Chapitre XXVIII : Le rituel des Plaines Lunes, Partie 2

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Apprendre que j'allais probablement mourir ne me rassurait pas, et me laissait perplexe. Je ne comprenais pas l'intérêt de me tirer des griffes de la mort, si c'était pour me zigouiller par la suite. Cependant, je devais reconnaître que s'il s'agissait de mon purgatoire ; ces femmes, manifestement peu entravées par la pudeur, m'avaient offert une bien voluptueuse et douce fin, et en plus allaient me fournir mon ultime repas.

Enfin tout de même, s'éteindre après avoir vu de si belles créatures, mon esprit ne le désirait pas et mon corps non plus, d'ailleurs, même fuir, ce dernier ne le pouvait pas. J'étais encore courbaturé et aussi faible qu'un vieux sage que l'on aurait laissé marcher deux semaines sans sa canne. Je me résolvais donc à fermer les yeux, privé de mon baluchon, et de ma partenaire de chambre, qui elle, s'était levée quelques minutes après avoir ingurgité l'élixir que j'avais concocté à partir du sang de Gnas.

Elle aussi, quelle femme, mais que pouvait-elle bien être devenue Allait-elle avoir suivie la sanguinaire Evialg, puissent-elles avoir encore survécu, à ce carnage tombé de nulle part Cela faisait trop de questions pour ma tête encore secouée, et endolorie comme si je m'étais fait frapper... Je me laissais porter par le sommeil, m'envahissant peu à peu. Une paire d'yeux fendus, me scrutait alors que je peinais à émerger, conscient que quelqu'un était arrivé. Les miens se refermaient même, face à la difficulté qu'était de me réveiller. De légers coups sur mon crâne me forçaient à quitter ma torpeur.

  « Debout petit bonhomme. M'annonçait une douce voix. Je constatais - une fois de plus - et sans m'en plaindre, que mon ancienne partenaire de chambre, torse dévêtu, se tenait au-dessus de moi.

– Que voilà une drôle de manie de ne pas... Je me clarifiais la voix, encore dans le cirage. De ne pas porter de haut. Ahem.

– Pour grimper aux arbres ce n'est pas très pratique, tu sais. Me répondait ma charmante interlocutrice.

– Oui enfin, je grimpe moi-même peu aux arbres, alors mon expérience en la matière est très limitée. Elle riait et je poursuivais. Puis, a-t-on vraiment besoin d'être si peu vêtu pour escalader ? Je connais bien des gens qui pratiquent cette activité et pour autant ils ne sont pas si... Enfin, comme toi... Vous. Me reprenais-je, absorbé par son anatomie, si… généreuse.

– Ce n'est pas que pour ça non plus. Me soufflait-elle, en gloussant.

– Oui, je me disais aussi. Le nudisme ne nécessite pas spécialement de raison après tout. Si vous en avez de bonnes tant mieux, hein. Je m'étais redressé.

– Tu en sais déjà beaucoup, avait l'air de dire la Grande Prêtresse. Elle venait de s’asseoir à côté de moi, sur ma paillasse, légèrement surélevée. Je peux sûrement te révéler notre secret !

– Cela me vaudra-t-il aussi la peine de mort ? J'essayais de me sortir de ce guêpier. Parce que si c'est le cas, je préfère limiter la casse. Enfin au point où j'en suis de toute manière... »

Je n'avais pas le temps de finir ma phrase, que la belle demoiselle se leva et se changea en une créature semblable à celle que les filles avaient affrontée dans la forêt, remplissant la hutte dans laquelle nous nous trouvions. Puis elle reprit son apparence normale et se rassit à côté de moi.


  « Tu sais maintenant pourquoi nous ne portons pas de « haut », comme tu disais. Pouffait-elle.

– Oui en effet. Je restais calme sans l'être pour autant. Cela vous demanderait une quantité de vêtement infernale, pourtant... Je jetais un œil à son pagne, constatant presque amèrement, que lui n'avait pas éclaté sous la taille de la créature.

– Ah ça, c'est différent. Elle me montrait les coutures de son bas, découpé sur les côtés de ses cuisses, me faisant légèrement vaciller. C'est fait pour. Elle me souriait gentiment, laissant place à un silence un peu gênant.

– Et euh...

– J'avais complètement oublié que j'étais venue te chercher ! La Grande Prêtresse t'attend pour le repas.

Ah oui... Et potentiellement l'heure de ma mort, me disais-je à moi-même. Bon et bien, allons-y alors, quand il faut... Il faut.

– Tu sais grimper aux arbres ? Me questionnait-elle en riant.

– Et bien...

– Je peux te transporter alors si tu veux. Me coupait-elle.

– C'est que...

– Ça ne me dérange pas ne t'inquiète pas. Avait-elle encore compris.

– Bon, et bien soit, alors. »


 Elle me guidait vers la sortie de sa hutte, et qu'elle n'était pas ma surprise de me rendre compte de la hauteur à laquelle nous nous trouvions. Cet habitacle de fortune était greffé à un immense arbre, comme toutes les habitations de cet étonnant village ; et cela, au-delà des premières branches bien touffues, les camouflant de la vue du sol. Même au-dessus de nous, je distinguais d'autres ramures bien garnies et encore beaucoup d'autres cabanes arboricoles. J'étais ébahi.

 Pendant ce temps-là, mon hôte, dont je ne connaissais rien, s'était à nouveau métamorphosée et me tendait son énorme patte griffue, que je saisissais, pour finalement me hisser entre ses omoplates, et étreindre son cou massif, afin de me laisser porter. Toutes lames sorties, la charmante et monstrueuse demoiselle grimpait à la verticale, avec une facilité déconcertante. Durant notre ascension, je croisais le regard des habitantes, curieuses et intriguées, de me voir ainsi transporté. Je ne distinguais la présence d’aucun mâle ici, n’apercevant que de beaux, bombés et dénudés bustes.

 Quelques branches plus haut, nous atteignions enfin la cime de ce robuste arbre, qui plutôt que de rapetisser à son sommet, avait été muni d’une large plateforme, meublée de table-basses, tabourets en bois, bancs. Un autel, décoré de fleurs et de feuilles, y siégeait. Des torches flamboyantes taillées dans un bois solide éclairaient ce salon à ciel ouvert, sous une nue qui ce soir, resplendissait de l'éclat d'un million d'étoiles et des deux lunes de notre monde, pleines et scintillantes d'un blanc nacré.

 Face à nous, trois femmes étaient alignées derrière une large table. Au centre, la Matriarche du village, se tenant bien droite, le crâne garni d'une coiffure remarquable et d'une couronne de bois, ornée de lianes, pierres brillantes et fleurs. À sa droite, une jeune femme qui imitait la posture de l’ainée et à gauche de la cheftaine, une autre demoiselle, un peu plus avachie et regardant de travers mon hôte ; une place était libre à côté de cette dernière. Je ne soulignais plus leur demie-nudité, désormais accoutumé à cette pratique. Celle qui m’avait offert cette ascension jusqu’au sommet de l’arbre reprenait son apparence angélique et s'empressait de saluer l'aînée en s'inclinant devant elle. J'en faisais autant.

 « Bonsoir Grande Prêtresse. Disait d'un ton solennel, celle qui jusque-là avait été bien plus relâchée.

Decadrys, te voilà. Répondait l'aînée, lui faisant signe de se redresser. Bienvenue à toi aussi, Tnemesnap. Elle connaissait mon nom. Je m'inclinais une nouvelle fois respectueusement. C'est bien ainsi que tu te nommes ? Je ne réagissais pas, confus. « Decadrys » dont je connaissais désormais le nom, me faisait un signe discret de la tête.

Oui. Tout à fait, Ô Grande Prêtresse. Mais vous pouvez me raccourcir. Je me reprenais. Vous pouvez raccourcir mon nom, et c'est plus simplement Tne' que l'on me nomme. Je suais à grosse goutte, désormais abandonné par Decadrys, qui prenait place à la tablée.

Allons, allons. N'en fais pas trop. Prêtresse suffit. Disait-elle, fièrement.

Mais, Mère.

C'est bon, Meladrys. Coupait-elle donc sa fille, qui était à sa droite. Voyageur Tne', vous me semblez être animé par une sacrée curiosité. Et... Elle tenait un de mes carnets devant elle, le feuilletant rapidement, le retournant pour en inspecter les croquis et notes éparpillés dans tous les sens, la pile de mes autres écrits non loin d’elle. Vous m'avez l'air d'avoir vécu des événements tout aussi curieux, votre vie semble avoir été tumultueuse.

C'est que... Elle m'interrompait en levant le doigt.

– Vous m’avez par ailleurs tout l'air d'être une personne de science. Vos recherches en herboristerie et en préparation de philtre sont très complètes. Il y a des subtilités que moi-même j'ignorais. Elle posait le recueil qu’elle avait en main, en saisissait un autre. Vous semblez aussi avoir des fréquentations... Elle cherchait une façon diplomatique afin d'avancer son opinion. Bien particulières, et d'avoir des façons de les décrire bien étranges et assez paradoxales par moment. Je prenais conscience des déclarations crues que j'avais laissées dans mes annotations, tant concernant Evialg que Gnas. Ne craignant point qu'un jour qui que ce soit puisse avoir lu mes écrits. J'étais quelque peu embarrassé, face à ce qui semblait être un tribunal. Néanmoins. La Grande Prêtresse poursuivait calmement après avoir sillonné davantage de pages et haussé les sourcils plusieurs fois à la vue de ce qu'elle lisait. Vous ne semblez pas être quelqu'un de mauvais, un peu dérangé, certes, mais qui n'est pas un peu fou après tout ? Elle provoquait la surprise parmi ses consœurs.

 Ainsi donc, vous voyagiez avec deux amnésiques, relativement dangereuses si je puis dire. Je constate que vous avez par ailleurs sillonné une sacrée surface de notre belle Mithreïlid, vous avec découvert de nombreuses espèces végétales et semblez même vous être bien débrouillé pour en découvrir des usages inédits. Moi qui croyais que les Hulotes se contentaient de s'instruire le bec plongé dans leurs livres sans jamais quitter leurs nids... J'aurais finalement tout vu dans ma vie. Elle laissait échapper un rire étouffé, tandis que moi, à la manière de Gnas, je ne comprenais pas l'entièreté de son propos.

– Un Hulote ? Mais qu'est-ce ? L'interrogeais-je.

– Voilà qui est chose coquasse. Vous qui êtes instruit, ne savez pas à quel clan vous appartenez ? Cette paire d'ailes, bien que non-développée n'a jamais suscité votre curiosité ?

– À vrai dire, je n'ai jamais croisé aucun de mes semblables. Je ne parle pas des guérisseurs, ça j'en rencontre fréquemment, mais des Hulotes comme vous dîtes, jamais. Aurais-je dû les reconnaître ?

– Il est vrai que votre constitution est… Particulière. Vous n'êtes pourvu que de prémices d'ailes, voilà qui est chose curieuse, car les Hulotes sont censés s’en servir afin de voler... Sachez que votre ethnie se voit normalement revêtir le plumage d'un rapace, diurne ou nocturne et acquiert aussi son faciès. Vous concernant, je suppose donc que l'un de vos parents, devait être humain. Peut-être avez-vous ainsi évité d’hériter de l'arrogance innée de vos confrères. Mais passons.

– Quel est le nom de votre clan alors ? Si je puis me permettre la question. La relançais-je.

Mère ! Il en sait déjà trop. Râlait la fille de la Matriarche.

– Meladrys. Il suffit. Voyageur Tne'. Elle se levait, s'écartait de la tablée et à son tour se métamorphosait comme l'avait fait mon escorte, et reprenait d'une voix bien plus forte. Je me nomme Aetharys, et suis la cinquième incarnation de la déesse féline, Félicie, symbole du Partage entre les races de Mithreïlid mais aussi protectrice de la Sylve. Mon peuple et cette forêt sont liés, ainsi nous, féliciennes, dépendons aujourd'hui du secret de notre existence. Elle levait le doigt droit vers le ciel étoilé. Votre arrivée aujourd'hui est presque providentielle, car cette nuit est une soirée bien particulière pour nous. Une nouvelle Grande Prêtresse prendra ma place afin de faire perdurer nos traditions et pérenniser nos règles. Elle reprenait sa forme précédente. Aux vues de ce que j'ai lu, Voyageur Tne', je ne pense pas que notre secret soit en danger si vous en étiez le porteur, vous semblez conserver énormément de mystères dans vos ouvrages.

– Cependant, ce n'est pas la règle. Venait de dire la fille de la Grande Prêtresse, me faisant perdre l'espoir que je venais d'acquérir. Si nous ne suivons pas la règle, nous compromettons notre sécurité et celle de nos sœurs.

– Meladrys. Tentait d'intervenir la Grande Prêtresse.

– Mère. L'interrompait-elle. Pourquoi serions-nous sans cesse restreintes à rester discrètes si c'était pour épargner un étranger dont nous ne savons presque rien, qui pourrait à lui seul mettre à mal de longues décades sans aucun incident ? Pourquoi vouloir changer cela maintenant ?

– Là, intervient ma décision. Tu apprendras à rester à ta place, Meladrys. Ce n'est pas ton rôle de trancher pour le village.

– Pourtant si personne ne se décide à faire quoi que ce soit... Je ne resterai pas les bras croisés pour ma part. »


 C'est à cet instant que la jeune félicienne enragée bondit dans ma direction, se métamorphosant durant son saut. Le vent soufflait dans les branchages, comme si ma mort était en train de me fondre dessus. Je fermais les yeux et me recroquevillais sur moi-même.


  « Et tu croyais sérieusement réussir à parer son attaque dans cette posture ? Me soufflait-on, le tout accompagné d'un rire malicieux que je connaissais bien et qui me rassurait immédiatement. »


 J'ouvrais les yeux pour en avoir le cœur net. Un immense sabre me faisait face, accroché à une armure cloutée que je ne reconnaissais pas, un joli postérieur bombé et une tignasse mauve mal peignée partant dans tous les sens. Gnas se tenait belle et bien entre moi et mon assaillante, la retenant d'une main et faisant un signe de salutation aux trois autres femmes restées assises.

« Toi, décidément, tu as le chic pour te mettre dans de belles tapisseries. Rigolait-elle. Tu leur as volé leurs hauts et tu t'étonnes de ton sort ! Tu es irrécupérable Tne’...

– C'est de draps dont on parle dans ce genre de cas ! Pas de tapisserie, et je n'y suis pour rien quant à l'état de leur tenue.

– Ça serait bien la première fois. Pouffait Gnas.

Je vous dérange ? Grognait Meladrys, qui essayait de se défaire de la poigne de Gnas.

– Quand tu parles, oui. Lui rétorquait ma sauveuse. D'ailleurs... C'est un comme toi qui nous a agressé dans la forêt. J'ai comme une petite envie de prendre une revanche. S'attisait-elle, tandis qu'au même moment, une autre personne nous rejoignait sur la plate-forme sylvestre. Arrivée là par téléportation face à l'assemblée.

– Sauf que tu n'en feras rien, Gnas. Une voix masculine que j'avais déjà entendue auparavant prononçait ces quelques mots. Ces femmes ne sont pas nos ennemies. Grande Prêtresse Aetharys, mes salutations. Lâchait-il en s'inclinant respectueusement vers l'aînée.

– Maître Eruxul, quelle bonne surprise, toutes mes salutations. Venait de répondre la prêtresse en se levant et en lui rendant son salut. Cela faisait bien des lunes que nous ne vous avions pas vu au village.

– Si je me souviens bien, notre première rencontre fut le soir de votre sacrement, Grande Prêtresse, et à en voir nos Lunes, c'est une belle coïncidence car c'est cette nuit que vous allez léguer votre statut ? Si ma mémoire ne me fait pas défaut.

– En effet, Maître Eruxul, votre mémoire ne vous fait pas défaut même si cela doit remonter à quasiment cent cycles. Le temps défile si vite, n'est-ce-pas ? Elle fondait en rire et lui en faisait de même.

– Nous ne souhaitions pas vous déranger en une soirée si importante, néanmoins, connaissant vos règles et constatant la position de ce cher Tnemesnap, je vous demanderai de bien vouloir accorder votre bonté à cet homme. Tel que vous l'aviez honorablement et charitablement fait pour moi à l'époque. Demandait-il d'un ton très respectueux.

– Je ne comptais pas appliquer d'irrévocable sanction, quoi qu'il en soit. En ces temps sombres, la mort est bien assez souvent invoquée pour qu'un innocent soit assassiné froidement. Cette phrase me donnait des frissons et en même temps me rassurait. Meladrys, ma fille, apaise-toi et reviens ici, Maître, prenez donc place parmi nous, ainsi que la jeune fille qui vous accompagne, si vous le souhaitez. Elle désignait la tablée de la main. Voyageur Tnemesnap ? M’interpellait-elle. »


 Pendant ce temps, la fille de la Matriarche transformée faisait un pas en arrière et reprenait son apparence normale, elle défiait du regard Gnas, qui ignora sa provocation, m'aida à me relever puis rejoignit Eruxul.


 « Oui, Grande Prêtresse ?

– Je vous demanderai de bien vouloir pardonner l'impulsivité de ma fille, je ne tenais pas à vous effrayer, et par ailleurs… Elle inspectait Gnas de bas en haut. Je suppose que cette jeune femme, c’est la fameuse Gnas dont vous parlez dans vos recueils, n’est-ce-pas ?

– Vos excuses sont toutes acceptées, Grande Prêtresse, et oui, il s'agit bien de Gnas. La seule et unique.

– En chair et en sang, Aetharys. C'est bien moi. Lâchait Gnas, sans même prendre la peine de la nommer par son titre, embrasant immédiatement le visage de Meladrys.

– Ahem. Soupirais-je.

– Ne lui en voulez pas Grande Prêtresse. Reprenait rapidement Eruxul. Gnas est très... Il cherchait une façon de caractériser son manque de tact. Naturelle, les us et codes de marque lui sont étrangers, mais sans animosité aucune de sa part.

– C'est quoi un us ? Demandait-elle discrètement à Eruxul.

– Plus tard Gnas, ce n'est pas grave. Toujours est-il que nous devrons rapidement reprendre notre chemin, Grande Prêtresse, notre temps est compté.

– Malgré plusieurs centaines de cycles d'existence, vous êtes toujours à courir derrière ce dernier, je vous plains Maître Eruxul. Je pensais naïvement qu'avoir une telle longévité vous permettrait un jour de profiter, mais cela n'a pas l'air d'être le cas.

– Si Mithreïlid connaissait enfin une paix durable, peut-être cela me serait-il possible. Hélas, j'ai bien peur de ne malheureusement pas avoir le temps de connaître cette ère. La Reine Sombre semble bien décidée à vouloir étendre son emprise sur notre Monde.

– Cette vieille folle ne cessera-t-elle donc jamais de vouloir semer mort et dévastation ? Déjà jeune, j'entendais parler des méfaits qu'elle accomplissait et des horreurs qu'elle causait. Sa magie est si puissante, qui pourrait bien la renverser et ramener la paix sur Mithreïlid ? J'écoutais, très intéressé, à l'instar des trois jeunes femmes, les anecdotes à propos de cette Reine Sombre dont le nom m’était alors inconnu ; Gnas, elle, semblait absorbée par le ciel étoilé, captivée par l'éclat de la nue.

– À vrai dire. Je n'ai jamais constaté pareille aberration à Irasandre, si ce n'est durant le sur-cycle de la Grande Nuit, où les grands maîtres se déchirèrent entre eux et que cela les mena à disparaître. Le désir d'immortalité d'Irasandre et ce qu'elle met en place pour essayer de l'obtenir est de plus en plus inquiétant. J'ai bien peur qu'elle ne cesse de saccager cette Terre, que lorsqu'elle aura réussi à obtenir la vie éternelle. Je lui souhaite pour ma part de finir rongée par la putréfaction, porter un tel fardeau n'a rien d'un don. Encore moins lorsque l'on pratique le vice et la torture pour espérer pouvoir en jouir.

– Vous en savez beaucoup à propos de la vie éternelle, Maître Eruxul ? Demandait la fille de la prêtresse. Qui décide de qui la possède et de qui ne la possède pas ?

– Je n'en sais rien. J'ai grandi comme n'importe quel habitant de Mithreïlid, d’ailleurs au début de ma vie, je n'étais alors qu'un simple Mithreïlidien, je soignais les plantes et les arbres. Je ne savais pas pourquoi, mais cette phrase ne semblait pas être la vérité complète. Une fois devenu adulte, seulement à mon soixante-dixième cycle solaire, je constatais que tous mes proches, eux, avaient pris un léger coup de vieux, je me sentais toujours aussi jeune, puis j'ai dépassé mon premier sur-cycle. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là, que j'ai commencé à voir le temps, qui défilait en chaque être, mais qui semblait s'être arrêté en moi. Quelques cycles plus tard, la plupart de mes connaissances étaient déjà mortes de vieillesse, ce n'est que vers mon cent cinquantième cycle que mon pouvoir s'est réellement réveillé. J'ai appris à me téléporter, à contrôler et interroger le Temps. Presque cinq sur-cycles ont passé depuis. Tant et si bien, qu’après avoir parcouru notre monde à la recherche d'autres personnes pouvant vivre aussi longtemps que moi, je reste bredouille, seuls les autres Maîtres auraient pu en être capables, je suppose.

Malheureusement, ils se sont pour la plupart éteints durant le sur-cycle de la Grande Nuit, tous admettaient que leur longue vie était liée à leurs pouvoirs respectifs. Tandis que les cycles défilaient, et que j’effectuais des boucles incessantes sur Mithreïlid, toujours en quête d'êtres éternels, ma seule constatation fut que seules quelques ethnies possédaient une très longue longévité, telle que la vôtre, les Hulotes ou bien les Nautiliens. Il n'était cependant toujours pas question d'une quelconque vie éternelle... À une exception près.

– Pourquoi continuez-vous sans cesse de chercher alors ? L'interrompait Decadrys. Et cette exception, qu'en est-il ?

– Si je rencontrais un Mithreïlidien qui avait vécu au moins trois sur-cycles, j'aurais la possibilité de partager son passé et de trouver une éventuelle réponse et par là-même, qui sait, un potentiel disciple. On m'a accordé le titre de Maître car je suis le plus vieux des êtres qui foule encore ce monde et que j'ai accumulé autant de connaissances qu'une bibliothèque. L'exception ? Ce n'est pas la peine d'en parler. Elle a disparu durant la Grande Nuit.

– Tu as pensé aux dragons ou aux les-va-t-ens ? Tous les regards se tournaient soudainement vers Gnas, qui n'avait pas encore décroché une phrase depuis son arrivée.

– Comment ça, Gnas ? L'interrogeait Eruxul.

– Je pense qu'elle voulait parler des léviathans. Corrigeais-je, surpris qu’elle en parle, leur existence n’étant relaté que dans des livres.

– C'est confus mais... Les Dragons n'étaient-ils pas à la base que des petits lézards ? Mais que le temps a fini par leur donner leurs pouvoirs, leur puissance, puis enfin, leur aspect gigantesque. Toi tu pourrais être une sorte de levat... letiav... Enfin voilà, quoi. Le gros truc qui n'est pas le dragon. Finissait-elle brouillonne, bien que cette longue phrase sans accroc tienne du miracle.

– C'est une piste que je n'ai pas explorée, un peu saugrenue, mais... Eruxul semblait pensif, et interrogeait immédiatement la nue étoilée, comme si une réponse s’y trouvait.

– Mais pas sans intérêt. Reprenait la Grande Prêtresse. Tant de races de Mithreïlid sont des hybrides animales et humaines, cela serait-il impossible qu'un léviathan ou qu'un dragon prenne une forme humaine pour se reproduire et ainsi créer un hybride aux pouvoirs quasi-divins. C'est à cela que vous pensiez, dame Gnas ? Dame Gnas ? Elle insistait se rendant compte que son interlocutrice avait de nouveau le nez dans les étoiles.

– Pardon ? Je vous ai perdue à hy-truc. Rétorquait-elle sans gêne.

– Cette fille a l'air complètement à la masse. Se moquait Meladrys, avant de recevoir un coup de coude de sa mère.

– Gnas est... Je commençais.

– Gnas est une personne tout bonnement incroyable. Me coupait Eruxul. Je l'ai vue battre à plate couture un Dragon il n'y a pas un jour. Il s'agissait peut-être d'une matérialisation maléfique, mais je suis formel. C'était un Dragon, j'ai pu l'admirer aussi clairement que je vous vois actuellement tous là. »


Toutes s'interrompirent, moi y compris et tous les regards se tournaient vers elle. Nous avions tous entendu la même chose. Une créature légendaire abattue par une seule personne. Pas la plus sage, pas la plus instruite, puis quand on la connaît, on sait que Gnas est une brute qui foncerait tête baissée et qui se serait sûrement faite gober toute ronde, dépassée par la taille et la puissance d'un tel monstre.

« Tu lui as prêté main forte, Eruxul ? Supposais-je.

– Non. J'allais le faire, mais Gnas m'a fait comprendre que j'allais la gêner. Je n'ai donc pas pris de risque et j'ai bien observé la scène. Pas de doute à ce sujet. Les crocs qu'elle porte au ceinturon vous confirmeront mes dires. Gnas ? Il se répétait se rendant compte qu'elle était à nouveau en train de contempler le ciel. Gnas, peux-tu montrer tes trophées à la Grande Prêtresse ? Gnas posait son immense sabre sur la table, puis commençait à vouloir se débarrasser de son haut d'armure afin de montrer sa poitrine, mais je l'en empêchais.

– Eruxul parlait des crocs de Dragon que tu possèdes.

Je ne sais pas moi, comme ici tout le monde expose ses trophées à l'air libre... J'ai cru qu'il me demandait de le faire aussi. J'ai suffisamment voyagé avec toi, Tne’, pour que cette requête ne paraisse pas si étrange. Je veux bien vous montrer les dents, mais on ne me les vole pas, hein. Elles sont à moi maintenant. L'assemblée lâchait un petit rire partagé me visant, je me sentais un peu bête de m’être fait moucher de la sorte. Gnas tendait une des canines monstrueuses à la Grande Prêtresse.

– Je confirme, c'est un croc de Dragon. Vous êtes décidément pleine de surprises, dame Gnas. Lâchait-elle d'un ton admirateur. Je n'avais d’ailleurs jamais vu le Masamune en vrai, je suppose que vous avez occis le dragon avec ?

– Bah non... J'étais désarmée et il volait le dragon. Alors je lui ai jeté un caillou dans la tête et après je l'ai cogné et cogné et cogné... Ah et je lui ai déchiré la gueule aussi. Puis il est mort. Elle riait à gorge déployée. Je me mettais une baffe dans le visage, c'était du Gnas tout craché, tant dans le récit que la méthode employée.

– Mais, Masamune n'est-elle pas trop lourde pour vous ? Demandait la Grande Prêtresse.

– Cette épée ridicule ? Sa fille pestait à l'idée de ne pas être au centre de l'attention alors que la nuit passait et qu'elle s’impatientait d’hériter du titre de Grande Prêtresse, si j’avais bien suivi. Je suis certaine de pouvoir la soulever, moi.

– Ma fille, allons...

– Je vais vous montrer. La jeune femme essayait de soulever l'arme mais elle ne se soulevait pas d'un coussinet. Elle se métamorphosait et tentait de plus belle. Toujours rien. Elle reprenait son apparence humanoïde, croisait les bras et ne disait plus un mot.

– Il me semble que Masamune choisit son guerrier. Elle décèle la volonté de son utilisateur, ou bien se laisse-t-elle seulement brandir par son propriétaire légitime, je ne sais pas exactement. Cela n’ôte en rien son poids, demeurant énorme pour n'importe qui la soulèverait. Rajoutait Aetharys. Enfin, c'est une hypothèse.

– C'est pour ça que le vendeur a pu me l'attraper l'autre jour. Même s'il a failli tomber avec... Et qu'il disait que je ne pourrais pas la porter. Tout serait lié.

– Être l'élu d'un artefact de guerre est une sacrée preuve de force. Soulignait Yzidrys. Je l'ai lu. Il en existe cinq en tout. Si je me souviens bien, Masamune est l'artefact du Sang Épineux ! La classe ! Je peux le toucher ?! Interrogeait-elle Gnas, qui, bien que surprise finît par acquiescer d'un hochement de la tête.

– Aetharys, j'ai une question. Lançait Gnas, tandis que la jeune félicienne s'émerveillait devant l'arme massive.

– Oui, je t'écoute.

– Il y a des mâles dans ce village ? Je demande ça, car il y a plusieurs jours, nous avons été attaqués par une créature qui comme vous se transformait et vous ressemblait. C'était dans une forêt aussi.

– C'était dans cette même forêt, Gnas. Lançais-je.

– Non, nous nous sommes séparées des mâles de notre village. Ils étaient trop belliqueux et passaient leur temps à vouloir guerroyer et partir en quête et conquête de nouveaux territoires. À la suite d'un combat entre les deux alphas, mâle et femelle, il fut décidé que les mâles quittent la forêt. Ils se vendirent sûrement comme mercenaires, incapables de rester unis et soudés. Je regrette qu'un tel incident soit arrivé. Néanmoins, concernant notre scission je n'y suis moi-même pour rien, cette histoire remonte à bien avant ma propre existence.

– Ça n'aide pas. Je jure que si je remets la main sur un autre de ces gros chats. J'en fais un tapis. Rageait Gnas.

– C'est la raison initiale de votre arrivée ici, Voyageur Tne' ?

– Entre autres, oui. Nous avons été dispersés lors de l'attaque puis, je me suis perdu et ai erré dans la forêt.

– Vous qui pestiez en pensant que c'était la faute de vos camarades, cet assaut, elles n'y étaient pour rien, finalement. Clamait, sage la Prêtresse.

– Disons qu'Evialg et Gnas sont tout de même, deux aimants à problèmes, ne les dédouanez pas trop vite. L'une ne ferait pas mieux que l'autre pour essayer d'éviter une querelle. Et encore, je dis bien essayer, seulement.

– Baaaah, il vaut mieux lutter que de s'offrir à l'adversaire. Si tu étais un peu plus une belle queue, tu comprendrais ça toi aussi. Glissait Gnas déclenchant une fois de plus un rire général.

– Une plus belle queue ? L'interrogeais-je. Je ne saisis pas.

– Bah si tu aimais un peu plus te battre, quoi.

– Si j'étais belliqueux alors Gnas. Pas si j'avais une plus belle queue. La reprenais-je.

– Oui voilà. Le problème reste le même. Si tu ne choisis pas de te battre, forcément d'autres le feront pour toi. Je ne sais pas pourquoi ça t'étonne, un jour, des monstres t'agresseront et tu ne pourras pas les raisonner. Ni les faire fuir avec des insectes en bouteille ; la seule résolution c'est la baston ! Criait-elle d'un ton vindicatif.

– Vous semblez être une guerrière aguerrie, dame Gnas. Depuis combien de temps foulez-vous Mithreïlid ? S'intéressait Yzidrys.

– Je ne sais pas trop. Sans gêne elle dévoilait un de ces bras, entièrement mutilé et tatoué. Je me suis faite ces dessins et ces cicatrices quand j'ai quitté le temple du Désert. Je n'étais qu'une enfant et cela doit bien remonter à une vingtaine de cycles. Enfin je ne sais pas vraiment quel âge j'ai. Mais depuis que je suis debout, je me suis énormément battue ! Ah ça, oui.

– Pour savoir manier une telle arme, j'imagine oui. Êtes-vous une Maître vous aussi ? Puisque vous voyagez avec Maître Eruxul ? Continuait, curieuse, la félicienne.

– Il y arrive à peine au mètre, hein… Et ce n’est pas le seul ! Gnas laissait échapper son rire indiscret, et faisait une fois de plus pouffer l’assemblée.

– Vous êtes si drôle dame Gnas. Mais non, un Maître est une personne qui transmet ses enseignements. Vous avez bien été formée au combat vous aussi ? Vous devez forcément avoir un disciple !

– Euh. Non. Enfin ça ne me rappelle vraiment rien. Gnas semblait chercher sérieusement dans sa mémoire. Non, j'ai appris toute seule... Mais quand, je ne sais pas non plus. En fait... C'est même bizarre, car avant de rencontrer Evialg et Tne', je ne m'étais jamais battue. Puisque j'étais seule dans le désert.

– Moi j'aimerais bien devenir votre disciple, vous avez l'air si forte ! Je m'appelle Yzidrys, et je serais ravie de bénéficier de vos connaissances. Clamait-elle.

– Doucement Yzidrys, ta destinée n'est peut-être pas d'aller te battre sur les mêmes fronts que Dame Gnas. Palliait la Prêtresse à son optimisme.

– Je ferai une bien mauvaise Maître, de toute façon. Je n'arrive déjà pas à me servir d'une fourchette ou à m'exprimer clairement alors, apprendre à quelqu'un d'autre comment se battre... Ça serait trop compliqué. Ironisait-elle.

– Oh... La déception se lisait dans les yeux fendus d'Yzidrys. Si vous changez d'avis, vous saurez où me trouver. Enfin si vous ne devez pas être exécutée à cause de ça.

– HAHAHAHA. Le brouhaha de Gnas, interrompait les multiples discussions qui se croisaient autour de la table. Moi ? Être exécutée ? Plutôt mourir. Hurlait-elle en se tordant de rire. Depuis que nos routes se sont croisées avec Evialg... Elle se rendait compte cette fois-ci que personne ne savait de qui elle parlait. Qui est une personne très forte, je n'ai plus jamais perdu d’affrontement. Bon d'accord, quand ça gicle, ça gicle ; d’ailleurs, même dans cette forêt, j'aurais pu mourir empalée sur une vieille branche qui était accrochée à un arbre. Mais non. C'est fini tout ça, la mort, plus jamais !

– C'est vrai que même si tu te blesses, tu peux faire repousser ta chair, un avantage indéniable quand on a un tel besoin de donner et de recevoir des coups. Lui lançais-je.

– Repousser la chair ?! S'exclamait la Grande Prêtresse.

– Démonstration ! Criait Gnas. »

 Sans que je ne l’aie vue venir, ni Eruxul qui avait l'air d'être pourtant assez alerte, surtout quand il s'agissait de prévenir d'une Gnasserie ; cette dernière, empoignait une dague dissimulée sur elle, et s'entaillait le bras droit de deux longues plaies, dont le sang, comme elle l'avait dit juste avant, giclait abondamment sur Eruxul et moi qui étions à ses côtés, et sur la Grande Prêtresse, qui, malheureusement se trouvait face à elle.

 La consternation s'affichait dans le regard de la fille de la matriarche, tandis que c'est la surprise et la crainte qui naissaient dans les yeux des deux autres féliciennes. Contre toute attente, la Prêtresse resta de marbre, concentrée sur l'avant-bras dont la balafre se refermait miraculeusement en une poignée de secondes.

  « C'est incroyable. »

Se contenta-t-elle de dire, toujours aussi calme, tandis que les fleurs et plantes qu'elle revêtait sur sa coiffe et son habit, semblaient s'étendre afin de se nourrir des gouttelettes de sang ayant volées auparavant. Les végétaux croissaient suite à l'absorption, verdissant davantage et bourgeonnant comme par magie. La Grande Prêtresse tâtait sa parure vivante et conservant le même ton que juste avant, lâchait :

  « C'est incroyable ! »

 Comme si Aetharys avait été touchée par l’illumination, elle inspirait longuement en ayant au préalable fermé les yeux, reprit une posture assise bien droite, s'imprégnant de l'air pur, du murmure des étoiles et de la magie qui émanait de la sylve endormie, puis elle se levait lentement, écartait les bras et proclamait très solennellement :

  « Par les Lunes qui ce soir nous inondent de leur éclat, moi, Grande Prêtresse Aetharys, guidée par les étoiles, annonce la fin de mon voyage, j'ai marché suffisamment longtemps sous la bénédiction de notre Déesse Félicie. C'est sous l'Accolade des Lunes que j'ai reçu le devoir d'aimer au nom de ma Déesse, et c'est sous la même Accolade des Lunes, que ce soir, je vais transmettre mon titre de Grande Prêtresse et la responsabilité de diriger notre Clan. Nous nous distinguons par notre force, telle que la tienne, Meladrys ma Fille. Nous nous instruisons par notre grande curiosité, comme la tienne, Yzidrys. Mais nous nous distinguons surtout par notre Amour et notre compréhension des autres Mithreïlidiens, et cette qualité, elle te revient Decadrys. C'est avec cette même empathie et cet amour radieux que tu devras continuer à faire prospérer notre Clan, sous la sagesse des Lunes. »

  La Grande Prêtresse souleva sa coiffe de pierres précieuses et de plantes, se déplaça jusqu'à Decadrys qui s'était levée et inclinée, et déposa la couronne sur les oreilles duveteuses de la jeune félicienne. L'éclat des Lunes s'intensifia et un rayon alla en direction des pousses vivantes ornant la coiffe, les faisant croître et faisant éclore de larges fleurs en cloche, dont le cœur était aussi rouge que le sang de Gnas et l'extrémité reluisant de la même teinte céruléenne que les astres nocturnes. Decadrys avait l'air dans un autre monde, transportée par l'événement dont elle ne devait pas espérer qu'elle en serait la clé. Elle se tenait droite sous le faisceau qui l'illuminait et aucun mot ne semblait lui venir.

 La fille de l'ancienne Grande Prêtresse, qui pensait être la future cheftaine du village ; semblait dépitée et était verte de rage, rongée par l'orgueil, elle quittait la tablée et l'assemblée sans rien dire. Yzidrys, qui ne semblait pas convoiter le pouvoir, rayonnait de bonheur, tandis que Gnas applaudissait sous le regard médusé d'Eruxul. Moi, je contemplais les lianes tombantes des fleurs montées sur la couronne, qui couraient sur la poitrine scintillante de la lumière des Lunes, de la nouvelle Grande Prêtresse.

Elle revenait à elle, nous échangions un regard plein de je-ne-sais pas-quoi, qui m'avait transporté droit dans ses bras sans que je n’aie à bouger. Aetharys était partie en direction du bord de la plate-forme et avait clamé quelque chose vers le bas. Quelques instants plus tard, plusieurs féliciennes nous apportaient des plats magnifiques, qui, ne ressemblaient en rien à la bouillie rebutante que j'avais du manger plus tôt. Je l'aimais bien ce village, finalement.

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