Chapitre 10

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Neith

Rempli de questions, je laisse l’eau brûlante couler sur mon corps pendant que je me demande quoi faire de cette lettre. Entendant la porte de ma chambre s’ouvrir et se fermer, je devine qu’Orion est parti, me laissant seul, face à l’incompréhension et aux inquiétudes qui m’envahissent.

Une fois ma douche finie, je m’habille d’une tenue simple et sombre et cache quelques mèches rebelles sous mes tresses. Si je veux que la Pixie cesse de me suivre, essayant de découvrir mes secrets, je dois être encore plus discrète.

Je sors ensuite de la salle de bain, et c’est là que je la vois. Assise sur mon lit, à la même place qu’Orion occupait, elle tient la feuille que je lui avais volée dans sa main. Ses yeux me fixent avec un air de supériorité alors que mes pieds semblent ancrés dans le sol, comme si j’étais retenue prisonnière. Pourtant, seuls mes sentiments m’emprisonnent, me laissant incapable de bouger ou de parler. Je ne sais pas d’où vient cette peur, alors que « mon profil », comme elle disait, pourrait bien me donner une belle vie au sein des Hauts-Rangs. Mais alors, pourquoi Orion serait-il enfermé ? Pourquoi pas moi ?

Soudain, je sens un contact dans mon esprit, dans mon âme. Le même contact qu’Orion avait établi hier soir en usant de la télépathie sur moi. Mais ce n’était pas lui, je le sentais. L’énergie, les sentiments que je perçois à travers ce contact sont totalement différents. Au lieu de ressentir de la curiosité et de la sympathie, je ressens une menace, de la douleur et des regrets.

« Faisons un marché, veux-tu ? » me dit-elle dans mon esprit, et derrière ces mots, j’entends un aide-moi rempli de peine.

—Je t’écoute, balbutié-je doucement, les lèvres sèches et la gorge enrouée.

« Je veux que tu m’aides. Tu as lu ma lettre avec Orion, je le sais et l’ai vite compris. Alors, je veux que toi et le garçon partiez avec moi, au-delà de l’Académie. »

Au-delà de l’Académie ? Ces mots résonnent dans mon esprit, cherchant l’endroit exact où elle voudrait que nous allions, mais seule l’idée d’aller voir les Hauts-Rangs me vient à l’esprit.

—Où ça exactement ? lui dis-je, tentant de paraître confiante, mes doigts tremblants me trahissant.

« Tu sauras en quoi tu devras m’aider seulement si tu acceptes. Mais si tu refuses, jamais plus tu ne verras de nouveau le soleil ni ne sentiras la brise matinale, jamais plus tu ne seras libre, et tu ne verras plus jamais ta famille. »

Elle s’approche ensuite de moi, rompt le contact qu’elle me forçait à avoir, se place à côté de moi et pose une main sur mon épaule.

Tout à coup, je sens des souvenirs et des émotions déferler dans mon esprit sans que je ne puisse arrêter la tempête qu’ils provoquent.

Les pleurs d’une mère tentant de cacher sa peine à son enfant.

Un kidnapping. Accrochée à un arbre et battue par d’imposants hommes, tous plus soignés les uns que les autres.

L’obligation de trahir pour rencontrer un être cher dont elle n’a entendu que des histoires.

La peine de perdre des amies, à cause de ce qu’elle doit faire pour survivre.

Le secret qu’elle garde, enfoui dans son cœur par peur de rejoindre, elle aussi, son père, mais du mauvais côté des barreaux.

La vision de ceux qu’elle suspecte se faire emmener contre leur gré dans un endroit où ils perdront dignité et liberté.

Une larme glisse sur ma joue, tombe sur mon pied nu, et je suis prise de sanglots soudains, tant à cause des sentiments qui m’ont traversée par le contact de sa main sur mon épaule que par mes propres émotions. Je tombe à genoux et essaie de retenir mes pleurs en mettant une main devant ma bouche et l’autre sur mon ventre pour tenter de respirer plus lentement.

Ignorant mes larmes, Traya reprend :

—Tu as jusqu’à 17 heures aujourd’hui pour me donner ta réponse. Rends-moi la lettre et je saurai que c’est non, garde-la et je saurai que c’est oui.

Puis elle sort, ouvre la porte et part, me laissant, elle aussi, seule avec les souvenirs qu’elle m’a partagés. Ou que je lui ai pris.

Fermant les yeux, je repense à cette intense tristesse qu’elle ressent, puis une énergie chaude et réconfortante vient se coller à moi. Je tourne doucement la tête et aperçois Orion, que je pensais parti je ne sais où pour se cacher. Assis près de moi, ses bras m’entourent, avec dans une main une boisson et dans l’autre un paquet de biscuits.

—J’étais allé te chercher à manger. Je pensais que, vorace comme tu es, tu aurais faim. À moins que tu aies déjà mangé.

—Tu dis que je pue, et ensuite tu me traites de vorace, tu as l’art des compliments, lui dis-je en reniflant, arborant un sourire à l’idée qu’il soit revenu.

—J’ai aussi dit que tu m’obsédais, tu as oublié ?

Je le regarde, stupéfaite. J’essaie de rassembler mes idées : d’abord la lettre, ensuite Traya qui me propose un marché, cette avalanche de sentiments et de souvenirs normalement impossible pour moi car je ne suis pas de la catégorie psychique, et ensuite, une déclaration masquée. Je ne suis ici que depuis à peine deux jours. Et tout ce que je viens de citer s’est passé en seulement cinq heures.

« Je veux que toi et le garçon partiez avec moi, au-delà de l’Académie. » Ces mots reviennent dans mon esprit, ce qui me fait penser que je dois en parler à Orion avant l’heure fixée par la Pixie.

—J’ai entendu la fin de la conversation. Quelle réponse dois-tu donner ? Elle t’a menacée ? Pourquoi pleurais-tu ?

Curieux qu’il est, il pose les questions avant même que je lui en parle. Menacée ? C’est un bien grand mot. Puis je me rappelle que si je refuse, je ne verrai plus l’extérieur, ma famille, et je ne serai plus libre. Alors, techniquement, elle m’a menacée.

—Orion, si on n’accepte pas le marché qu’elle m’a proposé, notre seule solution, si elle dit vrai, serait de fuir.

—Quel marché ?

—On doit quitter l’Académie et l’aider pour quelque chose dont elle ne m’a rien dit. J’ai jusqu’à 17 heures pour lui donner ma réponse en utilisant la lettre. Si nous la gardons, c’est que nous acceptons, et si on la lui rend, c’est que nous déclinons. Mais c’est peut-être un piège. Honnêtement, je ne sais pas quoi penser, mes larmes recommencent à se créer et à tomber doucement. J’ai… j’ai senti ses émotions et j’ai vu ses souvenirs.

Orion, silencieux, essuie avec sa main les traces que font les gouttelettes sur mes joues. Pas besoin de dire que je pense aussi détenir un peu de magie psychique, il a compris, il sait de quoi je parle. Mais moi, je suis perdue. Et je ne pense pas être la seule. Traya a aussi utilisé la magie psychique sur moi, avec la télépathie. Nous avons les mêmes problèmes, et pourtant, elle se ligue contre moi. Je ne comprends rien à rien. À part que pour survivre, je dois soit fuir, soit faire confiance à Traya.

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