14 - lendemain d'hier
Je me réveillai roulée en boule dans un coin du lit tandis qu’Etienne dormait en croix en maître des lieux. Vus du dessus, c’est comme si Léonard de Vinci avait eu l’idée de dessiner un chat lové contre la hanche de l’homme de Vitruve (le logo de Manpower).
Un coup d’œil à mon téléphone m’enseigna qu’il était passé midi. J’ouvrai les messages que Lorenzo m’avait laissés :
17 :07
Je t’avais dit de te débarrasser d’Etienne. Qu’est-ce que tu fous ?
17 :32
J’en ai fini avec ta voisine. Elle me kiffe. Mais elle trouve que tu as de mauvaises fréquentations et que je suis bon pour toi.
17 :34
Bon. Tu le vires ?
17 :42
Je vais acheter des préservatifs à double cloison. Dieu sait ce que ce mec est capable de te refiler.
18 :04
Ok, je me casse. De toute façon, t’es trop vieille. En plus tu as pris du poids à force de manger des raclettes. Je n’aime pas les grosses fesses.
Il m’en faut plus que ça pour me vexer. De toute façon, quand on a le cul de Cameron Diaz, il faudrait avoir celui de Beyoncé. Et quand on a celui de Beyoncé, il faudrait avoir celui de Cameron Diaz. Le combat est perdu d’avance et j’ai renoncé il y a longtemps. Et puis Lorenzo, il va revenir. Il veut qu’on soit libre, mais seulement quand ça l’arrange. Dans une semaine, il est sur mon canapé avec une nouvelle excuse fallacieuse. Ou pas. Peut-être qu’il va finalement partir en Belgique. Je me trouverai un nouveau webmaster. Quoique, je ne suis même plus sûre d’en avoir encore besoin. Je ferais mieux de retourner écrire des modes d’emploi.
Tandis que j’étais ainsi absorbée, Etienne m’a tendu une tasse de café. Ce mec est doux. Il semble parfois un peu bête, mais il ça le rend d’autant plus attachant. Il déclare :
- Il n’y a rien dans ton frigo et j’ai une faim de loup. On va chez moi ?
Vu qu’on s’est largement assez douchés la veille, on est prêt en quelques minutes. Sa voiture est garée sur le parking de son ancien bureau. Il a « oublié » de rendre son macaron et avec son air innoncent, personne ne lui a jamais fait d'histoires. Il ne s'était même pas gêné pour renflouer la batterie de son coupé électrique aux frais de la princesse. Il me dit:
- Plus c'est gros, plus ça passe. C'est quand tu n'as pas l'air d'être chez toi qu'on commence à te chercher des poux.
Et il démarra. Etienne vit à la montagne, dans une ferme transformée en locatif, avec de grands potagers pour ceux qui comme lui ont la passion du jardinage. L’ancienne grange fait office de garage. En sortant de la voiture, je m’étonne :
- Il fait chaud dans ce parking !
- Oui. Pour que les voitures électriques ne se déchargent pas trop vite, on les maintient à une température de 18°C. Une étude dit que c’est plus écolo que de les laisser se décharger et que ça permet aussi de prolonger leur durée de vie. C’est vrai qu’en hiver, les batteries se vident à vue d’œil ici. Ils ont aussi installé le chauffage au sol sur la route pour que le sol ne gèle pas. C’est bien fait !
Je comprends le raisonnement, mais ma calculette a bilan carbone s’est mise en branle dans ma boîte crânienne et je dois tirer une drôle de tronche car Etienne me dit :
- Arrête de réfléchir et viens. Tu fais une hypoglycémie. Je vais te faire des tagliatelles aux bolets. Je les ai cueillis et séchés cet automne. J’ai mes coins. Tu m’en diras des nouvelles.
Comme d’habitude avec Etienne, ça ne se refuse pas.
Annotations