Chapitre 15
German, qui voulait en avoir le cœur net, profita de Christine pour se rendre dans les coulisses. Il prétexta vouloir féliciter la styliste qui, il était vrai, démontrait un énorme talent.
« Félicitations Mlle Carpentier, vous avez beaucoup de talent. Votre dernière pièce était incroyable, tout comme le modèle qui le portait.
- Merci...
- J'aimerais beaucoup lui proposer de défiler pour moi demain. Est-il possible de savoir qui elle est ?
- Je ne sais pas qui vous êtes monsieur, mais je n’ai pas pour habitude de donner les coordonnées de mes modèles… Après tout, vous pourriez être un dangereux psychopathe.
- Lucile, la gronda Christine. Il s’agit de M. Baxter de chez Bouchard, un client à moi.
Le regard que Christine et Lucile échangèrent n’échappa pas à German. Un mélange entre surprise et moquerie. Il avait la désagréable impression que l’on se payait sa tête.
- D’ailleurs Mme Carpentier, je ne comprends pas pourquoi cette fille ne figurait pas dans la liste que vous m’avez proposée. Vous m’aviez dit avoir pris les meilleures, or, à mon sens celle-ci paraît bien plus douée que toutes les autres.
- Je vous ai proposé toutes les meilleures filles disponibles pour vendredi. Celle-ci n’en faisait pas partie…
- J’aimerais tout de même…
- Allons M. Baxter, je vais finir par croire que ce n’est pas votre cerveau qui raisonne ? dit Christine avec un sourire narquois
German resta muet, la remarque résonnait vrai au fond de lui.
- Oui, vous avez raison Mme Carpentier, en plus il est tard, je dois y aller.
Et sur ce, il tourna les talons.
Décidant d’en avoir le cœur net, German se rua à la chambre d'Eva et frappa à la porte. Celle-ci lui ouvrit, une serviette enroulée sur sa tête et son peignoir blanc noué à la taille. Elle l’interrogea du regard :
- German ?
- Eva, je voulais juste savoir si tout était prêt pour demain ?
Elle le dévisagea perplexe, comme gênée. Elle était presque troublée qu’il ne la regarde pas comme il avait dévoré la femme sur le podium.
Elle rajusta ses lunettes sur son nez :
- Je croyais vous avoir tout montré cet après-midi.
- Oui, c’est vrai, répondit-il mal à l’aise, glissant une main dans ses cheveux. Qu’avez-vous fait de votre temps libre ?
- Rien de particulier, pourquoi ?
Il la dévisagea et laissa courir son regard sur elle. Non décidément, il devait tellement être obsédé par Eva qu’il la voyait partout. Elle était bien trop réservée pour dévoiler son corps d'une manière aussi impudique que le mannequin tout à l’heure. Il perdait la raison dès qu’il s’agissait de son assistante. Il prit congé sans autre cérémonie en colère contre lui-même. Une fois sa porte refermée, Eva souffla contente de la réussite de son subterfuge.
Le vendredi, l’ébullition régnait dans tout l’hôtel. Le défilé se déroulait dans la partie centrale profitant ainsi du hall et de ses deux superbes escaliers qui donnait une impression de siècle dernier.
Les fauteuils des spectateurs avaient été posés face aux escaliers. Les modèles descendraient par là avant de se positionner devant le public. Guiseppe était mort de peur. Il faisait les cent pas et se rongeait les ongles. Eva tentait de le rassurer. Tout était prêt et orchestré à la seconde.
Les invités arrivèrent vers 19h, Christine Carpentier comptait parmi eux. Eva s'occupa de les positionner. German échangea avec les journalistes sur les aspirations d'expansion de la marque Bouchard. Après toutes ces civilités, le silence se fit et la musique résonna dans le hall de l'hôtel. Le personnel s'arrêta pour assister à l'événement. Les filles descendaient les escaliers en duo, chacune d'un côté. Les dentelles blanches frayaient avec les fleurs ocre, turquoise. Les vêtements mélangeaient les voiles et le crochet tout en élégance. Les deux robes de mariée, une créée par Carla et l'autre par Guiseppe, formaient le clos du spectacle. Celle de Carla possédait un dos nu vertigineux et la dentelle du buste laissait deviner en transparence le grain de la peau. Guiseppe se montra plus sage, la robe d'un blanc plus ivoire, représentait la bohème chic a contrario de la robe de Carla qui soulignait la liberté brute du genre.
Le cocktail qui se déroula après le défilé permit de recueillir des avis plutôt positifs. La collection, selon certains, recelait de petites pépites qui deviendront des incontournables de la saison. German jouait son rôle d'agent Bouchard à la perfection.
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