Chapitre I

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Comme à chaque fois que je surgissais de nulle part, je priai pour ne rencontrer personne à mon arrivée. Il fallait bien admettre que la translatíon n’était pas le moyen de déplacement le plus discret : un flash de lumière et je disparaissais, un nouveau flash de lumière et je réapparaissais des centaines de kilomètres plus loin. De quoi rendre fou quiconque assisterait à ce spectacle. Cela m’était arrivé une fois à Phoenix et il serait bien curieux de savoir comment se porteraient désormais ceux qui y avaient assisté.

S’ils étaient restés sains d’esprit, ils auraient de la chance.

Tout cela pour dire que, lorsque mes amis et moi débarquâmes en plein milieu de la ruelle parisienne dans un éclat doré, ma première réaction fut de vérifier que les alentours étaient déserts. Celle d’Elysion fut de vomir contre le mur le plus proche. Je n’y prêtai pas attention : il avait vomi à chaque escale. À ma droite, je découvris avec épouvante un homme d’un certain âge, le goulot d’une bouteille d’alcool dans la bouche, qui nous observait les yeux exorbités. Il me dévisagea de longues secondes, immobile, avant de loucher vers l’étiquette de sa boisson.

Il la retira de sa bouche et marmonna :

« C’est la dernière fois que je prends du rhum bon marché… »

Puis, il fit demi-tour et s’en alla, titubant.

Je le regardai s’éloigner, rassuré qu’il mette cette subite apparition sur le compte de l’alcool. Je n’aurais jamais cru que ce type de breuvage me serait d’une quelconque aide un jour.

Après trois escales aux États-Unis et un en France, nous étions finalement de retour à Paris sans la moindre anicroche. Moi, Peter Leroy, étais de retour dans ma ville natale ! Je me tournai vers mes compagnons, le sourire aux lèvres. Kalya, une Elementaris de l’eau au caractère bien trempé, rattachait ses cheveux en une natte tout en jetant des regards anxieux autour d’elle. Contrairement à Elysion, elle n’avait pas l’habitude de quitter son foyer. Ce dernier, qui supportait mal la translatíon, avait fini de rendre son estomac et vérifiait que la grosse besace qu’il portait sur son dos était toujours intacte. Dans la pénombre, on distinguait à peine sa peau écarlate, à l'inverse de ses pupilles ambrées qui brillaient dans le noir à l’instar de celles d’un chat.

« Peter, grommela l’Elementaris du feu, dis-moi que c’était la dernière fois. J’en ai ma claque de ne pas garder mon repas plus de quelques heures !

— Après Denver, ricanai-je, je pensais que ton estomac aurait fini par s’y faire. Mais apparemment ce n’est pas le cas.

— Quelle perspicacité… grommela-t-il.

— C’est donc ça, Paris ? intervint Kalya, les sourcils froncés. L’odeur est encore plus infecte qu’à New-York.

— C’est parce qu’on est à côté d’une bouche d’égout ! rétorquai-je. »

Elle n’ajouta rien, mais ne parut pas convaincue pour autant.

« Bon, on suit le plan, repris-je. Vous me suivez et vous faites attention de ne bousculer personne. Vous êtes invisibles, mais pas immatériels. Si vous percutez quelqu’un…

— On le sait, me coupa Kalya.

— Vous êtes sûrs que votre camouflage ne va pas disparaître ? m’inquiétai-je. Maintenant que le pouvoir d’Atalamos a cessé de protéger Thorlann, le sortilège qui vous rend invisible à volonté pourrait s’interrompre également.

— Et à qui la faute ? »

Je fusillai mon amie du regard qui me le rendit bien. Quatre jours auparavant, alors que Thorlann, la cité des Elementaris, avait été attaquée par des monstres nommés Xenos, j’avais essayé de brandir sans succès un artéfact divin appelé Atalamos et qui appartenait à mon ancêtre, tout aussi divin : Astérion, l’Eternel de la Création. Ce même aïeul qui se trouvait désormais dans ma tête et m’offrait des pouvoirs remarquables ainsi qu’une destinée angoissante. Depuis son réveil, un mois et demi plus tôt, ma vie était devenue une véritable épopée dont l’aboutissement consistait à empêcher la réincarnation de son diabolique frère, Hepiryon. Lui aussi un dieu, ou Eternel, qui prévoyait de se réincarner et de soumettre les Hommes.

Ou les exterminer s’ils refusaient son règne. Sauf que mourir à vingt-deux ans n’était pas dans liste des choses à faire donc je comptais lui mettre des bâtons dans les roues !

« Nous te l’avons déjà dit, intervint calmement Elysion, nous n’en savons rien. Cette magie imprègne notre peuple depuis des millénaires, elle ne devrait pas disparaître du jour au lendemain. Néanmoins, il est impossible de prédire quand elle commencera à s’atténuer pour finalement cesser de faire effet.

— Et cela ne vous affectera pas lorsque ça arrivera ? le questionnai-je.

— Hormis le fait que nous ne pourrons plus devenir invisibles à volonté, normalement non. Cette énergie accélère le fonctionnement de notre organisme : nous guérissons plus vite et devenons plus fort plus rapidement. Mais même sans elle, nos capacités restent exceptionnelles. »

Je hochai la tête et, avant que je puisse lui répondre, Kalya s’exclama :

« Trêve de bavardage ! Allons-y ! »

Je levai les yeux devant son impatience, mais j’obéis et partis en tête. Nous déboulâmes sur une rue principale où de multiples immeubles s’étendaient à perte de vue. Sur la chaussée, les voitures étaient arrêtées à un feu rouge. J’en profitai pour traverser le passage clouté en compagnie des autres piétons qui ne remarquèrent pas la présence de mes deux compagnons de voyage qui, pourtant, étaient pour le moins atypiques. J’avais eu du mal à croire que les humains ne pouvaient pas les percevoir mais, à notre première escale à Las Vegas, j’avais été forcé de reconnaître que c’était le cas.

En entendant les gens bavarder au téléphone en français, cela sonna étrangement à mes oreilles. Mon cerveau s’était tellement habitué à parler Esternal, le dialecte des Immortels et des Elementaris, que j’avais perdu l’habitude de parler ma langue natale, ou n’importe quelle autre langue humaine. Je m’en étais rendu compte lorsque, en souhaitant commander une boisson chaude à New-York, au lieu d’employer de l’anglais j’avais parlé Esternal. Le serveur avait alors cru que je parlais un quelconque langage exotique et avait tenté de s’exprimer avec des gestes. Une mésaventure qui m’avait fait découvrir que ce n’était pas simple d’être inconsciemment bilingue.

Après environ quinze minutes de marche, je finis par m’arrêter devant un immeuble. Mon cœur se serra lorsque je vis sa façade refaite à neuf l’été dernier : après tant de voyages et d’épreuves, j’étais de retour à la maison.

« Tu es sûr d’être prêt ? me questionna Elysion avec douceur. »

Je hochai la tête mais je n’en menais pas large : j’étais mort de trouille.

« Ils te pardonneront lorsque tu leur auras tout expliqué, ajouta Kalya. On peut tout pardonner à sa famille.

Elle a raison, souffla Astérion dans ma tête. »

C’était la première fois qu’il intervenait depuis notre départ de Thorlann.

« Puissiez-vous avoir raison, soupirai-je. »

Un homme passa à côté de moi et me dévisagea en m’entendant parler tout seul. Il ne devait pas être le premier à me penser cinglé, et il ne serait certainement pas le dernier. Je l’ignorai et ouvris la porte vitrée du bâtiment. À chaque étage, mon appréhension grandissait. Et lorsque j’arrivai devant la porte du numéro vingt, je restai paralysé, incapable d’appuyer sur la sonnette.

Durant mon séjour chez les Elementaris, je m'étais forcé de penser le moins possible à ma famille et à mes amis. J’étais parti de manière précipitée durant plus d’un mois et demi en leur laissant comme simple source d’information une lettre qui disait, pour résumer, que je devais partir durant quelques temps. Donc très peu d’indices sur ce qui m’arrivait. Depuis, particulièrement le soir, il m'arrivait de penser à eux. Je me demandais comment mes parents avaient réagi en prenant connaissance de mon mot. Ce qu'ils avaient dit à mon frère et à Anaïs, sa future femme.

Qu'avaient-ils tous ressenti ?

Et mes amis proches, qu’avaient-ils pensé en apprenant ma disparition du jour au lendemain ? Sans oublier Emilie, la jeune fille qui m’avait sauvé la vie lorsque j’avais chuté dans les escaliers de mon université, au réveil d’Astérion. Elle m’avait vu affronter un Xenos, un sbire d’Hepiryon envoyé pour me tuer, et avait été terrifiée par cette attaque. Depuis, j’étais un fugitif. Dans son intérêt, il valait certainement mieux que je ne la revoie jamais.

« Tu veux qu’on entre en premier, me proposa Elysion, ce qui me sortit de mes pensées. »

Je savais que cela partait d’une bonne intention mais s’il redevenait visible en premier, il y avait pas mal de chance que mes parents fassent une crise cardiaque en l’apercevant. À Paris, on ne voyait pas souvent un homme à la peau rouge et armé de deux épées accrochées à la ceinture.

« Non merci, répondis-je avec reconnaissance. Je savais que ce moment viendrait mais je ne m'étais pas rendu que c'était aussi…

— Difficile, compléta Kalya. »

Je hochai la tête, nerveux. Avant que je ne fasse quoi que ce soit, mon amie toqua à la porte d’entrée avec force. Si les voisins n'avaient pas entendu les coups, on avait de la chance.

« Mais t'es folle ! m’exclamai-je. Pourquoi tu…

— J'en avais assez de te voir hésiter ! répondit-elle, nonchalante. Grâce à moi, la décision est prise. Inutile de me remercier. »

Avant que je puisse répliquer, la porte s’ouvrit.

Ma mère apparut dans l’encadrement. Mon cœur fit un bon dans ma poitrine. Elle n’avait pas changé depuis mon départ, excepté quelques nouvelles mèches grises qui parsemaient ses cheveux bruns. Ses yeux verts semblaient las et vides. Ils me dévisagèrent quelques instants et, lorsqu’elle me reconnut, s’éclairèrent soudain. Mon pouls battait la chamade tandis que nous nous dévisagions en silence. La gorge nouée, j’essayai de la saluer mais j’en fus incapable. Les mots refusèrent de sortir. Déstabilisée à ma vue, elle s’appuya contre le mur comme si ses jambes menaçaient de l’abandonner.

Avant que je ne puisse faire un pas pour la soutenir, elle balbutia :

« Mon Dieu ! Pe… Peter ?

— Je suis désolé. »

C’étaient les seuls mots que je fus capable de bafouiller. Ses yeux s’embuèrent et elle me sauta au cou en m’étreignant de toutes ses forces, si bien que je ne pouvais plus respirer.

« Mon fils m’est revenu, sanglota-t-elle. Mon beau garçon est là… »

Je lui rendis son étreinte et les larmes inondèrent mon visage.

« Anne ? résonna alors la voix de mon père. Qui est-ce ? »

Il apparut à son tour derrière ma mère, un journal à la main, et se figea en m’apercevant, comme s’il venait de voir un fantôme.

Il laissa tomber son journal et bredouilla d’une voix presque inaudible :

« Peter ? »

Ma mère me relâcha et s’écarta de quelques centimètres afin de le laisser approcher. Je détournai les yeux, incapable de soutenir le regard inquisiteur de mon père. Je m’attendais à ce qu’il s’énerve, me crie dessus.

Et pourtant…

« Ne pars plus jamais de cette manière ! s’écria-t-il la voix tremblante en m’enlaçant fermement. Plus jamais, tu m’entends ? »

D’abord stupéfait, puis soulagé, je murmurai avec difficulté :

« Je te le promets. »

Les retrouvailles que j’avais tant craintes ne s’éternisèrent pas. Je me séparai de mes parents après quelques instants et les invitai à rentrer, ne souhaitant pas que quelqu’un assiste à cette scène qui engendrerait de nombreuses questions sur mon identité. Mes parents irradiaient littéralement de bonheur que c’en était contagieux. Peu leur importait mes changements physiques ou ces deux mois d’absence car, à cet instant, tout était balayé par la joie de mon retour.

Et cela me semblait tout bonnement irréaliste.

Dans le couloir d’entrée, ma mère me tenait encore par le bras, comme si elle craignait que je me volatilise. L’appartement était étonnement en désordre contrairement à son habitude. Une fois dans le salon, je vis que la télé était allumée et diffusait le journal télévisé de la mi-journée. Le présentateur parlait d’une évasion dans une prison, à Berlin, qui avait eu lieu la veille. Le prisonnier n’avait toujours pas été retrouvé et était parvenu à éliminer plusieurs gardes. Intrigué, j’espérais en apprendre plus, mais le présentateur changea de sujet et commença à parler d’une rencontre diplomatique entre le premier ministre anglais et le président français à propos de l’écologie et qui aurait lieu dans quelques jours. Mon père interrompit son récit en éteignant la télé. Puis, il me fit signe de m’asseoir. J’obtempérai tandis qu’il s’installait face à moi tout en scrutant mon regard.

Il restait abasourdi par mon retour et fut le premier à me questionner :

« Où étais-tu, Peter ? Tu as disparu pendant plus d’un mois sans donner le moindre signe de vie ! Et que s’est-il passé au restaurant de Sam ? Des policiers sont venus nous interroger, mais ils se sont vite rendu compte que nous ne savions rien. Puis nous avons découvert ta lettre… »

Sa voix se brisa.

Plusieurs semaines plus tôt, lorsqu’il m’était devenu évident qu’Astérion n’était pas le fruit de mon imagination, j’avais décidé de partir à la recherche des Elementaris. À l’époque je croyais vaguement à son histoire mais, peu de temps avant mon départ pour les États-Unis, un Xenos m’avait attaqué au restaurant dans lequel je travaillais. J’avais alors compris que tout était bien réel et que j’étais en grand danger. Après avoir vaincu le monstre non sans difficulté et m’en être pris involontairement à des policiers, j’avais été contraint de fuir vers l’Amérique par mes propres moyens, sans pouvoir avertir mes parents autrement que par une simple lettre.

Il était dorénavant temps de tout leur expliquer.

Je leur racontai donc l’histoire d’Astérion, l’Eternel oublié de notre civilisation qui, après une immense bataille et un terrible duel face à son frère jumeau, avait perdu son corps et sommeillé durant plusieurs millénaires. Puis, je leur racontai son réveil, ce matin d’octobre où j’avais chuté dans les escaliers et m’étais retrouvé à l’hôpital en apprenant qu’il était enchaîné dans mon crâne et m’imposait un ultimatum : lui laisser le contrôle de mon corps ou me préparer à faire face à son frère.

En découvrant les extraordinaires capacités que je développais alors, telle qu’une force surhumaine, la tentation était telle que je décidai de garder pour moi son existence et refusai sa requête. Mais l’attaque du Xenos m’avait ramené à la réalité et, après avoir vaincu la créature et rejoint la côte bretonne avant de me téléporter à New-York via la translatíon, je partis à la recherche des Elementaris. J’apprenais alors à mes parents l’existence de ces créatures nées humaines mais transformées par Astérion pour affronter l’armée de son frère, lors de la Grande Bataille, il y a plusieurs millénaires.

Grâce au pouvoir d’Atalamos, l’épée céleste d’Astérion, ils étaient parvenus à vivre à notre insu depuis ce temps, invisibles. Mes nouveaux pouvoirs me permirent de dénicher leur cachette. Puis, en vivant dans leur cité, Thorlann, cachée dans une forêt californienne, durant plus d’un mois, j’appris non seulement à me battre, mais aussi à maîtriser les quatre éléments et à devenir un membre à part entière de leur peuple.

Néanmoins, Hepiryon, toujours à moitié endormi, avait planifié une attaque pour éliminer les Elementaris, dont l’assaut avait été lancé quelques jours auparavant. Je m’étais alors battu à leur côté pour repousser l’offensive. Désormais, il était clair que nous devions unir nos forces et prévenir les nations du monde des Hommes qu’une grande menace planait au-dessus de nos têtes, le seul moyen d’y remédier étant d’empêcher la réincarnation de l’Eternel du Chaos.

Attentifs, Kalya et Elysion patientaient en face de moi, invisibles aux yeux de mes parents. Ils connaissaient déjà mon histoire car j’avais dû la narrer à tous leurs congénères dès mon arrivée. Pour autant, je ne m'étais pas rendu compte à quel point ces secrets envers mes parents m’avaient pesé. Les leur dévoiler me libéra d'un poids titanesque qui pesait sur ma poitrine depuis un moment déjà. Pour résumer, je venais de leur annoncer que leur fils chétif avait disparu pour laisser place à un homme avec des pouvoirs capables de tuer des monstres et qui avait décidé de s’opposer à un dieu.

Sans grande surprise, lorsque je me tus, aucun d’eux ne pipa mot.

Il m’était inutile de sonder leur esprit avec mes capacités sensorielles pour comprendre qu’ils ne me croyaient pas. Comment leur en vouloir ? Alors que moi, j’avais découvert toutes ces choses petit à petit, eux devaient tout assimiler en quelques minutes seulement.

« C’est la vérité, ajoutai-je. Toute la vérité. »

Ils échangèrent un bref regard, dubitatifs.

« Peter, commença mon père, c’est…

— Impossible ? devinai-je.

— Improbable, rectifia-t-il comme pour éviter de me contrarier. Je n’ai jamais cru en quelconque divinité et pourtant, aujourd’hui, tu affirmes qu’il en existe deux ? Et l’une d’entre elle se trouve en ce moment dans ta tête ?

Tout à fait ! répondit Astérion, même si mon père ne pouvait l’entendre. »

Je m'étais préparé à cette réponse.

Moi-même, j’avais douté sur tellement de choses.

« Tu as dû faire une crise démence qui t’a fait confondre la réalité avec l’un de tes livres fantastiques. Et maintenant tu es en plein déni...

— Marc ! s’écria ma mère, outrée. Comment peux-tu insinuer que notre fils est devenu fou ?

— Ce peut être des effets secondaires de sa chute dans les escaliers ! rétorqua mon père. Les médecins sont sûrement passés à côté mais ça expliquerait tout ! Un psychologue confirmera certainement qu’il n’agissait pas de son gré et il sera exempté de toute implication dans l’attaque du restaurant…

— Non papa ! l’interrompis-je en me redressant, je savais que vous douteriez de mon histoire mais je ne pensais pas que vous me prendriez pour un malade. Et ça confirme mes craintes : sans preuve, personne ne me croira. Heureusement, je ne comptais pas persuader le monde entier avec des mots. »

Sans le laisser répondre, je tendis ma main vers l’un des coussins posés à côté de mon père et conclut :

« Je vais donc vous montrer les pouvoirs uniques dont j’ai hérités. »

D’un léger effort de concentration, je fis s’envoler l’objet qui vint délicatement se poser dans ma main. Mes parents écarquillèrent les yeux, mais je n’avais pas terminé. Je le fis ensuite flotter devant ma mère puis devant mon père, avant de le reposer à son endroit initial.

« J’ai d’abord montré une certaine affinité avec la télékinésie, expliquai-je. C’est la capacité de déplacer les objets uniquement par la force de mon esprit. Puis, j’ai découvert le pouvoir des éléments. »

Dans le verre posé sur la table, l’eau se mit à tourbillonner. Ma mère laissa échapper un cri tandis que mon père se penchait comme pour vérifier qu’il n’y avait pas d’agitateur dans le récipient.

« Comme l’eau… mais également le feu. »

L’eau cessa de remuer tandis que, dans ma paume, naquit une flamme. Elle vacillait doucement entre mes doigts, à la fois belle et dangereuse, sans pour autant me brûler. Cette fois, ma mère recula précipitamment, effrayée à la vue du feu. Pour ne pas l’inquiéter davantage, je l’éteignis en refermant le poing et les laissai digérer la vérité en silence. Mon père se laissa tomber au fond du canapé, le regard dans le vide, comme s’il essayait de trouver une raison logique à ce que je venais de réaliser, espérer que ce n’était qu’un tour de passepasse. J’en étais certain, ils allaient irrémédiablement se renfermer dans le déni pour ne pas à accepter l’inimaginable, malgré mes preuves.

« Il doit y avoir un moyen de te soigner… murmura finalement ma mère après près d’une minute de silence. »

— Maman ! m’exclamai-je. Je ne suis pas malade ! Je vais bien ! Plus que bien même, j’ai simplement… changé. »

Je me rapprochai d’elle et pris ses mains entre les miennes. Elles étaient froides et tremblaient alors que les miennes étaient chaudes et fermes.

« Si j’ai été choisi par Astérion, c’est parce que de toute notre famille, c’est moi qui exprimais le plus son sang. Un sang que tu m’as transmis ! »

Elle me dévisagea.

« Moi ? bafouilla-t-elle.

— Toi aussi tu es l’une de ses descendantes. Il me l’a dit : cet héritage me vient du côté maternel. Cela ne change rien à qui tu es, mais ça a changé qui je suis. Je suis quelqu’un de meilleur et j’ai un but. J’ai eu du mal à l’accepter, mais je me suis fait une raison. Et j’ai besoin que tu me soutiennes. »

Elle renifla bruyamment en se retenant à grande peine de pleurer.

« Nous te soutiendrons quoi que tu fasses. »

Stupéfait, je me tournai vers mon père. Il me fixait de ses yeux sombres, si différents des miens ou de ceux de mon frère. Toutefois, pour la première fois depuis longtemps, une étincelle y brillait. La même que lorsque je lui avais annoncé avoir décidé de débuter les études de médecine : la fierté.

« Tu es notre fils, poursuivit-il. Et même si je ne comprends pas tout et que j’ai… peur de ce que tu annonces, tu as raison. Tu es plus mature et plus sûr de toi. Quelques soient les décisions que tu prendras, nous te soutiendrons. Je… Je te crois, Peter. »

Je restai sans voix.

« Papa… murmurai-je, touché. »

Nous nous dévisageâmes sans ajouter le moindre mot.

« J’aimerais vous présenter mes amis, articulai-je finalement. Ils sont venus avec moi pour m’épauler dans ma mission. »

Ma mère me dévisagea.

« Tu les as laissés dehors alors qu’il fait froid ? »

J’esquissai un sourire, me tournai vers Elysion et Kalya et, d’un hochement de tête, leur fis comprendre qu’ils n’avaient rien à craindre. Ils fermèrent les yeux quelques instants avant de les rouvrir. Mes parents restèrent bouche bée, les yeux écarquillés devant l’apparition de mes compagnons.

« Enchanté ! s’exclama Elysion. »

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