Le Mendiant du Rétroviseur

Dans la brume matinale, alors que la ville s’éveillait dans une torpeur habituelle, Olivier pressait l’accélérateur. Le moteur de sa vieille voiture grognait, encore endormi, tout comme lui. La chaleur de l'habitacle lui apportait un certain réconfort, mais ses pensées restaient accrochées aux échos de sa dispute de la veille. Il laissait son regard porter dans le rétroviseur, se forçant à ne pas se perdre dans les reflets du passé qui y dansaient, comme des ombres fugitives.

Soudain, une silhouette attira son attention. Un mendiant, assis dans une flaque d’eau sale, tendait la main vers les passants. Il semblait plus jeune que ceux qu’Olivier avait l’habitude de voir dans ces rues. Il y avait une certaine noblesse dans son attitude, mais aussi un air de tristesse infinie. Les yeux d’Olivier se fixèrent sur l'homme, une étrange sensation le traversa. Puis, il se détourna, chassant cette pensée insensée.

Mais l’image du mendiant persista, une ombre dans son rétroviseur qui ne disparaissait pas, comme un spectre qu’il avait libéré. Ses pensées l’assaillirent : et si ce n’était pas un simple homme ? Et si c'était une illusion, une contamination de sa propre conscience, une image de sa culpabilité qu'il avait refoulée ? Le mensonge qu'il avait cru facile à raconter se transformait maintenant en un monstre. Un mensonge simple qu’il avait laissé croître comme une mauvaise herbe dans un bois obscur.

Il sentit une pression au fond de son ventre, une angoisse qui montait, menaçant de le submerger. Il ralentit. Mais alors, dans le rétroviseur, une forme bougea. Le mendiant se leva soudainement, l’ombre de son visage désormais marquée par une colère palpable. Une main levée, il semblait menacer le conducteur avec une rage contenue, une rage qu’Olivier n’avait pas vue venir. Était-ce une menace réelle ou une projection de ses propres peurs, alimentée par le poids du mensonge qu’il portait ?

L’incertitude le frappa comme un coup de tonnerre. Il tourna le volant brusquement, fuyant l’image du mendiant qui, pour un instant, se transforma en un abîme de doute et de honte. Mais derrière, dans la flaque laissée par la pluie, un reflet persista. Contaminer son âme de cette illusion ne serait pas si simple.

Remdrd 06/11/2024
387 mots