Chapitre XVIII : Le Cœur et ses peines, Partie 5

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 Tandis que l'après-midi touchait à sa fin, les murs d'enceinte se profilaient face à notre troupe ainsi que les hommes de main du boss, lourdement armés, qui se préparaient à défendre les grilles. Tout le monde ici savait que la garde allait revenir pour terminer le travail, j'allais donc devoir lutter pour atteindre le dernier étage du bâtiment. Je faisais signe aux soldats de rester en arrière, tandis que je m'ouvrais une fois de plus la peau.

 Cette fois-ci, j'optais pour une hallebarde afin d'éviter un combat trop rapproché et me lançais à l'assaut des défenseurs. Il ne m'avait fallu qu'une rotation sur moi-même et deux coups latéraux pour mettre tous les bandits à mal. Je poussais les épaisses grilles et fonçais vers les portes de l'Orphelinat. Je constatais en entrant dans le hall d'entrée, que l'incendie que j'avais demandé à Mylteïne de déclencher, avait bien eu lieu, et devait avoir dévoré et réduit en cendres tous les objets de valeur qui se trouvait dans la salle des coffres. Cette nouvelle me rassurait, aussi, continuais-je ma progression.


 Bien sûr que pendant mon ascension nombreux furent ceux qui, me foncèrent dessus pour essayer de m'arrêter ; cependant, sans une égratignure, si ce n'est celle que je m'étais moi-même infligée, je parvins face aux appartements de Rynhil. J'enfonçai la porte de son bureau et tombai nez-à-nez avec les derniers lieutenants encore vivants entourant le boss dont le regard semblait accablé de haine. Sauf qu'il n'y avait pas qu'eux. Complètement dénudée et violacée par les coups dont elle avait dû être couverte, Mylteïne était enchaînée aux pieds du boss.



 « Tu ne devineras jamais Lyore, mais aujourd'hui, tu n'as pas été la seule à te rebeller contre mon autorité. Cette catin a été surprise en train de fuir, les bras chargés de MON or ! Si encore il n'y avait eu que cela, mais non. Tous mes butins, tu entends ! TOUS MES BUTINS ! Sont désormais réduits à néant. Toi, je te pensais clairement morte, et en même temps, je me disais que telle que je te connaissais, tu devais peut-être te trouver dans un état pitoyable.

 Je pensais donc qu'au mieux, tu aurais fui loin d'ici et que jamais je n'aurais eu à revoir ta tête de cafard. Mais non. Tu es là face à moi, et je me dis que cela n'est pas plus mal finalement, tu vas donc pouvoir répondre de tes actes. Toi qui es si proche de cette traînée, tu lui serviras de faire-valoir quand mes hommes t'enchaîneront et vous violeront copieusement, jusqu'à ce que mort s'en suive. Qu'en dis-tu ? Ah je sais, rien puisque tu es muette. Saisissez-la ! »



Les quatre lieutenants me sautèrent dessus, toutes armes sorties. Je les mis au tapis sans aucune difficulté, sauf un que j'attrapai et que je maintins en le serrant à la gorge à l'aide de mon avant-bras. Je relevai la tête.



 « Ne fais plus un geste. Le boss avait saisi Mylteïne par les cheveux et avait placé une dague contre son cou. Tu bouges un doigt, je l'égorge. Tu as l'air d'y tenir à cette traînée, n'est-ce-pas ? Alors sois gentille, et relâche mon bras droit tu veux ? Je n'avais pas réellement le choix, je devais trouver un moyen de la sauver elle. Aussi balançais-je l'homme contre le mur à ma droite. Voilà qui est mieux. Alors qu'il avait fini sa phrase, il découpa la gorge de Mylteïne, la laissant s'écrouler dans une mare de sang. Que croyais-tu ? Que j'allais tenir ma parole ?

 Tu délires, ma pauvre. Alors que j'étais dépitée et effondrée par ce qu'il venait de se passer, celui que je venais de jeter au mur m'empoignait par surprise et me projetait sur le bureau, et se plaçait derrière moi, plaquant mon crâne sur le bois. Bon discutons maintenant, il est clair que je ne suis plus aussi bien pourvu que ce matin. Je n'ai plus d'or, plus de prostituées. Je l'écoutais à peine, j'étais détruite et complètement abasourdie. Je pense donc que tu vas pouvoir effectuer cela pour moi. En plus, pour les clients un peu vicieux, tu ne pourras même pas dire que tu ne veux pas.

 Avant toute chose cependant, je vais t'apprendre à t'être rebellée. Il enfonçait sans plus attendre une dague dans chacune de mes mains, je mùe retrouvais clouée au bureau, mon sang se déversant à grosses gouttes. Elle ne pourra pas se défaire, tu peux y aller. L'homme derrière moi souleva ma tunique et fit descendre mon pagne au niveau de mes chevilles, j'entendis le cuir de sa ceinture se desserrait. La douleur dans mes mains venaient de me réveiller subitement, et je bouillais d'une fureur telle que je n'en avais jamais ressenti. Tu as une bonne tête tu sais, peut-être que tu vas me faire gagner beaucoup d'argent comme ça aussi finalement. riait-il.

- Parce que tu crois que je vais me laisser faire, c'est ça ?

- Qu...Quoi ?

- Tu as bien entendu espèce de porc. Je vais vous découper en morceaux, toi et ton crevard de lieutenant. Je vais vous saigner. Je sentais l'homme derrière moi commençait à se rapprocher, le sexe sûrement tendu.

- Et comment tu comptes faire ? Moi tout ce que je vois, c'est une muette pas si muette que ça, qui n'a aucun moyen de se libérer, et qui va se faire...

- FERME-LA ! Je ne saurais comment l'expliquer, mais je venais d'enfoncer mes doigts dans le bureau en bois et le soulevais au-dessus de moi, jusqu'à l'amener suffisamment en arrière. Je me laissais tomber au sol, laissant le meuble massif s'écraser sur le lieutenant, qui fut aplati et mâché sous les débris massifs, je me relevais. Tu m'as tout pris espèce de déchet, je vais te massacrer. Mes mains étaient toujours perforées par les couteaux, aussi arrachais-je les lames à l'aide de mes dents, je lui jetais aux pieds. Je te laisse une chance espèce de crevure, vas-y défends toi, immonde pourriture, je t'attends.

- Tu n'aurais pas dû, insolente. Il ramassait les lames et m'en jetais une directement au visage que je balayais d'un retour de poignet, il continuait sa charge dans ma direction. JE T'AI !

- Tu crois ça ? Au moment où il arrivait à mon corps à corps, je transperçais son abdomen du bout des doigts, alors que bloqué contre moi, il s'acharnait à me poignarder le dos, je ne savais pas si la peine de voir mourir Mylteïne m'empêchait de souffrir, mais je ne sentais rien, si ce n'était des coups vifs et répétés traversant ma chair.

 Tu vas te calmer maintenant. J'avais enfoncé mon avant bras dans ses entrailles, sa peau se fendait en de nombreux points et je finissais par attraper son cœur. La lame avec laquelle il m'avait poignardée tombait au sol, il ne se débattait plus et semblait être incapable de respirer. J'aime ce regard sur ton visage, je suis sûre de ne pas l'avoir assez vu dans ma vie. J'aime quand ta sale gueule bouffie est déformée par cette sensation d'incapacité totale et d'impuissance. Laisse-moi te donner une bouffée d'air. Je lâchais l'organe battant et arrachais ses poumons hors de sa cage thoracique.

 Ça n'a pas l'air d'aller mieux ? L'homme qui jusque là m'avait toujours poussée à l'épuisement se retrouvait juguler par ce que je lui infligeais. J'ai toujours trouvé que les vauriens comme toi, c'est-à-dire ceux qui s'en prenaient aux faibles et aux femmes, manquent cruellement de tripes. J'empoignais alors les intestins du boss, et les tirais hors de l'abdomen presque vidé de toutes les entrailles qu'il contenait. A mes pieds, le sol était couvert de sang et de liquides en tous genres dans lesquels baignaient les viscères du voleur qui avait dérobé toute ma vie, jusqu'à me priver de la femme dont je venais de tomber follement amoureuse.

 Et maintenant, tu peux me dire où sont les lieutenants qui viendront te sauver, hein ? TU PEUX ME LE DIRE, ORDURE ?! Le corps délesté de tout ce qui le composait s'avérait beaucoup plus léger que lorsque j'avais commencé à le disséquer. Maintenant espèce de rat, tu sais ce que cela fait de se sentir privé de tout ce que l'on chérissait ! Tu te retrouves comme tu as toujours voulu que je sois ! VIDE ! VIDE ! VIDE ! Tandis que j'hurlais, je cognais le corps dans tous les coins de la pièce, avec une telle force que le squelette que j'étais en train de secouer dans tous les sens, se liquéfiait un peu plus à chaque fois qu'il rentrait en collision avec un mur. Bientôt, une douleur aiguë me saisissait aux tempes, avant qu'un long sifflement me fasse finalement reprendre mes esprits.

 Qu'est-ce que... Je regardais le bout de mon bras, rentré dans la marionnette de chair, désormais flasque et inanimée, je m'en débarrassais. Mon cœur se mettait à battre la chamade, tandis qu'après avoir scruté autour de moi, je redécouvrais le visage livide de Mylteïne, dont la gorge tranchée avait laissé tout son sang se répandre au sol. Je prenais conscience de la rage qui m'avait possédée pendant ces quelques instants et estimais que le boss en avait fait les frais. Mylteïne, ce n'est pas possible... Pourquoi toi... Pourquoi t'ont-ils fait ça... Je m'écrasais au sol près de son corps, que je serrais contre moi, comme si j'avais pu la refaire revivre, comme si mon amour pouvait la sauver.

 Réveille-toi, je t'en supplie... Je sentais sa chaleur s'évanouir et se dissiper, pour finalement laisser place à un froid éternel. Je pleurais toutes les larmes de mon corps. Mylteïne ! Réveille-toi ! Reviens-moi, s'il te plaît ! Ne me laisse pas toute seule ici ! Je soulevais sa tête que je rapprochais de la mienne et pressais son front contre le mien, je repensais à la nuit précédente, j'embrassais sa bouche dont les lèvres avaient déjà eu le temps de se boursoufler.

 S'il te plaît Myl'... S'il te plaît... Mais bien sûr, il ne se passait rien. Je reposais son crâne. Tout ça, c'est de ta faute ! Je sombrais à nouveau dans la rage, j'attrapais alors le cadavre de Ryhnil et le jetais par les fenêtres qui se trouvaient derrière son bureau. Je retournais auprès de Mylteïne et reprenais son visage entre mes mains puis l'apposais sur mes genoux. Je ferais vivre ton rêve au fond de mon cœur Myl'.

 Pour toi, je vais parcourir Mithreïlid, je vais en explorer chaque recoin et un jour, un jour j'écrirai un livre dans lequel nos noms seront liés pour l'éternité. Je te le promets. J'embrassais son front, ses joues et ses lèvres, goûtant à chacun de mes baisers les larmes qui s'écoulaient de mes yeux enflammés. Je découvrais un collier qu'elle n'avait jamais porté jusqu'alors, une cordelette retenait une émeraude en forme de croissant de lune que son sang avait teinté d'un rouge profond, je découpais le fil en tissu et le renouais autour de mon cou. Je saisissais délicatement Mylteïne sous les genoux et en posant mes doigts sous sa chevelure, plaquant son visage contre ma poitrine. Partons d'ici maintenant, je hais plus que jamais cet endroit. »



 Derrière mon passage, les flaques écarlates se séparèrent en gouttelettes flottant dans l'air, qui vinrent léviter autour de moi, à chacun de mes pas, ces dernières prenaient l'apparence de pieux et allaient transpercer plafonds et murs, s'immisçant dans le bois et la pierre dont était composé l'Orphelinat.

 Tandis que je descendais étage après étage, les niveaux supérieurs s'écroulaient et à l'instant où nous fûmes sorties de la bâtisse, elle s'affaissa dans nuage de poussière colossal et dans un fracas sans pareil. Les gardes de la cité s'étaient avancés sur la propriété afin d'attraper les derniers fuyards et un attroupement s'était formé autour de Rynhil qui jonchait au sol, tout flasque. J'évitais de m'en rapprocher, quand une main se posa sur mon épaule, je m'arrêtai mais ne me retournai pas.



 « C'est un sacré ménage que tu as fait là. Nous n'aurons plus jamais à nous inquiéter de ce lieu, je suppose. Le chef de la garde semblait fier de mon exploit. Je n'aurais jamais imaginé une personne seule capable d'effectuer un tel ravage, c'est assez spectaculaire, il faut le reconnaître. Néanmoins, je ne vous tiendrai pas rigueur ni de l'état de la bâtisse, ni de celui de Ryhnil. Je suppose qu'il méritait de souffrir toutes les morts du monde de toute façon. Et cette jeune femme que vous transportez, de qui s'agit-il ? Ses blessures sont-elles graves ?

- C'était l'amour de ma vie. Je me retournai vers lui tout en me retenant de ne pas fondre en larmes, bien que ma voix se voila de tristesse. Ils l'ont égorgée devant mes yeux... Quand je suis arrivée en haut... Ils avaient promis de ne pas lui faire de mal...

- Je... Il ôta son heaume qu'il avait encore sur le crâne. Je suis sincèrement désolé pour vous. Son regard croisa le mien, et aussitôt il se remplit d'une tristesse empathique à la mienne. Je ne vous connais pas assez pour savoir ce dont vous allez avoir besoin, je vais vous mettre une chambre à disposition dans la grande auberge face à la caserne, dîtes moi ce dont vous aurez besoin, et je vous le ferai quérir. Je regrette qu'avoir sauvé la ville vous ait coûté la vie de cette jeune femme.

- Non. Ce n'est pas ça... Je cédai au chagrin et me remis à pleurer. Je ne sais pas pourquoi j'ai cru qu'ils l'épargneraient. J'aurais dû les massacrer sans réfléchir.

- Jeune fille. L'homme fronça les sourcils, bien que ses yeux furent à leur tour embrumés. Ce qui différencie une bonne personne d'un vaurien, c'est la capacité à imaginer une issue dépourvue d'une violence spontanée. Ce qui les différencie aussi, c'est la notion de sacrifice. Malheureusement, et je ne vous l'apprends pas, l'honneur et les scrupules ne faisaient pas partie du vocabulaire de ces humains abjects.

 Ces mots ne feront pas revenir votre amour à la vie, et je ne suis pas capable de la ressusciter, néanmoins, si elle vous aimait, c'est qu'elle devait farouchement croire en ce qui vous animait au plus profond de votre âme et de votre être. Et je sais aussi, même sans vous connaître, que vos yeux et votre attitude ne prouvent qu'une chose : votre amour était sincère et essentiel tant à vous, qu'à elle. Ne laissez pas de viles personnes salir cette force lovée au fond de vous ; car bien qu'il ne se manifeste ni sur un champ de bataille, ni lors d'une altercation douloureuse, l'Amour est pourtant ce qui rend nos choix meilleurs et qui glorifie nos actes.

 Néanmoins, tel que dans votre cas, il laisse parfois un goût amer et un lourd tribut à payer. Soyez forte et ne cessez jamais d'aimer, car lorsque l'obscurité vous prendra en proie, seul l'Amour vous permettra de vaincre le doute et la perfidie. N'oubliez jamais ceci jeune fille.

- Jamais je ne pourrais l'oublier, jamais. Ni elle, ni la douleur que sa mort provoque chez moi. Peut-être est-ce là le plus dur... Je pleurais à grosse larmes.

- Faîtes vivre vos promesses, et entretenez les meilleurs souvenirs que cet Amour vous procure, gardez en vous l'essence de l'autre et sa voix, ses songes et tout ce qu'elle vous a offert, ainsi, elle continuera de vivre avec et en vous.

- J'entends bien tout ça, et je veillerai à le faire, mais là maintenant c'est un peu compliqué de raisonner si philosophiquement.

- Prenez votre temps. Rien n'y personne ne vous presse à faire votre deuil. D'ailleurs, en parlant de temps, il va me falloir ainsi que mes hommes rentrer à Bourg-en-Or. Nous allons sûrement veiller ce soir, afin de pouvoir comptabiliser les habitants et soldats qui ont péri dans cet assaut. N'oubliez pas de vous rendre à l'auberge dès lorsque vous aurez jugé bon de vous y rendre. Je voudrais juste savoir comment vous vous appelez afin de vous réserver une chambre....

- Je m'appelle... Il faut faire vivre l'autre en soi. Je m'appelle... Il faut garder en soi l'essence de l'autre. Je m'appelle Teïnelyore. »

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