Un roi prévoyant
Diriger un royaume demande une âme de fer et exige bien des sacrifices. Prenez ma défunte femme. Elle était tendre, trop tendre pour faire une bonne reine. Car que demande-t-on à une reine ? De produire des héritiers ! Et que m’a-t-elle donné ? Un fils trop gâté, qui a peur du fracas de la guerre et n’avait troussé aucune servante avant ses 15 ans.
Un seul fils… C’est trop dangereux, je sens bien des regards peser sur mon trône.
La reine a au moins eu l’élégance de mourir sans trop se plaindre. Mon fils était dans tous ses états, évidemment. Sa pauvre maman décédée, il n’était plus que l’ombre de lui-même, c’est-à-dire pas grand-chose. Voilà que j’étais aux prises avec une situation délicate : d’un côté, un fils incapable de régner, mais d’un autre, prendre une autre épouse pouvait engendrer autant d’enfants que de querelles de succession.
C’est là que ma rencontre avec la délicieuse Mme de Saint-Ange est intervenue. De petite noblesse, je l’avais connue dans sa jeunesse quand elle était dame de compagnie de ma mère. Enfin, « connue », vous voyez bien ce que je veux dire. La vertu n’est pas la plus grande de ses qualités, mais elle a une âme bien trempée. Et elle connait mes goûts particuliers.
C’est elle qui m’a conseillé la petite Eugénie. Quel pied adorable possède cette nymphette ! La mascarade romantique semblait importante pour Mme de Saint-Ange. Soit ! La jeunette est d’un rang suffisant, d’une richesse confortable… sans compter une bonne santé. De quoi engendrer des héritiers vigoureux. Éduqués par Mme de Saint-Ange, ils seront autrement plus vaillants que l’autre falot.
Mais il ne faudrait pas que mon idiot de fils transmette sa faiblesse à ma descendance. Il vaut mieux que je m’occupe moi-même de cela. j'ai laissé le prince ouvrir le bal, c'est au roi que revient la nuit de noce. Eugénie, ma petite princesse, ton beau-papa arrive !
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