Je me tenais là en face du miroir dans ma robe ajustée. La femme de l'année dernière avait disparu. Il y avait quelque chose dans ma façon de me tenir, une fierté renouvelée de moi-même. Je m’étais épanouie comme le font les fleurs, délicate et belle, laissant transparaître mon éclat intérieur. J’étais désormais prête pour le grand monde, je m’appartenais, la gardienne de mon destin. La robe me procurait de tels sentiments, car elle renfermait la femme qui comptait le plus pour Tim.

Le vêtement était un cadeau de mon petit ami. Le tissu avait l'aspect du lin avec une rayure subtile et un motif floral, masculin et féminin à la fois. Cela me résumait assez bien. C'est pour cela que Tim m’avait choisie. J’étais si belle, si facile à aimer. Ce soir, celui qui me chérit allait annoncer devant nos familles son intention de m’épouser, moi, Amélia.

Je jouai avec le col frangé autour de mon cou. Le tissu était assez serré pour montrer la forme de ma poitrine. Tim voudrait la toucher, l’étreindre, un sourire prêt à illuminer son visage, et alors je lui répondrai avec la lueur insolente de mes yeux.

Je me laissai aller à regarder comment le tissu bougeait. Le lin avec des plis doux était tellement plus agréable que le coton repassé, tellement plus tactile. Je jubilai en pensant à la générosité émotionnelle de mon amoureux ainsi qu’à ses possibles réactions. Allait-il rester sans voix ? Bégayer de stupeur ? Pleurer ? Tim était toujours le premier à offrir son bras, à se pencher pour un baiser, à faire un compliment bien senti. Il me serrait contre son torse comme si j’étais son seul trésor, et je sentais son amour aussi facilement que son parfum.

Je gloussai en m’éloignant du miroir, puis jetai un dernier coup d’œil sur les valises et le billet d’avion qui trônait au-dessus. Mon téléphone, posé sur le chevet du lit, indiquait trois appels manqués de Carl. Je m’occuperai de lui plus tard.

Ce soir, dans la robe de Tim, je sortis, prête à briser le cœur de ce benêt en refusant sa demande en mariage.