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Le présentateur était crispé du bout des cheveux à la pointe des orteils. La fureur au bord des lèvres, il marmonna avec automatisme :
« Ça, c’est le signe des cornes. Ça, c’est le signe des cornes. Ça, c’est le signe des cornes. Ça, c’est Spiderman.
— Ah d’ailleurs ce personnage n’existe plus, commenta Bleu. Ses toiles d’araignée rappelaient un peu trop la semence masculine. Il y a eu des plaintes et le studio l’a effacé après avoir présenté ses plus plates excuses.
— Vous êtes sérieux ? demanda Julia d’un air choqué. Vous voyez vraiment le mal partout !
— Je préfère un monde où l’on garde sa liberté d’opinion, quitte à devoir s’occuper des quelques signes à trois doigts qui se glissent dans le public », acheva Naguini en braquant son arme sur eux.
Les membres de la ligue arc-en-ciel se serrèrent les un contre les autres, attendant le tir fatidique. Le présentateur avait le regard figé dans la folie. Son rictus épanoui ne laissait aucun doute sur la suite des évènements.
C’était décevant. J’avais espéré que ces messagers et leur monde parallèle allaient les obliger à s’excuser, et à abandonner leur stupide émission. Mais l’auteur savait très bien que ça ne fonctionnerait pas. Je me disais bien qu’il avait un peu trop facilement approuvé mon idée. D’habitude quand je propose des choses, je suis obligé d’insister et d’argumenter longuement, tout ça pour essuyer un ferme refus. Peu importe si je demande de faire couler de la lave depuis chaque trou pratiqué au plafond par Naguini, de faire exploser la bombe au napalm sans aucune raison, d’abaisser la température jusqu’à ce qu’ils meurent de froid ou encore de faire venir d’une dimension parallèle une horde de djihadistes, qui auraient implosé dans toute la salle à grands coups de C4. Pardon ! Je voulais dire, faire venir d’une dimension parallèle une horde de jazzistes, qui auraient improvisé dans toute la salle à grands coups de scat. Ça les aurait fait fuir pour de bon. Mais comme on me fait signe de cesser de telles digressions, je vous propose de revenir à notre présentateur, sur le point d’ouvrir une boucherie au beau milieu du plateau.
Surprenamment, Naguini baissa son fusil. Il descendit lentement les escaliers de la scène d’un air indéchiffrable. Tout le monde l’observait avec curiosité. Il se rapprochait de plus en plus de la caméra du fond qui commençait à subir de violents tremblements. Le présentateur s’arrêta juste devant elle. On entendit le cameraman supplier Naguini de l’épargner. Ce dernier ne répondit rien. Depuis l’objectif, on pouvait voir le présentateur chercher quelque chose dans sa poche. Il sortit après quelques instants, un marqueur noir. Il dessina un cercle sur la vitre de la caméra, entourant le signe moins et le nombre dix-huit.
Il retourna en marchant rapidement vers la ligue arc-en-ciel, arme dégainée. Les personnages en couleurs tremblèrent. Ils voulurent gagner la sortie, mais Julia tira juste à leurs pieds et se mit devant le passage.
« Désolé, dit-elle sans avoir l’air le moins du monde navrée. Mais lorsqu’on entre sur le plateau, on a plus le droit d’en sortir avant la fin de l’émission. »
Au même moment, Naguini avait atteint les escaliers de la scène, quand Billy lui prit la main. Le présentateur regarda ce que l’enfant lui désignait. Il observa les têtes qui se trouvaient devant la scène. Le présentateur fronça les sourcils. Il demanda l’éclairage complet de la salle. La lumière envahit la pièce et mit en évidence l’absence d’humain dans la foule, à l’exception du jeune garçon. Tous avaient été changés en zombies. La ligue arc-en-ciel observait avec effroi les créatures. Ils se recroquevillèrent comme si cette position allait les rendre microscopiques. Les zombies se mirent à chercher tout autour d’eux les humains encore disponibles.
Le tic de Julia choisit ce moment précis, pour lui faire entamer l’une de ses tirades dont elle avait le secret.
« Avant de mourir, veuillez écouter attentivement les conditions d’utilisation. Les auteurs de ce meurtre ne tiennent en aucun cas compte des avis creux et irrespectueux de personnes extérieures, et feront ce qu’elles entendront être le plus plaisant. Les choses plaisantes comprennent la décapitation, l’écrasement, le viol, les chatouilles à l’aide de plume, utiliser de manière indifférenciée pain au chocolat ou chocolatine… »
Les morts-vivants se tournèrent simultanément vers le plateau. À la vue de ces sept appétissantes pièces de toutes les couleurs, ils produisirent une quantité significative de salive. Pressés de goûter à ces mets de choix, ils se jetèrent sur le plateau. Les hommes et les femmes costumés se mirent à chanter leur chanson en balançant leurs bras, comme pour essayer d’atténuer la violence à venir.
L’orchestre joua le générique de fin d’émission. Pendant que la caméra filmait en arrière-plan Julia qui s’amusait à décapiter les zombies qui lui tombaient sous la main, tandis que la majeure partie de la horde, se livrait à un carnage trop atroce pour être descriptible, le présentateur en premier plan annonça joyeusement sous une pluie de sang :
« Ah ! On me dit que cette émission touche à sa fin. Julia est donc la nouvelle survivante. Ne manquez pas la prochaine émission. Ce n’est pas fini pour elle, ce n’est pas fini pour vous, mais c’est probablement fini pour eux, dit-il en désignant l’endroit où se trouvait la ligue arc-en-ciel. D’ici là, tâchez de survivre. Tchao tchao tchao », acheva le présentateur en effectuant le signe des cornes.
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