Chapitre 20

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Les noces sanglantes ‘ 

Ma fille blottie dans mes bras, je me délectais de ce sentiment de bonheur qui me parcourait. Je n’imaginais pas toute la souffrance qu’elle pouvait bien cacher, comment avais-je pu la laisser seule ainsi. Je ne supportais pas les larmes qui coulaient des yeux de ma vie, ces mêmes larmes que j’avais moi-même provoquées. Je devais cesser de lui mentir. J’allais lui raconter toute mon histoire, je lui devais la vérité. Je rassemblais mes esprits et préparai mon discours pendant que je regardais le temps se dégrader par la fenêtre. Au dehors le vent se déchainait contre les branches des arbres, qui se contorsionnaient dans tous les sens, c’est comme si la planète avait ressenti toute cette souffrance, et la libérait à sa façon. J’avais une sorte de pressentiment, une impression désagréable que quelque chose d’horrible allait bientôt se produire. Une tempête approchait et avec elle sûrement une vague d’évènements désagréables. Le vent se mit à frapper fort contre le carreau de la chambre et faisait grincer le plancher. J’étais peut-être folle mais je compris qu’il m’invitait à commencer, à tout déballer Je caressai la douce chevelure dorée dorés de Wendy, pris une profonde inspiration et lui racontai ce qu'elle avait fait deux semaines plus tôt et toute cette histoire depuis le début.

-Un jour pendant l’un de mes déplacements, j’ai découvert par le biais d’un de mes informateurs l’existence d’un vieux manuscrit indiquant où trouver la statuette du roi Ming, un roi qui avait régné sur la Chine pendant près d’un siècle. Nous avions perdu sa trace depuis des milliers d’années. Je n’avais pu résister à cette information et le jour même je me suis envolé pour la Chine. Je vais te raconter l’histoire de cet objet pour que tu puisses mieux comprendre ce qui m’a poussée à partir à sa recherche.

Wendy m’observait sans un mot avec des grands yeux, les mêmes que j’avais pu apercevoir pendant que je lui racontais des histoires pour l’endormir durant son enfance. Elle semblait impatiente de comprendre.

Je rassemblai mes esprits et lui contai l’histoire de la princesse Yukina et de son funeste destin.

              -Alors l’histoire raconte que ce roi possédait une énorme statue de dragon uniquement constituée de jade, elle valait une fortune, elle lui fut offert un cadeau par l’empereur lui-même. C’était un présent en guise de remerciement, il était très heureux d’avoir pu obtenir la main de la fille du roi. On racontait que cette femme était d’une beauté incomparable, faisant perdre la tête à quiconque qui oserait la contempler.

Au sens propre comme un sens comme au figuré ! m’amusai-je.

       - Le roi était paranoïaque, il faisait tuer quiconque lui adresserait la parole ou qui salirait son honneur en colportant des ragots. Sa fille était tout pour lui et il n’avait de cesse de l’exprimer en lui rendant la vie très difficile. Il ne voulait pas qu’elle se mélange au sujet de son royaume, il disait qu’elle était une princesse et donc était noble et ne devait pas se mélanger avec la populace.

Elle eut donc un professeur particulier qui fit entièrement son éducation, elle avait également une armée de servantes, pratiquait tous les arts martiaux, jouait de plusieurs instruments et  peignant de somptueuses peintures qui aujourd’hui couvraient d’or quiconque aurait la chance d’en posséder une. Des toiles pleines de génie et de sentiment, elles étaient mélancoliques pour la plupart. Elle dessinait souvent des paysages, ceux qu’elle aurait aimé fouler pendant sa triste vie. Son père avait tout mis en œuvre pour qu’elle ne manque de rien et qu’elle n’ait jamais à s’éloigner de l’enceinte du château. Malgré toutes ces choses qu’on lui apportait, elle restait triste, torturée en permanence. Elle n’avait pas le droit de s’éloigner du château sans une lourde escorte personnelle constituée de plusieurs guerriers les plus aguerris. Pendant les rares  sorties loin des murs de sa prison dorée, ses gardes l’accompagnaient partout, même pendant qu’elle faisait ses courses au marché qui se trouvait dans l’enceinte du château. Le comportement des villageois à son égard la rendait malheureuse. A chacune de ses sorties elle les voyait baisser les yeux, la terreur se lisait sur leur visage. Dans son dos elle  entendait murmurer, comploter. Les yeux en disaient long sur les gens, elle pouvait ressentir, la peur la jalousie, et même la tristesse. Elle avait un très grand cœur et était dotée de beaucoup d’empathie. Les voir la regarder ainsi lui brisait le cœur, elle aurait aimé être moins bien née, qu’il en soit autrement.

  Même les commerçants, chez qui elle allait chercher des matériaux pour ses peintures, semblaient  effrayés, l’influence et la cruauté de son père lui collaient à la peau, ils choisissaient chacun de leurs mots pour ne pas finir comme tous ceux qui avaient osé la salir. Les rares personnes qui en firent l’expérience, ne revinrent jamais. Les villageois interceptaient seulement des rumeurs, des bruits de couloir plus macabres les uns que les autres.  Une grande partie de sa vie se déroula ainsi.

Même si parfois elle réussissait à tromper la vigilance de ses gardes et à s’enfuir pour profiter de la vie en ville et pouvoir ressentir, revivre, avoir un semblant de vie normale via toutes ces attractions qui lui étaient habituellement étrangères. Tout comme pour Cendrillon tout cela était éphémère, elle prenait soin de rentrer avant que soleil ne se lève. Lors d’une de ses escapades nocturnes, elle rencontra un charmant jeune homme du nom de Yato, doux et attentionné ; à travers ses yeux, elle se sentait importante, unique. Il la faisait se sentir vivante, l’espace d’une nuit elle était une vraie femme. C’était au bord d’une rivière, où se reflétaient les témoins du crépuscule, qu’elle fit sa connaissance, ils passèrent des heures à discuter, à contempler la pâleur de la lune entourée de ses milliers d’étoiles.

Dans la prunelle de ses yeux de jade, elle oubliait sa vie, sa souffrance. Yato était un beau jeune homme d’une vingtaine d’années, qui la faisait frissonner à chacune de ses entrevues, dans ses bras musclés, elle était heureuse. Chaque soir, elle vivait un conte de fée, il lui faisait visiter les jardins du royaume, où résidaient des fleurs aux mille senteurs. Un lieu idyllique où leur amour  était préservé.

C’est un beau soir d’automne qu’il l’avait embrassée pour la première fois, c’est ce jour-là qu’elle avait connu l’amour. Leur relation était pure, celle que nous recherchons tous désespérément. Un amour loin de toute sorte de souffrance, l’union de deux êtres dans une parfaite symbiose.

Il était fils de marchand, et par son statut n’aurait jamais l’honneur d’être un prétendant, et ne pourrait donc jamais vraiment avoir la femme qui faisait battre son cœur avec tant de passion et venait bercer d’une douce musique chacune de ses nuits, les battements de son cœur s’accordant merveilleusement à la mélodie du bonheur.

Chacune de leurs rencontres, la frénésie de leurs sentiments les élevaient au-delà de cet univers dans un royaume ou l’amour est le seul régisseur.

Mais à chaque fois que l’aurore venait les effleurer, cette magie prenait fin et chacun s’en retournait à son quotidien. C’était ses seuls véritables moments de bonheur apportant une touche de joie à son quotidien qui était si morose.

Elle entretint une relation secrète avec ce garçon, elle vivait un grand bonheur, elle était actrice d’un vrai conte de fée et Yato était son prince  :cela dura une année entière jusqu’à l’arrivée de l’empereur vint détruire tous ses espoirs.

C’est lors d’une réception qu’elle le rencontra, les fêtes de l’empereur étaient réputées mondialement, c’est lors de ces évènements que se rassemblait la quasi-totalité de l’aristocratie chinoise. Pour cette occasion les meilleurs maïs y étaient  envoyés, des aliments venant des quatre coins du monde y avaient été rassemblés. Cet homme aimait être admiré et respecté.  Pour l’arrivée de l’empereur, son père avait mis les bouchées doubles, le royaume avait été transformé en une véritable usine. Des navires en provenance de tous les continents emplissaient les quais. Chacun des artisans du royaume travaillait jour et nuit pour que cette soirée soit absolument parfaite.

A son arrivée qui ne fut pas des plus discrètes, leurs regards s’étaient instantanément croisés, en une fraction de seconde elle lui avait fait chavirer le cœur. En cet instant, il sut qu’il en ferait sa femme, il   la trouvait si belle, un tantinet rebelle. Elle possédait un corps de déesse, chacune de ses courbes étaient sinueusement parfaites, sans une once de graisse. Chacun des traits de son visage lui rappelait l'image qu'il se faisait d'une princesse. Son fond de teint, d’un blanc pur, la faisait ressembler à une poupée de porcelaine. Sur ses pommettes d’une couleur rouge- rose la faisait ressembler à une déesse. Ses sourcils étaient parfaitement taillés, ses yeux noisette étaient surlignés par une fine couche de Eye liner. Ses cheveux brillaient d’un noir étincelant comme la nuit.  Elle portait une longue robe d’un blanc immaculé, parsemée d’une touche de rouge et ornée de petites pierres précieuses dorées, disséminées sur les contours arrondis du bas de sa robe, qui s’étalait sur le sol.  Il la contempla tout le long de la soirée et se décida à la rejoindre, après qu’elle eut accueilli personnellement chacun des invités. Il s'approcha d'elle lentement tout en dégustant sa boisson d’alcool de riz servie dans une coupe en or incrustée de pierres précieuses.

Il engagea la discussion lui parlant de lui, de sa famille, à quel point il était craint et respecté et que son influence s’étendait sur bien des royaumes. Un pur egocentrique première génération.

A ses mots Wendy se mit à rire et posa sa tête contre mon bras tout en souriant.

Pendant son monologue qui s’éternisait plus que de raison, elle fit mine de l’écouter pour ne pas lui manquer de respect, quand on était fille de roi les apparences faisaient tout. Elle l’écouta ainsi des heures durant, sans pouvoir dire un seul mot, l’empereur aimait s’écouter parler, cet homme la répugnait, elle devait garder son sang-froid en toutes circonstances, être zen, ne jamais s’emporter car cela pouvait avoir de répercussions politiques très graves ; elle jouait la réputation et l’avenir de sa famille à chaque instant, elle se contenta donc de sourire et de hocher la tête comme sa mère le lui avait appris. Oh, elle savait ce que c’était d’être une princesse, les faux semblants et les sourires forcés étaient le plus gros de ses attributions. Elle suivit mot pour mot chacun des conseils de sa mère. « Fais mine d’écouter, tais-toi et souris. » Tels étaient ses enseignements.

Au cours des mois qui suivirent, l’empereur demanda à plusieurs reprises la main de la fille du roi. Il envoyait sans cesse des cadeaux dont elle n’avait que faire. Il fit transmettre à ses messages des malles pleines de vêtements à la pointe de la mode mais aussi des bijoux de grande valeur, qui sont estimés aujourd’hui à plusieurs millions de dollars. À chaque fois que ses servantes lui tendaient un nouveau présent, elle les jetait les uns après les autres dans ses tiroirs.  Elle le savait, elle devrait un jour se décider à épouser l’empereur et ainsi sa famille vivrait dans le luxe et en toute sécurité. La préservation de son royaume par l’armée de l’empereur, cela servirait les ambitions de son père qui pourrait par la suite devenir le nouvel empereur. Elle n’avait pas d’autre choix, Yukina n’avait que pour seul désir que de rejoindre son Roméo et filer vers le soleil couchant, sans même jeter un coup d’œil derrière elle, ce qui anéantirait sûrement tous les espoirs de grandeur de son père et ferait beaucoup souffrir sa famille.  Que devait-elle faire ? Cette question l’angoissait, les jours passèrent sans qu’elle ne trouve de solution, et quelques jours plus tard une nouvelle arriva et vint piétiner tous ses rêves.

La date du mariage avait été proclamée, tout le royaume avait déjà eu vent de cette rumeur, les tailleurs se mirent à travailler sur de nouvelles tenues pour cet événement unique, les cordonniers en firent de même. Les bijoutiers exhibèrent leurs plus belles œuvres, espérant que l’une d’elles se retrouve sur la princesse et apporterait  la notoriété et la richesse à laquelle il aspirait.

Un climat festif tomba sur le royaume, le roi faisait tout son possible pour que tout soit prêt à temps. Il dépensa une fortune en nourriture et alcools les plus raffinés, il fit venir les meilleurs cuisiniers du monde entier pour qu’ils préparent leur spécialité aux invités. Mais aussi des musiciens des comédiens, même des artificiers, un architecte, des décorateur italiens. Il réalisa une grande prouesse en convaincant le plus grand couturier du monde « Enzo Vespucci » à qui il demanda de confectionner une robe époustouflante pour sa fille, une robe dont on parlerait encore des siècles plus tard.

Chaque jour était un calvaire pour elle, au fur et à mesure ou la date se rapprochait son angoisse s’accentuait, elle réduisit ses sorties de peur de se faire prendre, car la garde au tour du château avait été renforcée en vue des évènements. Son père ne voulait que rien ne puisse se mettre en travers de ces projets. Rendant la relation avec son prince extrêmement tendu il le vivait très mal ce fut une très mauvaise période pour les deux tourtereaux, leurs entrevues se firent de plus en plus courtes. Et la princesse semblait se renfermer sur elle-même un peu plus chaque jour. La simple vue de Yato la rendait très triste, Le jeune garçon avait conscience que les choses n’iraient pas en s’améliorant. Il n’y avait qu’une issue possible pour leur relation. Il ne savait que faire pour soulager la conscience de sa bien-aimée.

Yato savait au fond de lui qu'elle choisirait sa famille à lui.  Il ne voyait pas d’autre d'issue possible. Yukina allait se marier avec l’empereur et tous leurs espoirs allait être balayés. Les graines de la haine se mirent à germer en lui, le désespoir devint son plus fidèle ami le suivant comme son ombre. Quelques jours avant le mariage la princesse profita d’un moment d’inattention et se déroba à la vue des gardes elle prit de gros risque pour rejoindre son âme sœur. Elle le retrouva à l'endroit habituel. Il était près de 21h, la lune commençait à faire son apparition, le jeune homme était assis près de la rivière, le regard perdu dans le court de l’eau qui s'échappait et entamait son voyage à travers toute la région. Ses pensée semblaient en faire de même. La princesse vint à sa rencontre la tête pleine de pensées contradictoires. Elle s'asseyait près de lui et se prépara à lui faire sa plus belle plaidoirie, le plus dur pour elle était de se convaincre elle-même.

- Mon amour, nous ne pouvons pas continuer ainsi, tous ses moments passés avec toi resterons mes plus beaux souvenirs, la plus belle partie de ma vie je n'oublierais jamais toutes ces balades au clair de lune, nos discussions qui durèrent des heures nous faisant oublier toute notion du temps. Je m’imaginais déjà devenir ta femme, j’avais cette pensée  chaque fois que je vais te voir. Tu as fait de ma vie un bonheur, Au cours d’une nuit, je n'étais plus cette princesse triste et renfermeée, j’imaginais déjà notre vie, nous aurions possédé un domaine, avec de grands potagers, je t’aurais regarder travailler la terre torse nu, le front dégoulinant de sueur, ta chevelure noble prise au vent pour gagner de quoi vivre, je n’ai jamais souhaité avoir tant de richesses, je n’ai que faire toutes ces choses superflus. Faire pousser des légumes, avoir du bétail, inonder les magasins de la région de lait de vache, commencer par quelques bêtes et enrichir le troupeau au fur et à mesure, je me voyais assis non loin de toi m'occupant de nos bêtes, tannant le cuir pour nous faire de beaux vêtements tout en arborant un grand sourire.

Yukina s’asseyait près de lui les yeux débordant de larmes.

-C'est ce qui aurait pu être ma vie si je n'avais pas été née ainsi...

Yato la regardait sans dire un mot, son silence était très dérangeant, ce qui la fit passer pour la cruelle princesse venant briser le cœur de son amant. Sur ces mots Yato la prit dans ses bras, toujours sans un mot, et ils restèrent ainsi jusqu'à l'apparition du jour, face à l'horizon.

-C’est vraiment triste maman !  Qu’est-ce qui est arrivé à Yato ? Yukina s’est vraiment mariée avec l’empereur ?  Dit Wendy avec un grand enthousiasme.

-Un peu de patience, j’y viens !  Répondis-je en esquissant un léger sourire.

                                                    

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