Chapitre 38 - 2

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  Lya s’approcha sans hésiter. Le garçon était à peine plus âgé qu’elle. Les yeux cernés, couvert de boue et de blessures, la plus grave se trouvant sur un bras, elle se sentait incapable de laisser qui que ce soit dans cet état.

  Le garçon ouvrit péniblement les paupières à son approche et une lueur de surprise passa dans son regard. Lya fut étonnée lorsqu’elle remarqua qu’ils avaient les mêmes yeux. Le garçon la détailla, surpris d’être enfin aperçu par quelqu’un. Il la fixait comme s’il doutait de sa tangibilité.

  Lya lui tendit une main avec un large sourire. Le garçon se montra méfiant et se colla un peu plus au mur, l’expression chargée de rancœur. Il secoua faiblement la tête.

— Allez, viens ! insista Lya. Tu ne peux pas rester là ! Viens avec moi !

  Il hésita encore un long moment et examinait Lya comme si c’était la première fois qu’il voyait quelqu’un de son âge. Il semblait en intense réflexion. Lya ne bougea pas et resta avec sa main tendue.

  Enfin, avec beaucoup d’appréhension, il l’imita. Lya n’hésita pas et referma sa main sur la sienne. Elle le tira vers elle avec un grand sourire.

— Allez, suis-moi !

  Incapable de comprendre ce qui se passait, le garçon peinait à répondre à sa demande. Lya avait l’impression de tirer un animal récalcitrant.

— Tu vas tomber malade si tu restes comme ça !

  Il lui offrit un regard perdu, mais Lya percevait dans ses prunelles une panique contenue, comme s’il était complètement déboussolé et ignorait ce qui allait lui arriver.

  Lya leur fit traverser l’avenue jusqu’à rejoindre le marché. Derrière elle, le garçon se débattit comme s’il était effrayé de se retrouver là. Lya raffermit sa prise et lui offrit une expression qui se voulait rassurante.

— T’inquiète, il ne va rien t’arriver ! Reste avec moi, tu verras, tout se passera bien !

  Le garçon cessa de se débattre, mais ne semblait pas rassuré pour autant. Lya lui sourit encore pour lui communiquer la sincérité de ses intentions.

— Tu es en sécurité avec moi. Je connais ces quartiers par cœur ! Tu peux me faire confiance !

  Enfin, elle rejoignit l’étalage de ses parents qui ne masquèrent pas leur surprise. Le garçon se raidit à leur vue. Lya se demanda pourquoi les adultes semblaient autant l’effrayer.

— Lya ! fit Sorel. Qui est ce garçon ?

— Je ne sais pas ! répondit Lya en haussant les épaules. Il ne parle pas depuis tout à l’heure ! Mais il est blessé, on pourrait l’aider, non ? Hein Maman ? Maman ? Tu as l’air bizarre…

  Blême, Eylen fixait le garçon d’un air étrange, une main sur sa bouche. Le garçon baissa le regard et chercha encore à s’enfuir, mal à l’aise. Lya le retint fermement. Pourquoi l’ambiance avait-elle radicalement changé, tout à coup ?

— Ma chérie ? questionna Sorel. Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Tu es blanche, Maman, quelque chose ne va pas, tu es malade ? s’inquiéta Lya.

  Le garçon se débattit, mais Lya renforça sa prise. Il avait perdu tant de force qu’elle n’eut aucune difficulté à le retenir.

  Tremblante, Eylen fixa intensément le garçon et s’agenouilla devant lui pour le regarder dans les yeux.

— N’aie pas peur, je t’en supplie… laisse-moi te regarder.

  Le garçon se figea, aussi pâle qu’Eylen, tétanisé. L’incompréhension la plus totale se lisait dans son regard. Il semblait être sur le point de succomber à une attaque de panique.

  Eylen hésita, mais Lya remarqua qu’elle avait des difficultés à cacher ses tremblements. La fillette fut effrayée de voir des larmes ruisseler sur ses joues. Elle se figea.

— Je t’en supplie… ne t’en vas pas.

  Comme attiré par une force invisible, le garçon fixa Eylen avec un mélange de crainte et de curiosité. Comme avec Lya, il analysa Eylen et commençait à ressentir son émotion, au vu de son expression.

— Ces yeux… murmura Eylen.

Les mêmes que ceux de son mari. Les mêmes que ceux de sa fille.

— Chéri, je… je n’y crois pas !

  Sorel se liquéfia, ce qui ne manqua pas d’angoisser Lya, de plus en plus perdue. Le regard du garçon pesa sur elle. Lya n’osa pas se retourner, choquée de l’attitude de ses parents. Elle contint sa panique afin de ne pas pleurer aussi. Se dire qu’elle était la cause des larmes de ses parents lui était insupportable. Elle sursauta lorsqu’elle sentit les doigts terreux du garçon lui prendre la main dans une étreinte rassurante. Lya lui fit face et fut surprise par l’expression qu’il affichait. Il semblait vouloir lui dire qu’il était rassuré de ne pas être le seul à ne rien comprendre et surtout vouloir lui dire qu’il comprenait sa détresse. Lya se figea quand elle sentit les yeux du garçon la sonder. Ce garçon comprenait-il ses tourments ?

— L’âge correspond… Eylen… ce visage… Eylen, il te ressemble !

— Maman, Papa… gémit Lya. Qu’est-ce qui se passe ?

  Sorel s’agenouilla devant les enfants. Il fixa le garçon à la fois avec crainte et espoir.

— Dis-moi, mon garçon… est-ce que tu peux… parler ?

  Déstabilisé, le garçon lui répondit par une expression interrogatrice. Il ne semblait pas comprendre la question. Lya en vint à se demander s’il ne venait pas d’ailleurs. Elle le vit baisser la tête.

  Après quelques réflexions, le garçon fixa Sorel dans les yeux. Il désigna sa gorge et fit un signe de négation de la tête.

  Le temps se suspendit, comme si un sort de paralysie avait gagné le couple et les enfants à la fois. Le garçon exécuta un autre geste, sans doute pour s’excuser. Il pleurait et continuait à ses gestes nerveux, comme désespéré de ne pouvoir les comprendre et encore moins être capable de leur répondre. Lya fut frappée par tant de détresse. Elle remarqua enfin que ses sanglots étaient silencieux.

  Les deux adultes se regardèrent et leur expression changea du tout au tout. Ils pleuraient, ce qui surpris les deux enfants.

— Oh, par les Dragons !

  Eylen saisit soudain le garçon dans ses bras avec vigueur, comme si elle craignait qu’il ne disparaisse, comme si elle cherchait à s’assurer qu’il était bien présent. Le garçon se raidit, tétanisé. Sorel fit de même en les entourant tous les deux de la même manière.

— …ils nous l’ont rendu… les Dragons nous ont rendu notre fils ! pleura-t-il.

  Si le garçon était choqué de se faire étreindre ainsi, Lya l’était encore plus par cette révélation. Ses émotions explosèrent. Enfin, elle avait la réponse. Ce « Il » fantôme, c’était ce garçon. Elle avait donc un frère. Un frère qui, submergé par l’émotion comme une véritable éponge, ne fut plus capable de se contenir et s’effondra en larmes.

  Il risqua un œil vers elle et fut surpris de la voir afficher un sourire ému.

— Ben décidément, cette journée, elle est vraiment exceptionnelle ! fit-elle remarquer, plus pour elle-même qu’autre chose.

  Des bras s’ouvrirent vers elle. Lya se jeta dans les bras de ses parents avec joie.

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