1 Chap.
Un arbre majestueux et digne se dresse seul, au milieu d'une clairière.
À contempler sans relâche la Dame du ciel, il a pris racine.
À sans cesse tendre ses bras vers elle, des branches lui ont poussé.
Elle ne l'a jamais regardé, sait-elle seulement qu'il existe ?
Il n'attendait qu'un regard ; une douleur d'écorce l'a revêtu et si son cœur bat encore, son bois n'est plus si tendre. Autour de lui, sa peine a repoussé toute végétation. La vie préfère un sol fertile d'espoir.
Le printemps s'annonce et la nature reprend ses droits.
Le chagrin de cette étrange créature indiffère Rosmerta, elle souffle et des bourgeons prolifèrent.
De feuille en feuille, un homme amoureux achève sa métamorphose.
Les bois abritent toujours un peu de magie, un arbre envoûté, une ombre chagrine.
Si légère, elle se déplace souvent contre sa volonté, poussée par un vent moqueur. Alors elle s'entortille aux branches, pourtant elle ne peut résister longtemps quand il décide de la chahuter.
Elle aurait bien assombri ailleurs, une lumière un peu vive. Mais toujours le zéphir la repousse dans le bois.
Ce matin elle n'a pas la volonté de s'opposer au souffle mutin. Avec un soupir, elle se laisse envoler. Elle sait qu'ainsi le malicieux s'ennuiera plus vite.
Le vent espiègle s'amuse à la soulever, à l'enrouler. Les changements de nuance entre l'ombre et la lumière donnent l'illusion d'un mouvement, d'une danse.
Le vent valse avec une ombre.
Il s'agace rapidement de sa passivité, alors il la secoue davantage.
C'est un jour énervé, l'ombre lasse s'obscurcit. Le vent ravi qu'elle réagisse enfin profite de l'aubaine et la pousse de plus belle, jusque la clairière. En riant, un rien méchant, il fait tourner sa conquête comme un toupie, autour d'un arbre solitaire.
Le tumulte tire le végétal de sa contemplation. Il aimerait qu'on le laisse tranquille et agite son feuillage mécontent. Le vent le bouscule sans ménagement.
Une sève furieuse monte vers la cime, tout à coup, des racines à la ramure, l'arbre prend fait et cause pour l'ombre malmenée. Alors qu'elle passe tout près, il tend ses feuilles et la capture du bout des branches.
Elle se faufile à l'abri sans tergiverser et se fond dans le tronc. L'arbre s'enracine pour résister au souffle qui soudain forcit, mais le temps n'est pas à l'orage et la bourrasque rompt l’assaut.
Contre son écorce, une ombre s'endort ; son sauveur se surprend à désirer sa compagnie.
Elle aussi souffre d'amour, elle est devenue l'ombre d'elle-même en acceptant le mépris, en négociant son âme contre un peu de chaleur humaine. Un homme sans cœur l'a consumée.
À son tour le végétal se confie. L'ombre l'écoute avec patience et compréhension.
Elle ressent autre chose que son chagrin à l'accueillir.
Il réalise que sa vie se dérobe juste à côté. Subitement, il rejette son apathie :
« Que dirais-tu belle et sombre, si je te proposais l'abri de mon feuillage ?
- Que dirais-tu beau de bois, si je te demandais d'abandonner le ciel pour moi ? »
Elle lui donna le mouvement dont il manquait pour se désincarner, il lui donna sève et vie pour qu'elle s'incarne.
Au milieu d'une clairière, un arbre est mort…
Mais souvenez-vous, il est
«Comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces... »
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