Je suis tombée amoureuse, et le premier mot qui me vient ensuite à l’esprit est « malheureusement ». Et je m’en veux de penser cela. Comment ça malheureusement, je devrais être heureuse, ravie. Cet amour est réciproque après tout, mais beaucoup d’éléments noircissent ce bonheur. Quatre ans que je l’aime, quatre ans qu’on est ensemble, qu’on est colocataires. Quatre ans c’est long, quatre ans c’est important, ce n’est pas rien, c’est une relation inoubliable.

On est tombées amoureuse. Malheureusement. Aujourd’hui on s’aime encore mais on ne sait plus vraiment le dire. Les mots ne suffisent plus et les actes sont limités. Je t’aime n’est qu’une expression quotidienne, qui certes évoque des sentiments réels mais qui n’est plus assez.

Je ne sais si la faute est de notre côté ou de la société. Peut-être est-ce de la mienne. Peut-être que j’aurais dû insister, manifester. Je suis embrouillée, perdue et incapable de faire un choix, de décider, de trouver une solution, une réponse. Je ne sais plus comment avancer dans ma vie et dans cette relation. Et cela parce que j’aime une fille. Je suis une fille qui en aime une autre et ça complique tout. Putain que ça complique tout.

Chaque année on se disait que c’était la dernière. Chaque année on ne voulait pas imaginer la suite, du coup nous n’avions pas de futur. Nous voilà quatre ans plus tard toujours ensemble à vouloir le rester, à vouloir s’aimer sans pouvoir réellement le faire. Quatre ans, quinze personnes au courant, aucune de la famille. Peur d’avoir une étiquette collée au front, peur d’être jugée, rejetée. Peur d’être observée ; peur de voir toute sa vie repensée. Aimer une fille, est-ce que cela fait de moi quelqu’un de différent ? Aimer une fille, dois-je le justifier, l’expliquer, le prouver? Aimer une fille, est-ce différent d’aimer un homme ? Je ne peux le dire, parce que je suis tombée amoureuse d’elle et pas d’un autre. A moi-même je ne peux l’expliquer. Je n’en ai aucune envie.

Aujourd’hui est-ce trop tard pour montrer et assumer, est-ce trop tard pour crier cet amour ? Aujourd’hui je suis effrayée de prendre ce risque, de voir ces conséquences que je connais que trop bien.

Putain de société ayant défini une normalité inébranlable, intouchable. Putain de société avec trop d’arrière-pensée et jamais assez de tolérance et d’adaptabilité. Putain de moi et d'elle qui s'aimons mais n'assumons.

Aujourd’hui je ne sais pas avec qui je peux m’exprimer librement, aujourd’hui je dois rechercher les soignants « gay friendly ». Aujourd’hui j’ai toujours pas envie d’être étiquetée, labellisée, jugée. Mais j’ai envie, besoin que ma relation évolue.

Cet amour sera-t-il compris et accepté ?

Cet amour, je m’en fous qu’ils l’acceptent. Je le veux.