La primaire

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Quelques semaines plus tard, commence la rentrée des classes. C’est normal, nous sommes en septembre. Je rentre en classe de CE2. Au premier abord, la classe paraît calme. Je suis le seul nouveau et bien sûr, personne ne vient me parler. Je viens de débarquer dans une nouvelle ville, je viens du Sud-ouest et là où je suis encore moins bien accepté, c’est qu’à cette époque-là, le Nord et plus particulièrement Armentières, est encore plus ou moins sous le feu des projecteurs, car l’engouement pour Bienvenue chez les Ch’tis était encore très fort plusieurs mois après sa sortie. Mine de rien, le film était sorti six mois plus tôt, mais ça été un fort succès parce qu’il montrait la région sous un autre angle, autre que celui des stéréotypes très présents sur la consanguinité, l’alcoolisme et bien sûr une population remplie de mineurs. Je ne m’en rendais pas compte, car j’étais trop jeune, mais c’est vrai que les dernières mines avaient fermé dans les années 90 donc le Nord-Pas-de-Calais était encore vraiment très marqué par cette période. En plus, ce film avait été fait par l’enfant du pays, alors ça ne pouvait que maintenir une certaine fierté à l’échelle locale.


L’instituteur que j’ai eu au tout début est un homme approchant la soixantaine, les lunettes rectangulaires, les cheveux très fins, une barbe grisonnante. Un type absolument antipathique ! Même si j’étais quelqu’un de discret, il ne pouvait pas s’empêcher de me rabaisser. Rapidement, des petits cons en profitent pour faire de moi leur victime. Je n’étais pas forcément le gamin le plus grand de la classe, j’arrivais à discuter avec tout le monde, j’étais arrivé à me faire quelques amis, mais les heures de récrés étaient vraiment les pires.


J’ai eu droit à des insultes, des crachats, je me suis fait même étrangler à deux reprises ! A chaque fois, je suis allé les dénoncer à mon instit qui me montrait clairement qu’il s’en foutait complètement. Je me faisais tellement violenter que j’étais bien content de me faire porter pâle pour ne pas aller en cours. Ce début de CE2 partait très mal pour ces raisons-là et n’étant pas motivé par rattraper les cours, j’ai fini par ne rien rattraper. Un matin, je ne me lève pas à l’heure, mon père m’accompagne à l’école. La fin de mon petit-déjeuner fut deux tartines beurrées. L’un de mes harceleurs me dit « T’as pas le droit de ramener ça en cours » et les balance par terre. Naturellement, je me mets à pleurer. C’étaient des larmes de colère. Je vois l’instit pour lui en parler et il sort le règlement de l’établissement en me disant « T’avais pas le droit de les ramener. Le goûter, c’est une bouteille d’eau et un fruit, pas des tartines beurrées ». L’histoire s’en est arrêté là.


En rentrant, j’en ai parlé à mes parents qui ont décidé de me désinscrire de cette école pour aller dans une autre. Le directeur de cette ancienne école et l’instit ont dit à mes parents qu’ils avaient bien vus que quelque chose clochait et qu’ils attendaient que j’aille les voir. Bien sûr, c’est une preuve de leur lâcheté, car j’étais venu les voir, mais ils montraient clairement qu’ils en avaient rien à foutre de mes problèmes.


L’autre école dans laquelle je suis allé était une école privée. J’ai pris du retard dans le programme parce que je suis arrivé en cours d’année scolaire. Il me semble que c’était après les vacances de la Toussaint. Je n'ai pas vécu de harcèlement pendant cette période. Tout le monde était en fait assez indifférent de moi, je commençais un peu à m’effacer, j’avais souvent des moments d’absence parce que j’avais envie de fuir le monde de l’école. Je regardais régulièrement le ciel, les marronniers qui perdaient leurs feuilles, et je me suis souvent fait gronder par mon institutrice qui n’aimait pas voir un élève perdre l’attention.


J’étais tellement dans mon monde qu’elle a demandé le plus sérieusement possible à ma mère si j’étais sourd ou si j’avais un trouble de l’attention. Non, pas du tout, j’avais envie de fuir dans mon monde où je ne m'emmerdais pas en cours. J’avais besoin d’être stimulé, d’apprendre de nouvelles choses, j’avais besoin de lire des livres pour des lecteurs qui avaient un peu plus de 8 ans et surtout, j’avais besoin de côtoyer le monde des adultes que j’idéalisais beaucoup, comme pas mal de gamins à cet âge-là.


Cette seconde partie de primaire m’a permis d’avoir des bons souvenirs parce que j’étais embêté par personne, mais surtout parce que c’était la période où j’avais fait des voyages scolaires, notamment un où j’étais parti dans Alpes-de-Haute-Provence, dans le Mercantour. J’en garde un très bon souvenir, parce que c’était ça mon échappatoire du Nord. Certes, j’étais avec mes camarades, mais surtout, je fuyais Armentières sans attendre les vacances scolaires. Quand on est enfant, partir en voyage hors vacances scolaires, c’est une chance absolument inouïe !


Cependant, cette partie-là de mon enfance, j’ai du mal à vraiment la considérer comme joyeuse. Je ne saurais trop expliquer ça, mais c’était une période bizarre. J’avais 10 ans, et j’étais frustré de ne pas vivre comme les grandes personnes. Et c’est à ce moment-là, où j’aurais aimé zappé la partie collège.

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