Chapitre V
Je rouvris les yeux, la vision trouble et la tête lourde. Quelques fragments de souvenirs surgirent des tréfonds de ma mémoire : Kalya et moi avions été menottés avant que quelqu’un ne me plante une seringue dans le cou… Puis, plus rien. Un anesthésiant, sans aucun doute. Pour être honnête, avec l’énergie que j’avais dépensée pour faire trembler la terre, il aurait suffi d’une pichenette pour m’assommer.
Je relevai lentement la tête, essayant de déterminer où l’on m’avait emmené. Je me retrouvai alors face à un jeune homme dont la mitraillette était directement braquée sur moi. Lorsqu’il me vit loucher sur l’extrémité de son canon, ses yeux s’écarquillèrent et, sans la moindre hésitation, il m’asséna un violent coup de crosse à la tête.
Le second réveil fut plus brusque, du fait de la douleur. Du sang dégoulinait de mes narines jusqu’aux lèvres. J’avais donc été inconscient quelques minutes seulement. D’instinct, j’essayai de tâter mon nez pour vérifier que ce stupide soldat ne me l’avait pas cassé, mais mes mains étaient menottées à une table.
Je tirai sur mes entraves mais elles résistèrent.
Après une seconde tentative vaine, je cessai de m’agiter et examinai le lieu où j’étais retenu prisonnier. Je me trouvais seul en plein milieu d’une salle d’interrogatoire aux murs d’un gris sobre comme celles que l’on voyait dans les films. À ma droite, un miroir. À moins qu’il ne s’agisse d’une vitre teintée ? Dans ce cas, on devait m’observer dans une pièce à côté.
« Peter ? m’appela une voix dans ma tête. »
Je sursautai sur ma chaise.
« Astérion ! m’exclamai-je. Où étais-tu passé ? Pourquoi cette absence depuis hier ?
— J’avais besoin de me concentrer sur quelque chose. Trop de questions sans réponse… mais peu importe. Qu’est-ce que j’ai manqué ?
— Trois fois rien… ronchonnai-je. »
Et je lui racontai brièvement notre intrusion dans la base militaire. Enfin « raconter » n’était pas le terme approprié. Je faisais défiler les souvenirs de notre infiltration afin qu’il revoie les scènes comme dans un film en accéléré.
Lorsque j’eus terminé, il s’exclama :
« Quelle saugrenue idée de se rendre !
— C’était le seul moyen de montrer nos bonnes intentions, rétorquai-je.
— Tu aurais pu trouver autre chose.
— Et quoi donc ?
— Si j’avais été toi, j’aurais explosé la porte du palais de l’Elysée et…
— Et tu l’aurais kidnappé ?
— Exactement !
— C’est vrai qu’on aurait vraiment eu l’air d’être leurs alliés, ironisai-je. Tu es d’une finesse sans égal ! »
Avant qu’il ne puisse répliquer, l’unique porte de la pièce s’ouvrit. J’interrompis notre conversation pour dévisager l’homme qui entrait. J’osais espérer qu’il me proposerait quelque chose pour mon nez, mais son regard implacable me dissuada d’en réclamer. Tout chez lui inspirait l’ordre et la rigueur, que ce soit son maintien droit et fier, ses épaules larges ou son uniforme vert sombre sur lequel flamboyait un insigne de trois étoiles sur la poitrine. S’il avait sorti un fouet, j’aurais presque eu l’impression de faire face à Christian Grey. Remarque, il en aurait fallu plus pour m’impressionner après tout ce que j’avais traversé.
Il s’approcha, posa sur la table le dossier qu’il tenait dans la main droite et s’assit face à moi. Ses yeux durs m’examinèrent quelques instants avant qu’il ne commence l’interrogatoire :
« Bonjour, je suis Sylvain Lecorre, général de division de l’armée française. Peux-tu décliner ton identité ?
— Peter, répondis-je après quelques instants. Peter Leroy.
— Si je suis ici Peter, poursuivit-il, c’est parce que je suis chargé de remettre un rapport sur ton intrusion dans la base de Villacoublay, ce matin-même. J’attends donc des réponses de ta part, suis-je bien clair ? »
J’acquiesçai d’un signe de tête. Refuser de collaborer n’arrangerait pas mes affaires, bien au contraire. Coopérer m’apparaissait comme la meilleure solution si je voulais les convaincre de ma bonne foi.
« Tout d’abord, explique-moi comment tu t’es introduit dans la base.
— J’ai sauté par-dessus le grillage et je me suis caché à l’écart.
— Tu veux plutôt dire que tu as escaladé le grillage, non ? rectifia-t-il.
— Non, j’ai sauté par-dessus. »
Il fronça les sourcils mais n’insista pas.
« Qui est ton commanditaire ?
— Personne, répondis-je.
— Dans ce cas, il y a une chose que je ne comprends pas. Tes parents sont des gens sans histoire et ton frère est militaire. De plus, tu me sembles être quelqu’un de sensé. Alors pourquoi réalisé un tel acte ?
— J’avais un message à porter au Président, expliquai-je. Et mon frère a tenu à m’accompagner.
— Quel type de message ?
— Celui qui dit que notre monde est en danger.
— Et quel genre de danger ?
— Un dieu, déclarai-je. Une saloperie de divinité qui veut actuellement ma tête avant de s’emparer de notre monde. »
Le général se renfonça dans son siège et répéta, incrédule :
« Un dieu ?
— Oui et son armée de monstres. Mais je ne vois pas pourquoi je m’embête à vous dire tout ça puisque, de toute manière, vous ne me croyez pas.
— Les deux monstres qui sont avec toi font partie de son armée aussi ? »
J’en restai coi. Il avait osé employer le terme de « monstre » pour mentionner Kalya et Elysion. Ils avaient certes certaines particularités physiques qui les différenciaient de nous, mais leurs traits restaient très proches des nôtres ! Comment pouvait-il les assimiler à des monstres ? S’il avait perçu ma contrariété, il ne le montra pas. Après une profonde inspiration pour me détendre, j’articulai les dents serrées :
« Ils se nomment Elementaris et ne sont en rien des monstres ! Ce sont des êtres tout aussi intelligents que vous et moi. Certainement même plus.
— Je n’en doute pas ! Peux-tu m’en dire plus au sujet de ces Elementaris ?
— Ce sont des êtres aux capacités hors-normes qui ont pour but de se joindre à nous pour combattre notre ennemi commun : Hepiryon, l’Eternel du Chaos. »
En prononçant le prénom de l’Immortel, la température de la pièce sembla subitement chuter. Lecorre haussa un sourcil.
« Ce ne sont pas les monstres que tu viens d’évoquer ? insista-t-il.
— Ils ne nous veulent aucun mal ! Les véritables monstres, les Xenos, précisai-je en me penchant vers lui, se cachent parmi nous à la recherche d’un hôte pour leur maître !
— Tu as une preuve de ce que tu avances ? »
Je le dévisageai.
« Une preuve ? répétai-je, hésitant.
— Une preuve que de telles créatures existent, insista-t-il. Ou bien que la divinité que tu as nommée est réelle.
— J’ai moi-aussi un dieu dans ma tête, révélai-je. Il s’agit de son frère, Astérion. Grâce à lui, je possède des aptitudes surnaturelles ! C’est de cette manière que je me suis téléporté à l’intérieur de l’avion présidentiel ou encore que j’ai provoqué un tremblement de terre.
— Là encore, je manque de preuve pour te… »
Sa chaise recula brutalement d’un mètre.
« En voilà, une preuve, rétorquai-je devant son regard sidéré.
— C’est toi qui as fait ça ? m’interpella-t-il en se levant et en examinant la chaise.
— Oui, affirmai-je. »
Après quelques secondes d’hésitation, il décida de rester debout.
« J’admets que tu n’es pas un cas comme les autres, Peter. Pour autant, cela ne m’avance pas. Tu dois comprendre que pour moi, ces… Elementaris, ainsi que toi, vous représentez une menace. Surtout au vu de ton passif.
— Mon passif ? répétai-je. »
Il ouvrit la mallette et en sortit un dossier qu’il parcourut.
« Tu es recherché depuis près de deux mois par les autorités pour ton implication dans le braquage d’un restaurant, mais aussi pour avoir agressé des policiers et des innocents…
— Ce n’était pas moi ! m’écriai-je. Un Xenos m’a attaqué dans le restaurant alors que je m’y trouvais !
— Pourtant, nous avons une vidéo qui te montre en train de blesser des policiers en libérant une… onde dorée. C’était bien toi ?
— Oui, admis-je, mais ce n’était pas volontaire ! J’avais perdu le contrôle de mes pouvoirs !
— Des pouvoirs que tu maîtrises aujourd’hui ?
— Pour la plupart, oui.
— Alors pourquoi ne pas t’être déjà libéré et enfui ?
— Car je suis votre allié ! répondis-je, exaspéré de devoir justifier chacun de mes actes. Je sais que mon dossier ne plaide pas en ma faveur, mais je ne vous veux aucun mal. Si j’ai isolé le Président ce matin, c’était pour obtenir son appui. Sans lui, je n’aurai aucune chance d’avertir le monde du danger qui nous guette ! »
Il jeta un bref coup d’œil au miroir de la pièce. J’avais vu juste : il s’agissait bien d’une vitre teintée. Le Président devait même certainement se trouver de l’autre côté.
« Je ne savais pas comment obtenir votre aide autrement ! m’exclamai-je en me tournant vers la glace. Le temps presse, bientôt il sera trop tard pour agir ! Vous devez me faire confiance ou… »
Je m’interrompis subitement.
« Continue, m’incita le militaire. »
Pourtant, bouche bée, je restai muet de stupeur. Je venais de ressentir… Non, c’était impossible ! Pas maintenant ! Pourtant, un second frisson me parcourut, comme pour me donner tort. Une ignoble sensation qui fit hérisser les poils de mes avant-bras tandis qu’une sueur froide coulait le long de mon dos telle une mise en garde.
« Des Xenos ! tonnai-je en tirant comme un fou sur mes chaînes. Ils arrivent ! »
Le soldat me regarda comme si j’étais cinglé.
« Qu’est-ce que tu racontes ?
— Vous devez protéger le Président ! Ils vont… »
L’alarme se déclencha et me vrilla les tympans. L’officier saisit son arme et jeta des regards confus autour de lui. Cette fois je n’avais plus de temps à perdre et je me préparai à translater pour me libérer. Pourtant, au même instant, les lumières rouges de l’alarme s’éteignirent et nous nous retrouvâmes dans le noir complet, toujours assourdi par la sirène.
« Les ombres ! s’exclama Astérion. Les Xenos manipulent les ombres pour t’aveugler ! »
Toute translatíon était impossible.
« Libérez-moi ! hurlai-je à l’intention du militaire. »
Je tirai comme un dégénéré sur mes menottes jusqu’à m’en mutiler les poignets. Néanmoins, les entraves grincèrent sans céder. Avant que le général ne prenne une décision, j’entendis le mur face à moi exploser. Il y eut une détonation avant que quelque chose ne soit projeté au travers de la pièce et ne s’écroule lourdement à deux mètres de moi.
J’étais presque sûr qu’il s’agissait de Lecorre.
Soudain, malgré l’assourdissante alarme, j’entendis le souffle rauque d’une créature qui entrait dans la pièce, camouflée par les ténèbres. Mon cœur se mit à battre frénétiquement dans ma poitrine.
« Darrys ! m’écriai-je. »
Le mot qui signifiait « flamme » en Esternal me permit d’invoquer l’élément. À la manière d’Elysion plus tôt, un feu germa juste devant moi et illumina la pièce. Je découvris alors le Xenos, immonde créature engendrée par Hepiryon à partir des cadavres humains. La chair sombre et putréfiée du monstre exhalait une odeur infecte qui envahit mes narines et me donna la nausée. En m’apercevant, la créature ouvrit le puit sans fond qu’était sa bouche et lança un cri aigu du plus profond de sa gorge pour signaler ma position et ameuter ses camarades.
Sympathique.
Le Xenos orienta son épée à base d’os vers moi et s’élança. L’adrénaline qui se répandait dans mon corps à chaque battement de cœur multiplia mes forces. Les menottes se rompirent à l’instant où le Xenos atteignait l’autre bout de la table. Je la soulevai et la jetai contre lui. Il l’écarta d’un revers avant de se jeter sur moi. Je bloquai in-extremis son bras armé, mais il en profita pour m’infliger un violent coup dans l’estomac qui me projeta contre le mur. J’en eus le souffle coupé. Sans attendre, il chargea comme un taureau, prêt à me réduire en charpie.
Je virevoltai sur le côté et l’évitai de justesse avant de lui porter un sévère coup à la jambe. Elle fléchit. Bénite soit ma force ! Le Xenos tomba à genoux. Me revint alors les enseignements d’Elysion : si je me retrouvais désarmé face à un Xenos, viser sa tête. Je lui saisis le crâne. Il tenta de m’étrangler avec ses mains putrides, mais je lui brisai les vertèbres d’une torsion.
Il s’effondra.
Je reculai en chancelant. Heureusement, aucun autre ennemi ne vint. La créature morte, les ombres se dissipèrent et l’éclairage rouge revint. Je laissai la flamme s’évaporer. Comme je le compris très vite, je devais faire attention à mon énergie : je n’étais pas encore remis de la dépense énergétique lors du tremblement de terre. Je réalisai également que des combats faisaient rage hors de la pièce. Des coups de feu et des cris se mêlaient désormais à la sirène stridente. Grâce à l’ouverture dans le mur, la pièce n’était plus insonorisée. Je ne devais pas perdre de temps : mon frère, Kalya et Elysion avaient besoin de mon aide ! Ces derniers avaient certainement senti le danger mais rien ne m’assurait qu’ils étaient en état de s’en sortir.
Quelle poisse d’avoir été attaqué maintenant !
Je m’approchai du général Lecorre et cherchai du doigt sa carotide : il était en vie. Simplement inconscient. J’hésitai à le ranimer mais il serait plus en danger avec moi qu’ici. Je pris son arme et partis au pas de course à la recherche de mes compagnons. J’arrivai dans un couloir faiblement éclairé. Un homme gisait à l’entrée, le regard vitreux, assassiné par le Xenos que je venais de vaincre.
« Il faut retrouver les Elementaris, me souffla Astérion.
— Et Thomas, ajoutai-je.
— S’il en a eu la possibilité, il les a certainement rejoints. »
J’opinai avant d’utiliser mes pouvoirs sensoriels pour dénicher l’aura particulière des Elementaris, mais également celle des Xenos. Je manquai de m’étouffer. L’ennemi était venu en nombre : ils avaient envahi les deux étages sous mes pieds, mais également celui au-dessus ! Je ressentais la présence d’un des Elementaris au-dessus et du second deux étages en-dessous. Je levai la tête vers le plafond : en utilisant mes pouvoirs de la terre, je pourrais certainement y ouvrir une brèche et partir à la recherche de l’Elementaris que je percevais quelque part au-dessus de moi.
Avant que je ne mette mon plan à exécution, quelque chose me heurta violemment. Je tombai à la renverse. Absorbé dans mes réflexions, je n’avais pas senti le Gerydïon approcher et bondir. Je saisis sa gueule in-extremis avant qu’il ne m’égorge, mais ses griffes acérées me labourèrent le torse et les côtes. Je ravalai la douleur et tentai de le repousser avec les pieds mais il était trop massif.
En désespoir de cause, j’usai de mes pouvoirs télépathiques : le tigre du Chaos fut projeté sur le côté. Je me relevai mais trébuchai et retombai à terre, affaibli par mes blessures. Le monstre se remettait déjà sur ses pattes et rugissait, ses pupilles rouges brillant d’un éclat triomphant. Je vis alors le pistolet que j’avais laissé tomber lors du choc. Je le saisis et le pointai sur l’animal qui sautait dans ma direction. Les deux premières balles le manquèrent mais la troisième traversa sa fourrure grise striée de noir et atteignit son crâne. Il s’effondra sur moi, inerte. Je repoussai son corps en essayant de contrôler le tremblement de mes mains.
Cette fois, j’avais cru y rester pour de bon.
« Tu vas bien ? s’inquiéta Astérion.
— Pas tant que je n’aurai pas retrouvé Thomas et les autres, répondis-je à mi-voix. »
Je tendis la main vers le plafond. Il se fractura avant de s’écrouler, formant une brèche suffisamment large pour me permettre de passer à l’étage supérieur. Alors que je m’apprêtai à sauter, le sol se mit à trembler. Je me retournai, deux nouveaux Xenos m’avaient pris pour cible. L’un d’eux arma son arc tandis que l’autre brandissait sa hache. Je levai les mains dans leur direction et une rafale de vent les projeta en arrière. Puis, je pris mon élan et bondis par l’ouverture du plafond. Je me réceptionnai maladroitement et me préparai à faire face à un nouvel ennemi lorsque le sol trembla. L’un des Xenos m’avait suivi et s’était retrouvé suspendu dans le vide. Avant qu’il ne parvienne à se hisser, je lui donnai un coup de pied en plein visage qui le fit lâcher prise.
Je m’octroyai un bref répit lorsque quelqu’un balbutia :
« Les… Les mains en l’air ! »
Je me retournai. Deux soldats me tenaient en joug. Le cadavre de deux Xenos vaincus tombaient en poussière à leurs pieds. Mais les corps de cinq hommes et femmes gisaient au travers du couloir.
« Je suis avec vous ! les rassurai-je en m’approchant.
— Ne bouge pas ! bafouilla le deuxième. »
Soudain, Elysion surgit de nulle part. Il envoya valser le premier homme avant d’empoigner le second par le col de son vêtement et d’aboyer :
« Où est ma congénère ? Où est KALYA ? »
L’homme paraissait à deux doigts de s’évanouir face à la colère ardente de mon ami. Malgré tout, il parvint à articuler :
« Je… n’en sais… rien. Pitié ! »
Elysion le scruta quelques instants avant de le laisser tomber à ses pieds. Il se tourna vers moi et me rejoignit à la hâte.
« Tu vas bien ? me demanda-t-il. »
Je lui indiquai les griffures qui continuaient de saigner.
« Tu serais capable d’utiliser de l’eau pour recouvrir tes plaies ? me demanda l’Elementaris. Comme Kalya sait le faire ?
— Je n’ai plus beaucoup d’énergie, admis-je. Je n’arriverai pas à maintenir l’eau sur mes blessures tout en me battant. »
Il fouilla les alentours du regard avant de dénicher une table. Il brisa l’un des pieds métalliques et embrasa ses doigts avant de chauffer l’extrémité du métal.
« Ça va faire mal mais au moins ça arrêtera le saignement. »
Je hochai la tête et retirai mon tee-shirt que je mis dans ma bouche pour serrer les dents sans risque durant la douloureuse cautérisation. Il patienta encore quelques secondes le temps que le métal rougeoie. J’étouffai difficilement mes cris lorsqu’il commença l’opération. Cela ne lui prit pas plus de deux minutes, il agissait avec minutie mais rapidité pour éviter de s’éterniser et atténuer ma souffrance. Pendant ce temps, les deux militaires s’étaient relevés sans pour autant oser s’approcher. Lorsqu’Elysion eut terminé, il se tourna vers eux.
« Pardonnez-moi d’avoir été aussi brutal. »
Surpris, ils ne répondirent rien.
« Le bâtiment est immense, dis-je après avoir remis mon vêtement, mais les Xenos semblent se réunir tout en bas. Je sens la présence de Kalya au rez-de-chaussée mais j’ignore où se trouve mon frère. Nous devrions trouver un moyen de descendre en espérant qu’ils sont ensemble. »
Elysion approuva d’un signe de tête.
« Vous devriez fuir d’ici, ajoutai-je à l’intention des militaires. »
Ils échangèrent un regard avant de secouer la tête.
« Il est hors de question ! Nous connaissons la base, nous pouvons vous aider !
— Si votre amie se trouve dans le hangar où nos véhicules sont garés, ajouta le second, il vous faudra prendre l’ascenseur qui se trouve plus loin. »
Je jetai un œil à Elysion avant d’ajouter :
« Alors ne nous lâchez pas d’une semelle. »
Elysion ouvrit la voie, aux aguets. Nous le suivîmes dans le silence inquiétant qui pesait maintenant dans le couloir. Tous les monstres avaient déserté l’étage pour se rendre au rez-de-chaussée, là où se trouvait Kalya. Elysion accéléra le pas lorsqu’une porte s’ouvrit sur notre droite. Une dizaine de militaires débarquèrent et braquèrent leurs armes sur nous. Parmi eux se trouvait le Président ainsi que…
« Thomas ! m’exclamai-je. »
Mon frère sortit des rangs à coups d’épaules et me serra dans ses bras.
« Ces abominations sont réelles… me souffla-t-il. Je regrette d’avoir douté de toi, petit frère…
— Je le regrette aussi, ajouta le Président en s’approchant. »
Je m’écartai de mon frère et dévisageai le chef de l’État.
« Nous devons les arrêter ! déclarai-je. Les Xenos se sont réunis dans l’entrepôt… et Kalya s’y trouve. »
Un soldat s’avança.
« Notre priorité est de mettre le Président en lieu sûr. Nous pourrons prendre une autre sortie pour éviter l’ennemi…
— Cinq d’entre vous l’accompagneront ! ordonna le politicien. Nous ne pouvons pas le laisser braver seul le danger.
— Il n’est pas seul, rétorqua Elysion. »
Le Président le fixa quelques instants avant de lui tendre la main.
« Je suis désolé de vous avoir retenu prisonnier. J’espère que vous me pardonnerez et que nos espèces sauront s’unir face à ces choses. »
Elysion le dévisagea quelques instants avant de lui serrer la main.
« Il le faudra. »
Le Président hocha la tête et s’éloigna, accompagné de sa garde. Je pris l’une des mitraillettes que me tendit l’un des officiers tandis qu’Elysion embrasait ses poings. Puis j’appelai l’ascenseur et déclarai :
« Allons-y ! »
Les portes s’ouvrirent et nous entrâmes.
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