Chapitre 2
8h45 les bureaux commençaient à retrouver vie au fur et à mesure de l’arrivée de leurs occupants. Les ateliers Bouchard ne comptaient qu’une vingtaine d’employés de bureau et une cinquantaine de personnes à la production. Une maison où il faisait bon vivre. Comme partout, des frictions, des tensions, des jalousies existaient mais le personnel entretenait des liens familiaux, véritable ciment de l'entreprise. M. Bouchard représentait le père qui veillait pour que tout se passe bien et que les racines de cette culture perdurent dans le temps.
Eva était un peu triste de voir M. Bouchard se retirer des affaires. Il restait le président du comité de direction mais sa présence quotidienne, rassurante et bienveillante, allait lui manquer. Pour elle, il avait été plus que pour tout employé, une vraie figure paternelle. Enfin, ce qui lui semblait se rapprocher le plus d’un père. Elle imaginait qu’un père n’agirait pas autrement qu'Elliott Bouchard. Toujours attentif, protecteur, guidant ses pas dans le monde depuis son emménagement à New York.
9h, M. Bouchard toujours ponctuel sortit de l’ascenseur accompagné de son successeur. Il commença le tour des bureaux pour présenter le nouveau directeur de collection. Au travers du vitrage de son bureau, Eva ne le voyait que de dos.
Jude, toujours assise face à l’écran d’ordinateur avait, elle aussi remarqué l’arrivée de M. Bouchard. Eva se tourna vers Jude et fronça les sourcils en voyant sa mine d'adolescente en proie à son premier coup de foudre.
- Wouah ! plutôt pas mal le nouveau patron ! dit-elle si doucement que seule Eva pouvait l’entendre.
Eva faillit partir en fou rire mais se retint en entendant M. Bouchard.
- Et ici votre bureau et celui de votre assistante, Eva Aguilar qui sera votre meilleur atout. Bonjour Eva.
Elle se retourna face aux deux hommes, et resta quelques instants interdite, German Baxter était sans aucun doute l’un des hommes les plus sexy qu’elle avait vu et pourtant, elle en avait croisé un certain nombre. Ses yeux d’un noir profond, un nez aquilin, des lèvres pleines sur un sourire désarmant. Il était plus jeune qu’elle ne l’avait imaginé. Elle s’était persuadé qu’un directeur de collection devait avoir dans la cinquantaine, cheveux grisonnant et puis German comme prénom cela sonnait vieux. Ses cheveux à lui étaient bruns. Il n’était pas très grand, mais avait un corps bien proportionné plutôt athlétique et son costume impeccablement coupé le mettait en valeur.
Elle mit quelques secondes à prendre la main qu’il lui tendait. Un dicton affirmait que la valeur d’un homme se devinait à sa poignée de main et celui-ci était de toute évidence en pleine confiance de soi car la sienne était ferme et chaude.
- Eva travaille depuis à peu près neuf ans en tant qu’assistante de direction et me reportait. Elle continuera dans la mesure où j'aurai encore besoin de ces services sur mes missions de président du comité de direction, mais elle sera avant tout votre assistante personnelle.
- Mlle Aguilar, enchanté. dit German Baxter
Sa voix était grave, chaude et sensuelle. Elle lui sourit timidement, mais aucun son n’arrivait à franchir la barrière de ses lèvres. Jude de son côté se leva et tendit sa main par dessus le bureau.
- Jude Lowel, coordinatrice informatique. Enchantée et bienvenu chez Bouchard.
- Merci Mlle Lowel. dit-il en lui rendant sa poignée de main et son sourire
- Votre PC est maintenant opérationnel, vous avez accès à tous nos logiciels. Il vous suffira d’ouvrir votre premier mail et de suivre la procédure pour l’application des mots de passe. N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Sur ces mots, Jude sortie de la pièce suivie du regard par German Baxter. Jude, moulée dans sa petite jupe noire et chaussée de ses grandes bottes à talons hauts contrastait avec l’allure d’Eva qui ne se montrait pas à son avantage dans ses habits trop larges. Eva s’ébroua mentalement, d’où lui venait cette réflexion ? Elle n’était pas là pour être agréable à contempler et ne le souhaitait surtout pas. Elle se remit donc en mode professionnel et prit le téléphone portable posé sur le bureau en chêne pour le tendre à German Baxter.
- Votre téléphone M. Baxter, vous trouverez également à côté, sur votre bureau, vos cartes de visites. Je vous ai laissé les dossiers les plus importants dans la pochette rouge…
German Baxter remarqua le léger accent de sa nouvelle assistante sans arriver à en déceler l’origine.
- Quelle efficacité comme toujours ma chère Eva ! Dit M. Bouchard. Baxter, vous pouvez être sûr qu’avec elle rien ne traîne.
- Je vois cela, dit German Baxter en la dévisageant d’une façon qui mit Eva mal à l’aise
- Eva, avez-vous préparé la présentation sur les différents projets en cours que je vous avais demandé ?
Eva détacha son regard de celui de German Baxter qui la fixait d’un air curieux.
- Oui, M. Bouchard, la présentation est prête à être lancée dans la salle de réunion.
- Parfait, Baxter si vous voulez bien me suivre, je vous fais la présentation et ensuite, nous irons faire le tour des ateliers.
- Merci Mlle Aguilar, à plus tard, dit German sur un demi-sourire en se demandant ce qu’une fille comme elle, a priori peu intéressée par son style vestimentaire pouvait bien faire dans le milieu de la mode.
Les deux hommes prirent donc le chemin de la salle de réunion. Une fois hors de vue, Jude accourut dans le bureau d’Eva.
- Trop canon le nouveau patron, je crois que je ne pourrais rien lui refuser. Je ne sais pas comment tu vas réussir à te concentrer avec ce dieu grec sous les yeux toute la journée !
- Je crois que je m’en accommoderais. Lui répondit Eva avec un sourire narquois.
- Comment fais-tu pour être aussi insensible ? Tu devrais rentrer dans les ordres ma vieille !
- Ici, c’est le boulot et pas question de se laisser distraire même par le charmant physique du patron.
- Ah, tu vois qu’il est charmant !!
- Allez Jude, j’ai du boulot et toi aussi.
- Très bien madame la commandante.
Avant de passer la porte elle se retourna et lui tira la langue comme une gamine de six ans. Cela fit sourire Eva qui, une fois Jude disparue, se concentra sur son écran et l’agenda de son nouveau patron.
10h30 Clara passait les portes de l’ascenseur sous le regard réprobateur de ses collègues. Clara dans une robe en laine blanche moulante, des Louboutin noirs crocodile et sa longue chevelure brune dans son dos qui volait à chaque mouvement de hanche, était en retard. Elle fit comme si de rien n'était. À ce même moment, M. Bouchard et Baxter sortirent de la salle de réunion et entrèrent dans son champ de vision. Eva aurait aimé avoir un appareil photo pour immortaliser l’instant où Clara posa les yeux sur German Baxter. La prédatrice en elle se révélait dans toute sa puissance, Eva la vit se composer un visage, se munir de son plus beau sourire, de son plus beau déhanché et s’approcher comme une lionne s’approche de la biche qu’elle s’apprête à croquer.
- Ah voici Clara Riley une de nos stylistes. Clara est diplômée de la meilleure école de stylisme de tous les USA. Elle travaille pour nous depuis bientôt six mois. Clara, je vous présente German Baxter notre nouveau directeur de collection.
- Je suis ravie de vous rencontrer enfin German.
- Mlle Riley.
- Je suis certaine que notre collaboration sera un succès. Dit-elle en lui posant la main sur le bras.
German Baxter suivit son geste d’un regard froid.
- Je n’en doute pas surtout dans la mesure où vous resterez professionnelle et ponctuelle. Je vous dis donc à plus tard.
La mine déconfite de Clara fit pouffer Eva. Elle n’avait rien entendu de la conversation coincée qu’elle était dans son bureau, mais elle était impatiente d’entendre le résumé qui ferait le tour des services d’ici à peu près dix minutes.
German Baxter avait gagné un point dans l’estime d’Eva.
German, lui, était heureux de sa première journée. Cela faisait longtemps qu’il souhaitait intégrer une plus petite structure dans laquelle il pensait avoir une latitude à mener la barque comme il l’entendait. Les grandes maisons ne vous laissaient jamais cette occasion.
Tous les employés lui semblaient être investis et impliqués et il savait que c’était une chance. Les petites structures avaient aussi cet avantage de créer des liens forts entre les gens. Il espérait pouvoir garder cet esprit si important pour lui.
La personne qui l’intriguait le plus dans l’équipe, était sa nouvelle assistante. Elle n’avait pas l’allure requise. Elle était sans doute efficace et il avait pu en avoir un aperçu, mais tout de même, ne lui demandait-on pas de faire un effort vestimentaire ? Il trouvait personnellement que la collaboratrice qui détenait la charge de l’accueil des fournisseurs et clients devrait représenter la marque de façon élégante. Il en parlerait en temps voulu.
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