De ma terrasse

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Il ne manquait plus que les cygales! elles chanteraient que je ne les entendrais plus, entre la terrasse et l'olivier, il y avait un chemin fait de caillebotis, ce chemin se frayait une place dans le gazon qui poussait là où la tondeuse ne passerait plus.

Allongée sur le transat, je comptais les pas, chacun était différent de l'autre, il y en avait huit, et le dernier menait à sa terrasse; pas la mienne, la sienne, du même bois composite, des mêmes vis, du même contour au rebord doux où l'on pouvait poser un pied puis deux sans se blesser, entre les deux terrasses , le long du chemin s'épanouissaient des giroflées, ponctuées de gaillardes et d'oeillets roses; des yeux je cherchais l'endroit où je planterais les piquets qui soutiendraient la rambarde où elle se tiendrait et qui la guiderait vers son chez elle, ce petit chez elle construit à la hâte, ce petit cocon que je lui avais amménagé pour l'accueillir, elle, la mal-aimée, la rejetée; quand ses genoux la lâcheraient, elle se tiendrait, le garde-corps devra être solide; il ne s'agissait pas de la faire tomber! elle si fragile, qui avant d'être sénile, était la force tranquille.

Enfin tranquille était exagérée! je ressens encore ses doigts dans ma chevelure, ils s'agrippaient à mes boucles, les tiraient, les secouaient car je ne répondais pas , je ne répondais plus: "Mylène me criait-elle, deux divisé par deux? est égal à ? combien?" je ne savais plus et je ne voulais plus savoir toute dans l'attente crispée du moment où j'allais avoir mal à nouveau. Difficile de réfléchir et le temps n'était plus à la division que je ne savais toujours pas quarante ans plus tard mais qui des deux s'en souciait le plus? je dirais personne, je refermais le tiroir de ma mémoire, elle, elle n'en avait plus, un jour j'étais sa soeur, un autre sa mère, dans quelques temps elle ne pourra plus se boutonner la veste, plus tard ne saura plus du tout qui je suis, mais elle était encore en vie et pour l'instant je savourais et humais à plein nez le dernier rosier planté entre nos deux maisons.

Ses volets étaient encore fermé par ce frais matin d'été, bientôt elle les remonterait et à travers la fenêtre, de ma terrasse, j'apercevrais sa frimousse sans dents me sourire et d'un petit mouvement de la tête me saluerait et ma mére retournerait à ses occupations et ses feuilletons suivis de son lit, et moi, mon regard se tournerait sur le massif de fleurs en boutons qui au moindre rayons de soleil s'ouvriraient pour dégager des fragances oubliées, en fermant les yeux, je les sentirai, sûre,

sur ma terrasse plein sud.

J'avais écrit ce petit texte toute heureuse que Maman soit avec moi, en sécurité, à l'abri des prédateurs comme ce turc qui la spoliait de sa retraite chaque fin de mois, elle était fière de dire qu'il s'occupait d'elle, qu'il était attentionné et venait la voir et pour l'aider dans ses frais de voyage ( il venait de Sete)elle lui donnait toute sa retraite !

Maman avait enfin accepté de venir vivre dans un petit chalet aménagé a´son intention! huit ans est passé et elle a commencé à "fuguer" un matin très tôt le maire du village d'à côté est venu frapper a ma porte me disant qu'il avait trouvé Maman sur la route!

je la récupérais et dans la voiture elle me confia qu'elle ne voulait plus rester, qu'elle voulait aller en maison de retraite pour y voir plus de monde.

Chose faite trois mois plus tard! elle s'y sentait bien et chaque fois que je venais la voir me le confirmais!

-"On est bien ici! ça me rappelle l'hôpital de Papa! chaque fois que j'appuie sur la sonnette, il y a quelqu'un qui vient!"

Mais un soir ma soeur m'appelait des Landes , l'EHPAD n'avait pu me joindre, Maman avait été hospitalisée elle était dans le coma, il l'avait trouvé inanimée au pied de son lit.

j'appelais les urgences, le médecin de garde m'invita a´ venir le plus rapidement possible, elle pouvait partir d'un moment à l'autre!

Je suis arrivé auprès d'elle à 22h30, elle dormait, son souffle était régulier, pas de souffrance visible me dit le médecin, elle peut partir d'un moment à l'autre ou d'un jour a l'autre.

je m'asseyais près d'elle, et je la regardais, ma vie avec elle défilait et ne s'arrêtait pas, a haute voix je me suis mis à lui parler, cela a duré 2 h et j'ai repris la route, une demi-heure après mon départ Maman est partie pour toujours, laissant un vide certain, une étoile de plus dans la nuit noire!

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