Partie 1 : le tumulte du Mordor
La lave, le feu, la peur, la colère. Ces mots tourbillonnaient dans l'esprit de Frodon Sacquet. Il n'arrivait plus à penser à autre chose qu'à l'objet que ses yeux vides et dénués de sentiments fixaient. Un anneau. Si petit. Si fragile. Mais pourtant si destructeur.
La conscience de Frodon détecta la présence d'une silhouette qui se dessinait derrière lui. Ce n'était autre que Sam, son fidèle jardinier qui était bien vite devenu son ami après l'avoir suivi dans sa quête. En cet instant précis, Frodon n'aurait su se rappeler l'objet de ce périple. Il ne voyait plus qu'une seule chose : l'anneau unique qu'il serrait dans sa paume.
Il entendit à peine la phrase que Sam prononça :
- Souvenez-vous, Monsieur Frodon. Souvenez-vous de qui vous êtes, et pourquoi en sommes-nous arrivés là.
Frodon ne réagit pas, mais un souvenir remonta dans son esprit. Il lui sembla l'avoir vécu des millénaires auparavant. Ainsi il revit, pendant un bref instant, la Comté. Il se rappela danser, rire, chanter et même s'amuser avec ses amis. Il pensa même être de retour chez lui.
Mais le poids de la réalité le saisit aussitôt et il se retrouva de nouveau seul, debout au bord d'un précipice, au-dessus de la lave qui s'étendait à ses pieds. Il ne voulait même pas regarder Sam, son seul allié dans la quête qu'il venait d'entreprendre. Non, il voulait profiter de la vision de l'Anneau de Pouvoir, celui que Sauron, son créateur, avait fait forger ici-même, dans la Montagne du Destin. Après tout, il l'avait porté pendant des mois et avait fini par s'y faire. Il lui semblait que seul l'anneau le comprenait vraiment, et que lui seul était digne de le comprendre. Devait-il le détruire ? Beaucoup le lui avaient répété au cours de sa quête. Frodon savait qu'il n'avait qu'un geste à faire pour que l'anneau finisse dans la lave en fusion qui affluait trente mètres plus bas, mais son corps refusait de lui obéir.
Alors qu'il contemplait toujours son précieux fardeau, il n'entendit pas le cri de Sam et fut bientôt renversé par une créature aussi sinistre que maléfique, et aussi sournoise que laide. Ce n'était autre que Gollum, un Hobbit lui aussi corrompu par l'anneau, qui avait suivi Frodon et Sam dans leur quête de destruction de l'anneau. La répugnante créature était ici pour récupérer l'Anneau de Pouvoir, son « précieux » tel qu'il l'appelait. Mais à présent, il était entre les mains de Frodon, et celui-ci était bien décidé à ne pas le partager. Quel qu'en soit le prix. Il poussa un cri de rage en se relevant et batailla longtemps avec Gollum. Celui-ci prit vite l'avantage car Frodon, alourdi par le poids de l'anneau et éreinté à cause de son ascension de la montagne, était vidé de ses forces.
Alors que la situation était désespérée pour le Hobbit, celui-ci passa l'anneau à son index gauche et devint invisible. Cette propriété que possédait l'anneau s'était déjà montré très utile pour Frodon mais après l'avoir passé à son doigt, le Hobbit en subit aussitôt les conséquences : il ressentit la malveillance de Sauron et lutta désespérément pour chasser l'horrible vision de son œil hors de son esprit mais en vain. Il se concentra donc sur sa fuite. Il ne fallait surtout pas que Gollum retrouve son précieux anneau. Il avança péniblement en direction de la sortie de la montagne mais il ressentit bientôt une intense douleur à l'index gauche, celui où il avait passé l'Anneau de Pouvoir.
Il redevint alors visible et se rendit compte que son doigt saignait abondamment. Il vit aussi Gollum, l'anneau dans la main et son doigt déchiqueté dans la bouche. La créature recracha le doigt et susurra :
- Le précieux, nous l'avons récupéré !
En entendant ses paroles, une rage soudaine s'empara de Frodon. Il ne ressentait plus que de la haine, et la volonté de récupérer son bien. Il regarda Gollum d'un regard si noir et empli de haine que la créature frémit et détala, emportant avec lui l'anneau unique. Frodon tenta de le suivre mais c'était peine perdue : Gollum était déjà sorti de la Montagne du Destin. Le Hobbit versa alors d'amères larmes en s'écroulant au sol. À présent dépossédé de l'anneau, son esprit redevenait plus clair et il comprit soudain la gravité de la situation : il avait échoué. L'anneau n'avait pas été détruit.
Sam accourut près de Frodon, la mine grave. Il avait sans nul doute vu toute la scène. Il lui affirma pourtant en tentant de sourire :
- Ne vous ne faites pas, monsieur Frodon. Ce n'est pas le moment de flancher. Il faut partir à la recherche de Gollum.
Frodon, vidé de ses forces, se força à se relever, épaulé par Sam, et lâcha dans un souffle :
- Tu as raison, allons-y.
Les deux Hobbits sortirent alors de la Montagne du Destin et remarquèrent avec étonnement que tous les orques s'étaient rassemblés vers la Porte Noire du Mordor, seul moyen d'entrer dans la domaine de Sauron, si on exceptait le tunnel qu'avaient emprunté Frodon, Sam et Gollum pour s'y rendre. Ils avaient d'ailleurs failli se faire dévorer vivants par une araignée, ce qui n'aurait pas déplu à la sournoise créature. En pensant à Gollum, les poings de Frodon se resserrèrent. Il fallait en finir au plus vite. Ils profitèrent donc de l'absence d'orques pour commencer leur descente de la montagne. Ils tombèrent à plusieurs reprises, l'obscurité ne leur permettait pas de voir devant leurs pieds et la roche tranchante et glissante les faisait glisser presque à chaque pas.
Quand enfin ils arrivèrent en bas de la montagne, se dirigèrent vers leur seul échappatoire, la Porte Noire, car le tunnel qu'ils avaient emprunté les hantait de terrifiants souvenirs qu'ils n'étaient pas prêts à revivre. Ils avancèrent lentement jusqu'à arriver derrière deux orques en retrait. Peut-être voulaient-ils ne pas combattre ? Peu important à Frodon, pour qui les créatures parurent encore plus terrifiantes que d'ordinaire. Le Hobbit se garda bien de regarder leurs visages mais il remarqua néanmoins que tous les orques avaient les yeux fixés vers la Porte.
Frodon profita de ce moment d'inattention pour lancer une pierre de toute les forces qui lui restaient sur la tête d'un des deux orques en retrait, qui avait commis l'erreur d'enlever son casque, ce qui eut pour effet de le tuer. Sam fit de même sur le deuxième orque et ils se hâtèrent de récupérer les armes et les casques posés aux pieds de ceux-ci. Ils n'avaient pas besoin de voler leurs armures puisqu'ils en portaient déjà après avoir utilisé la même ruse pour parvenir à la Montagne du Destin. Ils enfilèrent l'attirail et se rangèrent dans les troupes tout en avançant lentement mais sûrement jusqu'à l'orque en tête de file, que Frodon reconnut comme l'orque que l'on nommait « Bouche de Sauron ».
Les deux Hobbits penchèrent alors la tête pour voir de plus près ce que les orques regardaient. Le cœur de Frodon rata un battement quand il vit une silhouette entièrement vêtue de blanc qui n'était autre que celle de Gandalf, le magicien blanc. A ses côtés se trouvaient Aragorn, l'héritier du Royaume de Gondor, Legolas, l'elfe du Royaume Silvestre et Gimli, le nain. Tous les quatre faisaient partie des compagnons qui l'accompagnaient dans sa quête de destruction de l'anneau. Il vit même ses amis Hobbits Meriadoc Brandebouc et Peregrin Touque qui se dressaient fièrement aux côtés de leurs compagnons. Frodon se demanda l'objet de leur présence puis comprit vite qu'ils essayaient de créer une diversion pour laisser le champ libre à Frodon et Sam dans leur ascension de la montagne pour détruire l'anneau. Le Hobbit repensa alors à son échec cuisant et imagina leur déception quand il le leur annoncerait.
Bien décider à tirer ses amis des risques qu'ils avaient pris pour lui, Frodon donna à sa voix une intonation grave et rocailleuse, et murmura à l'oreille de la Bouche de Sauron :
- Il faut leur faire rebrousser chemin. Pas besoin de les attaquer, il faut nous concentrer sur la Montagne du Destin, le Grand Œil la fixe depuis un bon moment déjà. Le porteur de l'anneau y est sans doute déjà, et nous devons être nombreux pour l'arrêter. Qui sait ce qu'il pourrait nous faire, avec l'Anneau de Pouvoir en sa possession ? Inutile de perdre des guerriers face à ce pathétique Magicien et sa troupe.
Frodon grimaça. Il savait qu'il n'aurait pas pu repousser les orques avec l'anneau, mais eux ne connaissaient pas les propriétés de l'arme et la craignaient. Sans doute voudraient-ils être le plus nombreux possible.
Son argument fit mouche, car après avoir longuement réfléchi, la Bouche de Sauron hocha la tête et dit à Gandalf, un rictus aux lèvres :
- Déguerpissez ou mourrez.
Voyant que le Magicien hésitait, Frodon leva discrètement son pied de façon à ce que Gandalf le voit. Les Hobbits possédaient des pieds particulièrement grands et poilus. Ils marchaient aussi pieds nus, ce qui les différenciait de certains peuples de la Terre du Milieu. Frodon espérait que Gandalf le remarquerait.
Le Magicien sembla comprendre la ruse car il fit un signe de tête à ses compagnons qui signifiait sans doute « repli ». Non sans protester, les compagnons se détournèrent et partirent en direction de Minas Tirith, la cité principale du Gondor situé face au Mordor. Les troupes orques, elles, rebroussèrent chemin vers l'intérieur de leurs terres, pour se rendre vers la Montagne du Destin.
Avant que la Bouche de Sauron n'ai pu faire quoi que ce soit, Sam ramassa une pierre et le frappa discrètement à la nuque pendant que les autres orques couraient déjà vers la Montagne. Frodon rattrapa le corps avant qu'il ne tombe et le déposa délicatement au sol pour produire le moins de bruit que possible.
Les deux compagnons partirent ensuite en courant derrière Gandalf et les autres avant que la Porte Noire ne se referme et que les autres orques s'aperçoivent de leur fuite. Le magicien ralentit l'allure de Gripoil, son cheval, et laissa les deux Hobbits monter avec lui. Gandalf leur intima de se reposer et Frodon ferma les yeux, bercé par le bruit des sabots du cheval. Il remercia intérieurement le Magicien les laisser se reposer, sans leur poser de questions pour l'instant.
Arrivés devant Minas Tirith, ils retrouvèrent leurs autres compagnons. Ils descendirent de Gripoil à la suite de Gandalf et ôtèrent leurs casques pour que leurs amis les reconnaissent. Frodon se prépara alors à recevoir toutes les questions de ses amis, qui fusèrent de tous côtés :
- Vous allez bien ?
- Avez-vous réussi à détruire l'anneau ?
- Comment vous y êtes-vous pris ?
Frodon ne répondit pas et remarqua les soldats blessés autour d'eux. Il leva un regard interrogateur vers Gandalf, qui comprit l'objet de son questionnement et lui expliqua qu'un affrontement terrible avait eu lieu pendant qu'ils était au Mordor. Frodon vit des femmes veuves pleurer leur mari et des enfants qui gémissaient dans leurs bras. Son cœur se serra devant tous ces gens malheureux.
Il fut tiré de son observation par Peregrin Touque, que tout le monde appelait Pippin, qui s'écria :
- Frodon ! Qu'est-il arrivé à ton doigt ?
Frodon baissa la tête et la vue de son doigt en sang lui rappela tous les évènements qu'il venait de vivre ses dernières heures. Il fut assailli par la culpabilité et la fatigue et s'écroula au sol, à peine conscient. Il entendit Sam réclamer le silence et des soins puis des étincelles noires dansèrent devant ses yeux et tout devint sombre.
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