Chapitre 3
Elle s'approcha doucement de nous, en se tenant fermement à sa canne pour ne pas tomber. En me voyant, son visage se mit à s'adoucir. Mais ce moment fut de courte durée, elle avait le regard fixe et me dit, d'une voix tremblante et pleine de tristesse :
-Mon chéri...
Avant qu'elles ne puissent en dire davantage je l'ai harcelée d'une foule de questions.
-Maman, ça va ? Où est Anna ? L'a-t-on retrouvée ?
Ses yeux s'emplirent de larmes, elle avait l'air terrassée, son regard trahissait un grand manque de sommeil, de profonds cernes s'étaient installés sous ses yeux brun clair. Elle me répondit avec une grande difficulté, une forte émotion était présente à chacun de ses mots :
-Je n'ai rien pu faire, il me l'a arrachée des bras ! Il semblait habité par le diable, ses yeux étaient emplis de sang et de haine, j'aurais dû l'en empêcher, je l'ai laissé prendre mon bébé...
Elle répétait ces mots inlassablement, masquant son visage entre ses mains. Elle s'accablait, prenant l'entière responsabilité de ce qui s'était passé. Dans un élan de compassion et d'un geste de profonde tendresse, Wendy prit ma mère entre ses bras. En enfouissant sa tête dans le gilet de mon amie, elle bredouilla quelques mots encore :
-Tout est de ma faute, j'aurais dû la protéger....
Elle éclata alors en sanglots, et étouffa sa tristesse et ses larmes dans l'étreinte chaleureuse que lui offrait Wendy.
Je me sentais si impuissant, j'aurais aimé avoir de l'espoir à lui offrir, n'importe quoi qui pourrait apaiser sa peine, j'avais toujours eu horreur de la voir pleurer. Je lançai un simple « maman » ... qui disparut entre deux sanglots.
J'aurais aimé avoir également un simple début de piste, quelque chose à exploiter. Au lieu de ça, je me trouvais dans une chambre à me faire bichonner pendant que ma sœur était à la merci d'un psychopathe. Je n'avais aucune idée de son mobile et c'est sans doute ce qui me faisait le plus peur. Je me sentais abattu, dépourvu de toutes forces, mais je devais trouver quelque chose, pour ma mère et surtout Anna ma petite sœur qui me manquait terriblement.
Wendy mit tout son cœur pour tenter de la rassurer comme elle pouvait, mais rien ne pouvait l'apaiser. Je devais trouver quelque chose... N'importe quoi !
Jack me regardait d'un air abattu, malgré son côté brut, il abritait un grand cœur, dissimulé derrière une montagne de glace, inviolable. Il ouvrit la bouche comme pour me donner la solution miracle, mais il se ravisa et plongea son regard dans le vide. Mes amis n'étaient pas plus avancés que moi, malgré leur dévouement, et toute leur bonne volonté ne pouvait rien changer à la situation. Il y avait pourtant bien quelque chose, un détail qui m'aurait échappé ?
Je me mis à réfléchir, à faire défiler les événements quand un souvenir très important me revint. Je fis soudain le lien entre les anneaux :je glissai difficilement la main dans ma poche pour récupérer celui qui avait été laissé consciemment dans la chambre de mes parents et constatai qu'il n'y était plus. Cet anneau n'avait pas été déposé par là par hasard, c'était un message, il ne me restait plus qu'à trouver ce que cela pouvait bien vouloir dire.
Jack fut le seul qui remarqua mon agitation, il entama le dialogue.
-Mais qu'est-ce qui te prend ? Arrête de faire le têtard, tes blessures ne sont pas encore complètement refermées !
Je ne relevai pas son commentaire mais enchainai :
-Jack, où sont mes vêtements ?!
Il me regarda interloqué et prit quelques secondes avant de me répondre :
-Euh... dans la buanderie il me semble, ces derniers jours ça a été le foutoir, on a été interrogés par les flics qui voulaient savoir ce qui s'était passé avant l'incendie et lors de ton escapade dans les bois.
Jack s'approcha jusqu'à être au plus près de mon lit, faisant à nouveau grincer la chaise sur le sol. Ma mère ne porta aucun intérêt à ses agissements et continuait de pleurer, pendant ce temps Wendy continuait de lui procurer autant de réconfort qu'il était possible.
Mon amie se trouvait dos à moi, j'observais sa longue crinière blonde qui lui arrivait en bas du dos pendant qu'elle réconfortait ma mère.
Jack claqua des doigts pour me faire revenir à la réalité et poursuivit en chuchotant :
-On leur a tout raconté mais ils n'avaient pas l'air convaincus. Le shérif est venu en personne pour te poser des questions.
-Ils ?
-Ouais, lui et un flic qui n'est pas du coin. Il était fringué comme un cow boy et posait des questions sur ton père, je l'ai trouvé vraiment louche. Voyant que tu ne te réveillais pas ils nous ont laissé leur carte et nous ont demandé de les appeler à ton réveil.
-Qu'est-ce qu'un flic qui n'est pas de la région peut bien faire hors de sa juridiction. Pourquoi s'intéresse-t-il à une affaire d'enlèvement ?
-Tu as raison, c'est louche, est-ce qu'ils ont pu trouver des preuves, ou quelque chose ici ou dans la forêt ? Quelque chose qui nous permettrait de retrouver ce...
Je retins mes mots : la colère se mit à monter, je lui en voulais, et je m'en voulais d'avoir été si faible. J'aurais dû la récupérer dans ses bois.
Je pris une grande inspiration pour tenter de me calmer, cela ne me servait à rien de me lamenter, ça ne ramènerait pas ma petite sœur.
Jack me sortit de mes pensées en tapotant sa main sur mon épaule, un geste amical qui témoignait de notre grande amitié.
-Ça va aller, on va la retrouver ! Dis-moi pourquoi tu cherchais tes vêtements ?
L'image de l'anneau me reconnecta à la réalité. Dans un élan de motivation j'ancrais mes mains sur les épaules de mon camarade :
-Jack ! Dans la poche de mon pantalon tu trouveras un petit anneau doré, rapporte-le-moi ! je l'ai trouvé dans la chambre de ma mère pendant l'incendie. Je pense qu'il est la réponse à nos questions.
-Ok je vais le chercher, bouge pas !
J'eus à peine le temps de terminer ma phrase que Jack s'élança à vive allure et disparut un instant plus tard. Je me redressai dans le lit en prenant appui sur mes mains. De toute façon vu mon état actuel je ne vois vraiment pas comment j'aurais pu faire pour partir.
Ma mère sortit alors sa tête des bras de Wendy et me regarda avec insistance, elle semblait avoir repris vie.
-Cet anneau doré que tu as trouvé, comment était-il ? Y avait-il de petites inscriptions gravées dessus ?
Son regard avait repris de l'intensité, mes derniers mots l'avaient comme réactivée, elle ne semblait plus être en proie à la tristesse.
-Euh oui il me semble..., répondis-je d'un air étonné.
Mes mots semblaient l'avoir profondément atteinte, ses yeux se remplirent de colère, son visage se marquait des rides de souffrance.
A chaque seconde qui passait, je la voyais passer de la colère à la haine, se pourrait-il qu'elle sache ce que l'anneau représentait ? Avant que je ne puisse lui poser la question un homme fit irruption dans la pièce, et une longue cicatrise lui barrait le visage.
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