Hier

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Ma vie aurait dû s’arrêter hier. Pour moi, pour mes parents, et surtout pour mon chat, les choses auraient été plus simples.

Pourtant, tout va bien. Je vis dans une super famille, des gens très intelligents, cultivés, gentils, qui aiment les fleurs et les oiseaux. Même notre voiture, elle est super smart. Discrète, avec son moteur hybride hydrogène-électrique, elle ne laisse derrière elle qu’une légère fumerolle bleue parfumée à la vanille, composée d’eau pure à 99,99 %, l’essentiel de son énergie provenant de son revêtement en pérovskite stabilisée absorbant le spectre lumineux sur toute la bande de fréquence.

Oui, je sais, je ne peux pas m’empêcher de la ramener. Je suis hyper énervante. Vous avez deviné, je n’ai que des bonnes notes au collège. Et même, les garçons cette année commencent à s’intéresser à moi, et à me trouver jolie. Heureusement, le seul qui ne me regarde pas, je n’arrive pas à le croiser sans rougir. Comme ça, j’ai l’impression d’être une fille à peu près normale.

La vérité pourtant, c’est que tout ça, je n’y suis pour rien. Tout est la faute de mon père, qui est super intelligent, qui invente des tas de trucs bizarres, comme notre voiture, et qui travaille dans un laboratoire ultrasecret. Toute ma vie, toute celle de ma famille, est classée confidentiel.

Et ça ne va pas s’arranger.

J’oubliais. Pour servir tout le monde, il faut dire que si les garçons me tournent autour, sur ce point, c’est la faute de ma mère, une femme superbe - gna… - hôtesse de l’air sur Framboise Airlines.

Quant à ma chute, récente, dans une existence hyper simplifiée, à la limite de la disparition… je sais, ça ne se fait pas… mais là… je dois accuser mon frère. Factuellement, c’est de sa faute. Et puis aussi, celle de mon chat. Mais comme il n’est plus avec vous, mais avec moi, et que c’est mon seul compagnon, je ne vais pas l’accuser trop fort.

Pauvre Schrödinger. Schrödinger, c’est son nom. C’est difficile à porter, même pour un chat. C’est le nom d’un physicien autrichien, connu pour avoir formulé l’équation d’évolution de la fonction d’onde associée à une particule, ce qui est à la base de la mécanique quantique. Mais avec ma mère qui parle 14 langues, avec mon frère mi autiste Asperger, mi génie incompris, mi Frankenstein (oui, je sais, ça fait 3 demis, et alors ?) quand on a tous un Q.I. à plus de 150, c’est comme ça, paraît-il, on n’y peut rien.

Le plus dur, c’est de ne rien pouvoir dire aux copines. Absolument rien. Et je dois subir ma honte en silence, lorsque mon père vient me déposer, le matin, au collège, dans son zingue qui sent la vanille, avec sa grande barbe hirsute et ses lunettes d’intellectuel, avec mon gogol de frère qui écrit en bavant des équations dans la buée de la vitre arrière.

— Bonne journée ma chérie, et n’oublie pas, demande à ta prof de rajouter le calcul des produits tensoriels à ton programme, c’est important tu sais ?

Non, c’est vrai, j’en bave moi aussi. C’est dur. Mais tout ça, ce n’est rien en comparaison de ce qui est arrivé hier.

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