Chapitre 21 - 3
Tout le monde se retourna vers Elkor. Celui-ci s’était levé pour faire face à la jeune femme. Il avança pas à pas vers elle.
— Tu crois que tes pitoyables excuses vont les faire revenir ? Même si tu fais des efforts, tu crois que ça effacera leurs morts ? Tu rêves, ma pauvre !
— Elkor, arrête ça, s’interposa Raël.
— On ne t’a pas sonné, le boulet !
— Elkor ! rugit Enorën. Nous sommes dans une assemblée, chacun a le droit de s’exprimer comme il l’entend !
— Je n’ai pas de conseils à recevoir d’un vieux débris qui profite du labeur des autres pour survivre à l’œil !
Elma voulut rejoindre Raël pour faire front, mais Elkor lui barrait le passage. Cette réunion était un échec. La jeune femme pensait pouvoir faire le point pour qu’ils puissent tous partir sur de meilleures bases. Son sentiment d’être inutile et bonne à rien lui contracta l’estomac. Possédait-elle réellement les valeurs que Serymar lui avait allouée ?
En dépit de son inquiétude grandissante, Elma se recentra. Elle ne devait pas montrer son abattement. D’après Serymar, c’était le pire à faire dans ce genre de cas. Elle avait cru apaiser les choses par la compassion, mais comprenait désormais où Serymar avait voulu en venir, lorsqu’il lui avait demandée d’imposer son autorité, même si ça devait la faire souffrir. Elma inspira pour retrouver son calme et fusilla Elkor du regard.
— Excuse-toi.
Surpris, tous les hommes la fixèrent. Elma les ignora, son attention résolument fixée sur Elkor. Cette fois, ce fut elle qui effectua un pas impérieux vers lui. Il était temps qu’elle assume le rôle que lui avait confié Serymar.
— Je t’ordonne de t’excuser. Tout de suite.
Elkor fut aussi surpris que les autres. Il se reprit bien vite et étira un sourire mauvais.
— Sinon quoi ? Tu n’as pas de magie. Tu ne peux pas me contraindre. Et cette fois, le Maître n’est pas là pour surgir de nulle part pour protéger tes arrières. Alors comment tu comptes t’y prendre ?
— Excuse-toi envers Raël et Enorën.
— Je n’ai pas de leçons à recevoir d’une femme comme toi, cracha Elkor avec colère.
Elma prit sur elle pour ne pas trembler d’effroi face au regard qu’il lui lança. Celui-là, elle ne le connaissait que trop bien. Le même que celui de son beau-père. Le même que celui de ces bandits. Il n’allait tout de même pas… ?
— J’ai supporté plus que ce qu’il fallait ! explosa Elkor, furieux. Si le Maître est incapable de nommer les bonnes personnes à son service, moi, je vais le faire à sa place ! Seuls les plus forts peuvent survivre dans ce monde depuis cette foutue malédiction ! On ne peut plus se permettre de protéger les faibles ! Enorën, tu ne vaux plus rien ! Ta vieillesse n’est pas une excuse pour te faire nourrir et loger à l’œil ! Si tu ne peux plus travailler, tu n’as qu’à mourir et laisser la place aux autres, nous n’avons pas assez de ressources pour les débris comme toi ! Quant à ce boulet, c’est pareil ! Aussi jeune et déjà paresseux ? Il devient malade à la moindre secousse, il ne sert à rien, nourrir des comme lui, c’est comme arroser une graine déjà morte !
Elma lutta pour ne pas reculer quand Elkor s’avança vers elle. Il la dominait de toute sa hauteur.
— Quant à toi, tu ne vaux rien ! fulmina-t-il. Absolument rien du tout ! Il est grand temps de montrer au Maître qui mérite de commander, ici ! Et ça commence par te dresser comme ton père aurait dû le faire !
Ses mains se refermèrent soudain sur les épaules d’Elma qui laissa échapper un hurlement de terreur. Elkor la jeta au sol et se positionna sur elle pour l’empêcher de bouger. Une odeur de chair brûlée envahit aussitôt la pièce sous des exclamations d’horreur. Tremblante, Elma se dégagea aussitôt et hoqueta de surprise à la vue de la main d’Elkor qui se désagrégeait comme un papier consumé lentement par le feu. À genoux sur le sol, il se convulsait de douleur à mesure que sa main se réduisit en cendres.
Reynald versa une carafe d’eau sur le bras, et la combustion s’arrêta soudain, ne laissant qu’un moignon à la place de la main d’Elkor. Une odeur de sang brûlé imprégna la pièce.
— M… mais… comment ça se fait… ? bégaya Syvën, choqué.
Elma, une main sur son cœur menaçant d’exploser sous le choc, retint une exclamation lorsqu’elle comprit.
Juste avant de perdre ses moyens, Serymar l’avait saisie avec force. Elma avait d’abord cru que c’était pour se soutenir. Il lui avait en réalité jeté un sort pour la protéger malgré son absence. Il avait dû deviner qu’Elkor essaierait de profiter de la situation.
Elma ne sut déterminer si elle était impressionnée ou effrayée par les capacités d’analyse de Serymar. Malgré-tout, Elma trouvait la protection extrême.
« Franchement, Maître, n’auriez-vous pas pu vous contenter d’un simple bouclier qui repousserait quiconque m’approcherait de cette façon ? Pourquoi toujours tant de violence ? »
Il n’avait pas pu s’empêcher d’y ajouter un effet dissuasif. Pas étonnant que les autres aient tant de mal à lui faire confiance.
— Co… comment tu as fait ça ? l’accusa Elkor, abasourdi.
— Je… ce n’est pas moi ! se défendit Elma, encore sous le choc. Je suis une Sans-Pouvoir comme vous tous !
Elle se releva péniblement et dut s’appuyer contre un meuble pour empêcher ses jambes tremblantes de se dérober. La situation n’avait que trop dégénéré parce qu’elle n’avait pas osé s’imposer. Elle comprit enfin pourquoi Serymar se composait cette façade dominatrice et froide.
Elma se redressa de toute sa hauteur et bien qu’elle se détesta en cet instant, elle toisa Elkor.
— Tu as tort. Le Maître sera toujours là pour tenir ses engagements, quoiqu’il lui en coûte. Ne t’avise plus jamais de me toucher.
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