Chapitre 11

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( Nathan)

Ma mère cessa de pleurer et se concentra sur cette sirène, nous nous demandions ce que cela pouvait bien être. Avaient-ils finalement réussi à attraper le kidnappeur ? Je mempressai de découvrir ce qui se passait, je mapprochai du bord de la falaise et scrutai le lieu d'où provenait toute cette agitation, des voitures de police garées quadrillaient la place du village. Mon regard fut attiré par la horde de villageois regroupés en rond autour de quelque chose. Les policiers se mirent à installer des rubans de scènes de crime comme on en voit dans les films. Il fallait que je sache ce qui se passait. Le cur plein d'angoisse, je laissai ma mère après avoir pris longuement pris soin delle et lui avoir promis de revenir très vite, et surtout en un seul morceau, et jaccourus au centre du village. Les paroles de ma mère résonnaient encore dans ma tête.

Je devais également découvrir ce que Kate avait à voir dans cette histoire. Je dévalai la colline à vive allure et arrivai non loin du marché. Je marrêtai un instant, observant les voitures de police, des inspecteurs étaient accoudés sur leurs voitures, fumant leur cigarette tout en bavardant. Je fus surpris par une voiture qui claxonna et me pria de mécarter de la route. Cette voiture ressemblait fort au véhicule dun légiste, cela naugurait rien de bon. Je mécartai de la route, son conducteur fit un bref signe, accompagné d'un sourire pour me remercier. Je le laissai passer et m'approchai de la scène. Mon angoisse samplifia, jimaginais déjà le pire, je priais pour ne pas retrouver le petit corps dAnna allongé sur le sol. Pétrifié par lignorance qui allait me rendre complètement fou, je devais en savoir plus. L'homme sortit de sa voiture et s'approchai de la banderole, muni de sa mallette de travail. Il savança dune démarche assurée et fit un signe. Un policier en charge de la surveillance lui éleva la bande pour qu'il puisse passer. Il traversa prestement et lautre rabaissa la banderole juste derrière lui et se remit en place, bras croisés.

Ce jour-là, il pleuvait des cordes, mon imperméable semblait peser des tonnes, j'observai attentivement la scène, espérant entrevoir un indice qui me permettrait de comprendre ce qu'il se passait. Il y avait beaucoup de monde autour de la place, ce qui n'était généralement pas le cas en cette saison. Je limaginai sans cette foule et l'armée de policiers ayant balisé la zone. Je me rappelais la fine brise du mois de juin me caressant le visage, les enfants jouant à se courir après, les petites filles isolées dans leur coin représentant leur ami imaginaire à la craie sur le sol, les odeurs des produits de première qualité inondant les étals du marché, les odeurs d'épice et de poisson frais, ces odeurs qui se mariaient à la perfection se mêlant à l'air.

Je laissais mon esprit semplir de ce sentiment de chaleur, de paix intense qui vint s'ajouter à une sensation de sécurité, cette ambiance délia les liens protecteurs de mon cur. En cet épique moment de gaieté, je m'autorisai à laisser tomber ma carapace un instant afin de profiter de ce somptueux spectacle, ce cadre merveilleux presque irréel. Je fus éloigné de cet univers paisible dans lequel je m'étais refugié par le grondement du tonnerre qui éclata au-dessus de ma tête. Cet éclair majestueux se propagea instantanément dans le ciel et disparut presque aussi vite. Je fis rapidement le tour du périmètre, cherchant une faille qui me permettrait de me faufiler à l'intérieur, mais sans résultat. En revenant sur mes pas, abattu et exténué, jinterceptai une conversation entre deux vieilles dames, la plus grande d'entre elle était vêtue d'une longue robe épaisse et chaude de couleur aubergine, recouverte dune sorte de gilet en peau danimaux, qui appartenait encore sûrement à son propriétaire il y a peu, elle essayait difficilement de maintenir son parapluie mauve au-dessus de leurs têtes.

Quelle idée de se trouver dehors par un temps pareil ?

La plus petite des deux qui semblait frigorifiée, emballée dans son gilet en laine, entama la conversation.

-Mais qui diable pouvait il s'en prendre à ce pauvre Mr Doug ? Il était si doux et si tendre et surtout ne faisait de mal à personne ? dit-elle d'une voix tremblante laissant pleinement la tristesse la dévastée.

- C'était sûrement un voleur cupide et sans cur convoitant la bourse de ce malheureux, répondit la taxidermiste en chef.

Au même moment, une autre femme arriva d'un pas rapide, l'inquiétude se lisait sur son visage légèrement ridé ; elle accourut dans notre direction, en serrant les deux tenants de son veston et demandant à chaque passant ce qu'il s'était passé, sans succès. Elle passa brièvement à côté de moi, une forte odeur de lilas semblait lui coller à la peau, elle continua son chemin d'un pas déterminé et finit par arriver à hauteur des deux vieilles dames. Elles se mirent à la fixer avec insistance, lexpression de leurs visages semblait composé de pitié de compassion mais surtout d'une grande tristesse. La plus odorante s'approcha du binôme, bien décidée à comprendre cet intérêt étrange quelles lui portaient, engagea la conversation avec une grande franchise :

- Pourquoi me fixiez-vous ainsi Mme Smith ? dit-elle en apposant fermement ses mains sur ses hanches.

Le second membre du binôme observa la concernée comme si elle seule pouvait trouver le moyen d'arranger la situation sans trop de dégâts, et continua ainsi quelques instants avant de scruter le sol à la manière d'une autruche se cachant la tête dans le sable dans l'espoir de ne pas être vue.

Mme Smith prit une grande inspiration afin de se préparer à lui annoncer la douloureuse nouvelle, essayant tant bien que mal de préparer ses mots afin de ne pas l'anéantir sur place.

- Il ne faut pas voiler la face : il n'y pas de façon noble d'annoncer ce genre de nouvelle, dit la plus petite du groupe.

La femme commença à s'impatienter, Mme Smith prit son courage à deux mains et se lança :

-Annie, il y a une chose que je dois vous dire...

Ce prénom résonna dans ma tête, une ribambelle de souvenir défila sous mes yeux. Ce nom et l'odeur que j'avais précédemment sentie sur elle firent l'effet d'un tsunami, je me mis à me souvenir d'un tas de choses. Cette Annie était la femme de Douglas, l'historien, le professeur et depuis peu retraité avec qui javais passé une bonne période de mon enfance.

Vous vous demandez sûrement comment j'ai su tout cela. Ou peut-être pas ? Mais je vais quand même vous le raconter.

Douglas était un homme très charismatique et surtout très intéressant ; durant sa vie il eut l'occasion de beaucoup voyager, il me raconta bon nombre de ses voyages. Tout nétait sûrement pas vrai mais peu importe, j'étais fasciné par toutes ces histoires, elles nourrissaient à coup sur mes besoins d'aventure. Je fis sa connaissance lors d'une soirée organisée par ma famille. Nous invitions souvent du monde chez nous, nous étions très festifs, et nos soirées étaient réputées les meilleures de la région nous recevions pas mal de monde de tous les milieux : de riches hommes d'affaire mais également des ouvriers, les habitants du village y étaient également souvent présents. Il arrivait même que des gens venant des quatre coins du monde y participent.

Je commençais à me demander si toutes ces fêtes navaient pas un but précis lié à son travail.

Chez nous, il n'y avait pas de code ni de conduite spécifique à tenir :tout le monde était sur un pied d'égalité, festoyant dans la joie et la bonne humeur. L'autre attraction phare de nos soirées était Jason « lami » de mon père, qui ne pouvait s'empêcher de se faire remarquer par ces tours et ses plaisanteries douteuses. Il y avait quelque chose de malsain chez lui, je l'avais toujours su , mais ça ne m'empêchait pas d'être en excellents termes avec lui. Je naurais jamais pu penser quil puisse un jour en arriver là Il y avait également le boucher, un grand ami de la famille, et sans oublier mes amis sans qui je ne serais rien, mais bref je m'égare, revenons à notre très cher Doug, fin.. Devrais- je dire notre regretté Doug. Pendant des années il me conta ses récits, il connaissait un rayon sur les civilisations au fil des âges et leurs coutumes. Je lui rendais régulièrement visite dans sa maison, située au sommet d'une cote près du marché. Elle était remplie d'objets obtenus lors de ces voyages, à proprement parler, ça ressemblait plus à un musée qu'à une maison.

Doug passait le plus clair de son temps dans son bureau, à étudier des manuscrits et à réaliser des maquettes de bateau. Les murs de son bureau étaient recouverts de photographies et de cartes du monde. Le monde, il était si vaste et ne demandait qu'à être exploré, il y avait tant de lieux inconnus où personne n'avait jamais mis les pieds et bon nombre de citée oubliés, ne demandant qu'à être retrouvées et dévoilées au grand jour, pour la plus grande joie du public.

Ses étagères étaient pleines de livres, la plupart portait sur l'archéologie, mais également sur la navigation, la médecine et d'astronomie. Il était très cultivé et avait un champ de connaissances très varié.

Jaimais également lui rendre visite pour observer le village grâce à son télescope, Je regardais les jeunes lié par l'amour se promenant insouciant le long des chemins et les parents regardant leur enfant s'amuser sur la place publique, les yeux pleins dEtoile remerciant le ciel de les couvrir de tant de bonheur. Depuis celui-ci, je pouvais aussi y apercevoir ma maison. Les photos accrochées au mur, tout autour de la pièce, étaient sa fierté, la preuve dune existence bien remplie ; cétait son bonheur, il lui arrivait de venir ici se repaitre de tous ces souvenirs quand il avait le cafard.

Sur certaines de ces photos apparaissait mon père en compagnie de Doug et d'une bande de vieux chnocks, sûrement des historiens en quête d'aventure. Javais du mal à imaginer mon père hors de son costard cravate et sans sa mallette fétiche. Je ne lavais jamais mis mon sur un pied d'éstale ni même pensé à lui des étoiles plein les yeux ; la vérité est que je ne ladmirais pas ; je le trouvais très renfermé et surtout très ennuyeux. Il était souvent en voyage d'affaire, en vérité je ne le connaissais que très peu. Je l'imaginais simplement parcourant le globe, essayant de vendre je ne sais quoi à je ne sais qui, c'est sûrement pour cela que je passais pas mal de temps chez Doug. Il était sans doute le semblant de père le plus convaincant que je possédais. Nous discutions souvent ensemble des heures durant.

Sa femme Annie nous préparait souvent de délicieux gâteaux et de rafraichissantes citronnades dont elle seule possédait le secret, une odeur de lilas vagabondait constamment dans la maison. Je me rappelle mêtre habitué rapidement à cette odeur parfumée.

Je fus ramené à la réalité par les cris dAnnie qui était à présent accroupie sur le sol, trempé :elle finit par éclater en sanglot. Elle marmonna difficilement quelques mots.

Je crus lentendre bredouiller : pourquoi lui ? Il est vraiment mort ? Ce n'est pas possible !

Elle recouvrit sa bouche à l'aide de ses mains comme pour contenir ces émotions, pour les empêcher de prendre le contrôle de son être.

Les deux femmes la regardèrent immobiles. Elles étaient comme figées, la bouche grande ouverte, ne sachant que faire ou que dire pour alléger sa peine.

Le ciel continua à déverser un torrent de larmes, comme pour accompagner Annie, comme pour partager sa tristesse.

Je restai figé quelques minutes en observant cette scène qui ressemblait fort à un chef d'uvre d'une pièce de théâtre d'art dramatique. Quand, à ma grande surprise, elle se releva et se dirigea en direction de la banderole de police d'un pas déterminé.

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