Chapitre 51 - 2
Valkor s’éloigna et l’hybride soupira de soulagement. Au bout de quelques minutes de réflexion, ses doigts jouant machinalement sur son bouc, Valkor fixa de nouveau son jeune interlocuteur.
— T’acharner ne sert à rien, ton problème ne se trouve pas là. Dis-moi, à quel point maîtrises-tu ta main droite ?
Avant de répondre, Sang-Mêlé essaya de bouger son bras, mais n’y parvint pas.
— Je peine à bouger les doigts. Ce bras est un poids mort.
— Si tu peux les remuer, alors ça signifie que les connexions nerveuses sont encore là. Nous pouvons donc améliorer ta motricité. Ressens-tu la douleur sur ce bras ?
— Il me semble. Mais pas autant que sur l’autre.
— Parfait. Cela confirme donc ce que je pense.
Sang-Mêlé l’interrogea du regard. Son cas n’était-il pas désespéré ?
— Il faut que tu apprennes à te déplacer en fonction de ta condition physique, reprit Valkor. Contrairement à toi, je n’ai pas de jambes. Il serait donc futile de ma part de m’imposer un entraînement adapté à des bipèdes. Pour toi, c’est le même principe. Viens avec moi. Nous allons avoir besoin d’espace pour que je puisse te montrer.
L’angoisse submergea Sang-Mêlé.
— Je ne veux pas de témoin. Vous aviez promis que…
— Nous ne serons pas dérangés, assura posément Valkor. Les lieux sont suffisamment grands pour que je puisse m’occuper de toi loin de quiconque. Je suis le directeur de cette Académie. Dans cette enceinte, mes ordres font office de loi.
Sang-Mêlé ne répondit pas. Il savait d’avance qu’il serait perdant : Valkor avait beaucoup plus d’expérience que lui et le lui prouvait à chaque mot qu’il prononçait.
— Pourquoi prendre ce risque ? le questionna Sang-Mêlé. Je pourrais me retourner contre vous, qui sait ?
— Car j’ai fondé cette académie pour ça, répondit patiemment Valkor. Pour aider les personnes comme toi, peu importe leur histoire ou leur statut social. Je ne suis pas les elfes noirs, Sang-Mêlé. Il est temps que tu ouvres les yeux sur la réalité du monde. S’il n’est pas exempt de défauts, il a bien plus de qualités que tu ne le penses. Il faut vraiment que tu sortes de ce conditionnement spirituel dans lequel tu te trouves, et qui t’empêche d’utiliser tes capacités de réflexion à leur meilleur niveau. Et crois-moi, je t’y aiderai, peu importe le temps que cela prendra.
L’adolescent se détourna.
— Si aider les porteurs de magie à maîtriser leur plein potentiel doit se retourner contre moi, alors soit, ajouta simplement Valkor. Je prends ce risque avec fierté.
Sang-Mêlé était encore tendu. Afin de lui montrer sa sincérité, Valkor s’éloigna vers la porte. Il ne sortit pas immédiatement. Il se tourna vers son protégé et le regarda avec le plus grand sérieux.
— Tu as encore beaucoup à apprendre. Pas seulement en magie. De la vie, aussi. Tes difficultés à maîtriser la téléportation et l’invisibilité sont criant de vérité. Il s’agit non-pas d’une incapacité, mais d’un blocage psychologique. Rééduquer ton corps te permettra non-seulement d’améliorer ta condition, mais aussi, je l’espère, d’apprendre à accepter ce que tu es. Je ne chercherai pas savoir ce que tu caches, encore une fois. Ton corps t’appartient, peu importe à quel point il est différent. Personne n’a à te dire ou t’imposer quoi en faire. Est-ce que je me suis bien fait comprendre, Sang-Mêlé ?
Le jeune concerné se fit honnête.
— Non. Pas vraiment. Je… en vérité, je ne suis pas certain de comprendre. Comme vous l’avez signifié, je ne connais rien d’autre pour me référencer. C’est… flou.
— C’est déjà une excellente chose de l’admettre. Cela signifie qu’au moins, tu as compris que tu es dans l’erreur et que tu as tout à revoir dans ce domaine. Ça me convient.
Sur ces mots, Valkor ouvrit la porte dans l’intention de sortir.
— Je te laisse à tes réflexions. Je reviendrai demain voir tes progrès. Une chose est certaine : en moins de quelques jours, tu commences déjà à mieux maîtriser ton énergie magique, tu ne la gaspilles plus. C’est une excellente chose. Je tenais à te le dire.
Alors qu’il allait quitter les lieux, Valkor s’arrêta. Bien que fébrile, Sang-Mêlé le rejoignit. Il s’arrêta à deux mètres de l’Apokeraos et à sa grande surprise, s’inclina.
— Valkor… Permettez-moi de devenir votre disciple. Et de vous appeler Maître.
L’Apokeraos releva un sourcil. S’il s’était attendu à ça ! Ce jeune homme faisait des progrès à une vitesse fulgurante. Pourtant, il n’avait pas fait grand-chose de son point de vue : il l’avait seulement traité normalement, comme il l’aurait fait avec n’importe quel jeune Apprenti ou Sorcier en difficulté.
— Si tu le souhaites vraiment, je ne vois pas pourquoi je m’y opposerai, lui répondit-il après quelques secondes de réflexion. Mais dans ce cas, il te faudra apprendre à avoir confiance en moi.
— Je ne peux que promettre d’essayer, pas de réussir sur ce sujet.
— Je pense, au contraire, que tu en es capable.
— Je ne crois pas, non. C’est peine perdue. J’ai essayé.
Valkor lui jeta un regard sévère.
— Qu’est-ce que je viens de te demander ?
Sang-Mêlé grimaça à cette réprimande. Il prenait conscience des efforts qu’il allait devoir faire pour avoir pleinement confiance en Valkor.
— Je… je ferais de mon mieux.
Valkor approuva.
— Ça me convient.
Annotations
Versions