coup de canon, mais en moins puissant, il devait provenir de l'étrange équipement que j'avais vu accroché à son ceinturon. L'instrument inconnu crachait des boules de plomb, dont la première munition expulsée, venait de se loger directement dans mon abdomen. Une souffrance aiguë m'envahissait, ma vue se troublait, je devais tenir, je devais supporter ce hurlement interne. La tireuse s'était reculée de quelques pas, rechargeant nerveusement son accessoire ; quant à Tne' et Evi, ils étaient toujours ligotés, assis face à moi, essayant de se détacher, mais sans effet.

Leurs visages s'étaient subitement grisés à la vue du trou béant dans ma poitrine dont s'échappait un épais filet écarlate. Je vomissais une gerbe sanguinolente. Je me penchais, tentant de retrouver mes esprits, haletante. Je savais bien que je n'allais plus supporter la douleur plus longtemps. J'étais trop épuisée, mon cœur martelait pesamment ma chair et résonnait dans le fond de mon crâne. La dernière bataille était trop récente et je n'étais clairement pas remise. Il me fallait encore une fois faire vite.

 Je me remis difficilement debout. Crachai du sang au visage de la femme en noir, la percutai de l'épaule pour la renverser, saisis la dague dans la poitrine de l'homme au sol, libérai les deux ligotés, en attrapai un sous chaque bras. Puis je fonçais, tête baissée, de plus en plus vite, en direction de la forêt qui se profilait en face de nous, la tâche se compliquait, cela car mes deux compagnons de route, me paraissaient de plus en plus lourds à soulever.

 Je franchissais enfin l'orée du bois. Me parvint alors aux oreilles, le son d'une ultime sentence, un autre coup de feu. La boule de plomb perfora mon dos, frôlant le nain que je transportais à bout de bras. Je m'affaissais au sol, les deux autres étaient aussi entraînés dans ma chute. C'était trop. Je n'en pouvais plus. La douleur me déchirait le corps, je me recroquevillais sur moi-même, j'avais l'impression que cette fois-ci. C'était bien la fin.

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