Une lance dans les fesses

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Le Roi Bleu glapit.

- Ouille ! Ils sont gros les moustiques, cette année ! pesta-t-il en regardant ses fesses.

Ses sourcils broussailleux se froncèrent en y découvrant la flèche empennée de rouge qui y était plantée. D'un geste sûr, il l'arracha et leva le nez vers la fenêtre du château Rouge, où le Roi ennemi souriait de toutes ses dents.

- Hé, mais ça va pas la tête ?! beugla le Roi Bleu. Ça se fait pas de lancer des flèches dans les fesses de pauvres vieillards comme moi !

Le Roi Rouge se pencha à sa fenêtre et tendit l'oreille.

- Pardon ? fit-il. J'entends rien du tout...

- J'ai dit que c'était dangereux de... commença le Roi Bleu, furibond, mais il fut aussitôt interromput par le Roi Rouge.

- Hein, quoi ?

Puis, sans vergogne, le Roi Rouge se retourna et agita fièrement ses fesses à sa fenêtre.

- J'entends rien du tout ! répéta-t-il. Tralala lalère !

Le Roi Bleu serra les dents.

- Ah, tu veux la jouer comme ça, face de pastèque...

Il trottina jusqu'à un buisson et en extirpa la lance bleue qu'il y avait cachée le matin même (avec un tel voisin, on était jamais trop prudent, la preuve). Puis il retourna sous la fenêtre du Roi Rouge, dont les fesses se dandinnaient toujours. Le Roi Bleu eut un immense sourire et soupesa la lance.

- C'est ça, continue à danser des fesses, tu vas voir...

Agrippant la lance dans sa main droite, le Roi Bleu fléchit les genoux, mit son pied gauche en avant, visa et projeta son arme de toutes ses forces. La lance fila plus vite que les vents, traversa la fenêtre ouverte et alla se planter... pile dans les fesses gigotantes du Roi Rouge.

- En plein dans le mille ! ricana le Roi Bleu en excécutant une petite danse de la victoire.

Au château Rouge, en revanche, c'était une toute autre ambiance...

- Outch ! lâcha le Roi Rouge en se penchant en avant.

Le garde, étonné, haussa les sourcils.

- Ça ne va pas, votre Majesté.

Le roi se tourna légèrement et blêmit en découvrant la lance qu'il avait dans les fesses.

- J'ai une lance dans les fesses ! cria-t-il.

- Vous avez pétez une lance, votre Majesté ! s'écria le jeune homme.

Le Roi Rouge se figea et dévisagea le garde, sidéré.

- Mais non, abricoti, je n'ai pas pétez une lance ! On m'a lancé une lance !

Le visage de son subordonné s'éclaira.

- Ah, oui, ça parait plus logique, en effet...

- Bon, au lieu de dire n'importe quoi, tu vas m'aider, oui ou non ? s'impatienta le Roi Rouge.

Le garde hocha vigoureusement la tête.

- Tout de suite, votre Majesté ! Hum, donc... euh... si votre Majesté pouvait tourner ses royales fesses vers moi...

Le Roi Rouge maugréa mais obéit. Le jeune homme prit la lance à deux mains et hésita un instant.

- Vous savez, votre Majesté... ça rique de piquer un peu...

- Rhoooo, enlève-moi ce truc ! rugit le roi. Je ne suis pas en sucre, ça ira !

Rassuré, le garde commença à tirer d'un coup sec.

- Aïe, aïe, aïe ! Stop ! ordonna le Roi Rouge d'une voix suraïgue. Pomme de terre que ça fait mal !

- Ne vous en faites pas, votre Majesté, encore un coup et ça devrait être bon ! le rassura le garde en tirant à nouveau.

- Aïe, aïe, mais aïe-euh ! Arrête ça, choucroute !

- Encore un tout petit peu, l'encouragea le jeune homme. Je vois presque la pointe !

Il tira encore, arrachant la lance, au grand soulagement du Roi Rouge qui se mit une main aux fesses, histoire de compresser la plaie. Il sentait son sang chaud coulé entre ses doigts. Le garde, lui admirait tranquillement la lance, un sourire idiot aux lèvres.

- C'est une belle arme, fit-il.

Le Roi Rouge le fixa, interdit.

- Dis donc, tu comptes me laisser me vider de mon sang ou comment ça se passe ?

Le jeune homme sursauta et posa immédiatement la lance contre le mur.

- Oh, pardon votre Majesté, je... euh, votre Majesté... vous saignez beaucoup...

- Évidement que je saigne, j'ai reçu une lance dans les fesses, triple citrouille !

- Ah, euh, oui... je... ne bougez pas ! Je reviens tout de suite !

Le garde sortit de la chambre, dévala l'escalier et se précipita dans l'infirmerie du château. Paniqué, il mit plusieurs minutes à rassembler ce qui lui paraissait utile pour soigner son souverain (à savoir un chiffon, du coton, des ciseaux et du gros scotch). Quand il revint dans la chambre, le Roi Rouge se tenait toujours les fesses et pestai contre son voisin.

- Celui-là, il va m'entendre ! beugla-t-il dès que le jeune homme s'approcha de lui. Une lance ! Il m'a jeté une lance !

- En même temps, vous lui avez lancé une flèche, votre Majesté, tenta de le raisonner le garde.

- Il y a une énorme différence entre une flèche et une lance, empoté ! rétorqua le roi. Et c'est lui qui avait commencé d'abord !

Les idiots répliquent, les sages ignorent, songea le garde, mais, pour une fois, il laissa sa langue dans sa poche.

Il déposa son matériel de soin à même le sol, prit le chiffon et s'approcha du Roi Rouge.

- Majesté, permettez que je tamponne votre fessier couronné...

- Mais oui, vas-y, tamponne, tamponne ! maugréa le roi. Au point où j'en suis de toute façon !

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