Chapitre 12
Sa valise à la main sur laquelle reposait sa sacoche d’ordinateur ; elle entra dans le gigantesque hall de JFK ; elle avait choisi un vol de nuit Air France. Elle se dirigea vers l’enregistrement. Guiseppe la précédait à quelques personnes d’intervalle. Il lui fit un signe de la main ainsi qu’un grand sourire.
Ses bagages enregistrés, elle rejoignit Guiseppe. Celui-ci piaffait comme un enfant.
- Je n’y crois pas. Je pars à Paris !
Eva rit de bon cœur devant cette joie enfantine.
German et Elliot, les rejoignirent et ils prirent, tous, le chemin de la porte d’embarquement.
Les hôtesses les accueillirent dans l’avion et ils s'installèrent en business class. German, Eva et Guiseppe étaient assis ensemble alors que M. Bouchard restait isolé.
Eva s’assit côté du hublot. Elle stressait toujours des voyages en avion. Et celui-ci l'angoissait plus qu’aucun autre. Elle avait déjà pris l’avion une fois pour traverser l’Atlantique et pensait ne plus jamais avoir à le faire. Plus rien ne la rattachait à la France. Enfin, elle était un peu dure. Il y existait bien au moins deux personnes qu'elle aspirait à revoir et qui comptait pour elle.
L’hôtesse passa dans l’allée et vérifia que tout le monde avait bien attaché sa ceinture. German sortit des dossiers qu’il feuilleta avec attention. Eva faisait défiler les films sur l’écran du siège devant elle. Les vrombissements des moteurs de l’avion résonnèrent dans l’habitacle et il commença son lent cheminement jusqu’à la piste de décollage. Il amorça le virage qui annonçait le grand envol. Après une puissante accélération, l'avion décolla remontant le cœur d'Eva dans sa gorge.
Eva choisit son film, mit le casque sur ses oreilles et inclina légèrement son fauteuil afin d’être le plus confortable possible. Elle déchira également le plastique qui entourait la couverture prêtée par la compagnie et la positionna jusqu’à ses épaules.
Au bout de quelques dizaines de minutes, la somnolence vint à la gagner et ses yeux se fermèrent. Elle vogua dans une douce torpeur, bercée par le roulis de l'avion. Enfin arrivée au plus profond de son inconscient, le noir de ses peurs refit surface comme tant de nuits.
Elle voyait dans le brouillard de ses larmes, la terreur de l’homme. Il fermait les yeux pour ne pas voir. Elle ne criait pas, elle grimaçait de douleur, de honte, mais elle ne criait pas. La voix démente d’un homme répétait de façon discontinue « à moi, à moi ». Elle voulait s’enfuir, mais restait paralysée. Elle essayait de se débattre, de le repousser, mais le souffle lui manquait, sa vision se brouillait. Ses mains toujours sur sa gorge comme un étau de fer, se resserraient. Bientôt, elle mourrait, il lui en avait fait la promesse. Le goût du sang qui coulait de sa lèvre fendue renforçait sa peur.
Alors qu’Eva marmonnait dans son sommeil, German tourna la tête vers elle et vit son visage crispé et les larmes qui coulaient sur sa joue. Il la secoua par l’épaule et lui murmura « Eva »
Elle sursauta sortant de son cauchemar encore terrifiée. Elle regarda German, désorientée. Il lui sourit, la rassurant : « Vous faisiez un cauchemar ».
Oui, celui qui revenait nuit après nuit, qui ne la quittait pas depuis tant d’années. Sa réalité restait la chose la plus angoissante de toute. Elle ne trouva rien de mieux à dire que « désolée ». German haussa les épaules avec un petit sourire en coin. Il interpella l’hôtesse et lui demanda un verre d’eau qui vint en quelques minutes.
« Tenez, buvez ». Eva but une gorgée et regarda l’heure sur son portable : 4h.
« Vous ne dormez pas ?
- Je ne dors jamais dans les transports. Du moins jamais profondément. »
Eva se recala sur son siège relevant la couverture tombée à ses pieds dans son agitation et se laissa bercer pour le régulier roulis de l’avion. Elle retrouva l’agréable torpeur d’avant l’endormissement, mais sans pouvoir trouver un sommeil profond. Comme souvent après ses cauchemars elle ne réussissait pas vraiment à recouvrer son calme. Ces pensées se perdaient dans un lointain passé qu’elle n’arrivait pas à chasser. Des bribes de mémoires revenaient en flashs désordonnés.
Le petit-déjeuner apporté, German ne prit que du café sans rien avaler et partagea son plateau avec un Guiseppe affamé. Il avait les traits tirés de fatigue. Guiseppe, qui avait dormi toute la nuit, était lui pimpant et volubile. Discourant sans fin sur les charmes de Paris jusqu'à l’atterrissage et la pénible dernière attente pour descendre de l’avion.
Voilà, Eva était de retour, happée par les sonorités familières de sa langue maternelle. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas sentie chez elle ? Familière aux sons ? Même si l’anglais ne gardait quasi plus de mystère pour elle, il n’en restait pas moins que le bruit indistinct d’une foule, la rappelait toujours à son statut d'étrangère.
Le taxi les déposa devant l'hôtel, un bel immeuble haussmannien typique de Paris non loin des Champs Élysées. La plupart des chambres possédaient une vue imprenable sur l'Arc de Triomphe.
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