Je sus que quelque chose n'allait pas dès lors que je les vis tous les deux dans la cuisine. Elle lui parlait à voix basse. La main sur l'épaule comme pour le réconforter. Ils ne m'entendirent pas rentrer. Le léger mouvement de recul colérique face à sa sœur ne présageait rien de bon.

Malgré tout, j'étais à mille lieues de m'imaginer ce qu'il m'attendait.

Il resta  en retrait, laissant sa soeur me tendre l'enveloppe kraft marron. Les photos, dans mes mains tremblantes, me montraient avec Eric, bouche contre bouche. Je levai les yeux vers lui et attendis la suite. Sa sœur prit la parole en premier. Mon comportement lui semblait odieux et s'il n'avait tenu qu'à elle, elle aurait jeté mes valises sur le palier et m'aurait laissé me débrouiller seule. Mais son frère l'avait supplié de ne pas agir de la sorte. J'étais chanceuse. Il m'accordait son pardon. Je n'y croyais pas. Il ne voulait pas se séparer de moi, mais qu'allait-il faire ? Je pouvais m'attendre au pire. Son esprit machiavélique devait déjà imaginer mon châtiment. La terreur se fraya un chemin dans mes veines. Je me servis un verre du vin rouge de la bouteille restée sur le plan de travail. Je n'essayais même pas de nier l'évidence. Mon interlude s'arrêtait là bien sûr. Ils pouvaient s'abstenir de me le spécifier.

Plusieurs jours agonisèrent sans que rien ne se passe. Il me cajolait, me couvrait de cadeau. Avait-il décidé de m'épargner ? Je restais sur mes gardes. Sa gestion calme de la situation ne lui ressemblait pas. Il ne m'en parlait pas, ne me le reprochait pas. Il n'agissait pas comme à son habitude.

Il vint me chercher un jour devant mon école. Au lieu de retourner à l'appartement, il s'arrêta vers un hangar désaffecté. Je l'interrogeais du regard, sans me répondre, il me demanda de le suivre. L'endroit était sombre et il me tira par le bras jusqu'à un escalier. Au bas des marches, une lumière vive filtrait d'une porte. Des hommes, armes au poing, semblaient surveiller les entrées sorties. Je me questionnais sur ce qu'ils pouvaient bien garder.

La lumière du néon blanc m'aveugla. Je distinguais une silhouette assise au bout d'une table. Mes yeux, s'acclimatant à la lueur, s'effarèrent de reconnaître Eric, bâillonné, une expression remplie d'effroi. Sa peur se tatoua sur mon âme. Je ne savais pas ce qu'il allait se passer. Je tournais la tête pour regarder l'homme fou qui me poussait en avant. Mes cuisses butèrent contre le bord de la table. Le regard d'Eric se fixa sur le mien en une supplique. Que pouvais-je bien faire ? Rien, je lui retournai un air de désolation.

Sans crier gare, m'appuyant sur la nuque, il me mit à plat ventre sur la table. Il releva ma jupe, descendit ma culotte et avant de m'empaler violemment, m'agrippa les cheveux relevant ma tête et me commanda de regarder Eric dans les yeux. Pendant qu'il me besognait, il hurlait que j'étais à lui. Des larmes silencieuses coulaient sur mes joues alors que les yeux d'Eric restaient baissés dans un air de dégoût. Ma honte alternait avec ma douleur.

Quand il eut fini, il me laissa glisser sur le sol. Je me recroquevillai sur moi-même secouée de lourds sanglots. Je le vis avancer vers Eric, l'attraper par les cheveux et le frapper de son poing. Le sang gicla de son nez. Dans un sursaut de courage, je me levai et sautai sur lui pour l'empêcher de lui faire plus de mal. Mais j'étais trop frêle pour détourner ses coups. Il me fit valser sur le côté, ma lèvre heurta l'angle tranchant de la table et se fendit en deux. Eric le visage tuméfié ne bougeait plus. Tous mes muscles tremblaient. Qu'avais-je fait ? Il ne méritait pas ça. Mes nerfs ne supportèrent pas le choc et je m'évanouis plongeant dans un silence apaisant.