À l’école, les élèves regardaient Lola comme une bête de foire. La maîtresse avait expliqué que son œil droit avait du mal à voir, ce qui expliquait la présence d’un pansement coloré sur son œil gauche. Les adultes expliquaient que son « amblyopie » et sa « diplopie » obligeaient la présence du cache oculaire. Pour couronner le tout, un strabisme s’ajoutait à cela.

Personne ne se moqua jamais ouvertement d’elle, mais parfois, la petite fille pouvait sentir les remarques acerbes ou les incompréhensions. Elle avait un œil cassé, tout détraqué. Doki le lui rappelait bien souvent. Il se riait d’elle lorsque la lumière du vidéoprojecteur l’empêchait de travailler, lorsque les feux d’artifices étaient trop éclatants pour qu’elle puisse les observer ou lorsqu’elle ne pouvait rester plus de quelques minutes en face d’un écran.

Lola comprit assez rapidement qu’elle était comme handicapée, une personne infirme qui vivait dans l’attente du dimanche : le seul jour où on l’autorisait à enlever son cache. Le soir, elle s’entraînait à des jeux de memory. Lorsque personne n’acceptait de jouer avec elle, elle disposait les cartes toute seule et tentait d’apercevoir les petites détails tout flous.

Doki grandissait. Il se nourrissait de toute cette tristesse qui grandissait dans le cœur de la petite fille. Le monde s’était paré de ses plus belles couleurs grisâtres. Oublié le printemps, oublié l’été, oublié les couleurs, oublié les sourires. Avait-on déjà souri ? Doki, lui, souriait. Toujours.