Le sport plein la tête !

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Le stress monte, je resserre la prise sur mon sac entre mes jambes. De nombreux rires résonnent dans le bus alors que j'ouvre la fermeture éclair pour vérifier une quinzième fois en vingt minutes de trajet que j’ai bien toutes mes affaires.

Chaussures de sport, short de sport, t-shirt de sport et chaussettes de sport... j’ai tout… ça va aller…

Rassuré, je le referme et me replace contre le dossier de mon siège, un peu trop fort car un nuage de poussière s'en échappe. Les volutes de poussière me font vaguement sourire alors que je remets mes écouteurs, lançant une musique au hasard en laissant mes yeux se perdre dans le paysage.

Me voilà à ma deuxième semaine de cours en études supérieures. Terrifié par ce nouveau monde, je n’arrive pas à m'y glisser. Je n’ai pas eu de belles années au lycée et y avais pris le mauvais réflexe de ne plus approcher des autres. Cette timidité impactait maintenant mon intégration dans ma propre promotion, ça commençait à me faire paniquer. Je ne voulais pas reproduire le même schéma ici.

Il m’aura fallu une bonne heure de « j’y vais, j’y vais pas ! » avant d’enfin oser approcher les deux représentants du club sportif de l'école à la journée des associations.

AS’ISA.

Le nom sonnait bien et ils avaient un loup comme emblème. C’est cool les loups ! L’un des deux était déjà pris avec quelques étudiants de mon année, je faisais sagement la queue derrière eux, ne préférant pas m’immiscer dans la conversation, lorsque l’autre étudiante en charge du stand me héla.

« Approche donc, le bizuth ! »

Elle avait l’air gentil, je dirais même assez mignonne avec ses longs cheveux bruns attachés et son polo aux couleurs de l’association étudiante. Je fis donc un pas en avant, reconnaissant alors celle qui m’avait plongé la tête dans la gadoue au troisième jour du bizutage ! J'émit un léger rire en voyant qu’elle aussi me reconnaissait. Oh, les deuxièmes années nous avaient mis très cher, mais cette semaine restera à jamais gravée dans mon esprit tant elle fut riche en émotions.

Je me remémorais son nom.

Claire. Claire en deuxième année d'études, une A2.

J’avais pris l’habitude d'être appelé le bizuth. Dans la bouche des autres années, ça sonnait plus comme fiston, c’était même assez plaisant .

« Hey ! Tu rêves où quoi ?! »

Elle me cogna sur la tête, tapotant d’un doigt à l’ongle bleu l’affiche présentant le programme de l’année. Du hand, volley, foot, basket, badminton… Elle savait que j’aimais bien faire du sport sans y être accro.

Nous passâmes bien dix minutes à discuter ! Elle était elle-même capitaine de l’équipe féminine de hand-ball, un titre plutôt ronflant vu qu’il n’y avait que cinq filles qui pratiquaient ce sport et qu’elles devaient se jumeler avec les garçons pour jouer en sept contre sept. Elle-même n’était pas particulièrement forte, juste qu’elle était la plus motivée des cinq joueuses. J’en avais oublié ma réserve naturelle, lui parlant alors de ma passion pour le volleyball, un sport d’équipe dans lequel tu n’as pas besoin de percuter tes adversaires. Car oui, là est mon principal défaut, je n’arrive pas à rentrer dans les gens, tant par la parole que physiquement. Imaginez-moi au hand-ball, le sport qu’elle voulait que je rejoigne ! Je riais en lui expliquant ma situation, rétorquant que je n’avais cependant aucun problème à défoncer la tête d’un autre joueur à l’aide d’un smash bien placé.

« Et bien ramène-toi demain. » me répondit-elle en hélant le grand balèze à sa gauche en train de pianoter sur ton téléphone.

« Florentin, je t’ai trouvé une nouvelle recrue ! »

Elle est très fière d’elle, ça se voit à son sourire s’étirant jusqu’aux oreilles. Je l’oublie bien vite en voyant le colosse, un bon deux mètres de haut et des cheveux blonds en bataille, se tourner vers moi en me jaugeant rapidement. Une discussion s’engage entre nous. Bien que je le trouve intimidant, il se révèle assez sympa, me dit qu’ils acceptent tous les niveaux et tournent entre quatre et quatorze joueurs chaque mardi soir de 19h30 à 21h30, avec de possibles matchs en compétition. Je pose tout de suite les bases, j’adore ce sport, mais je suis encore à l’apprentissage, je viendrai pour apprendre à jouer principalement.

« No problem ! »

Sa réponse sur un ton joyeux me fit chaud au cœur, me décidant à les rejoindre le lendemain. Finalement, c’est ça que je préfère dans le sport : la camaraderie. Les groupes sportifs sont en général très ouverts et assurent de passer de bons moments, que ce soit avant le sport, pendant et après quand tout le monde se retrouve au bar.

Encore faut-il réussir à rentrer dedans.

Je les vois tous dans ce bus, mélangés entre sports, s’encourageant pour les matchs à venir, commentant les compétitions professionnelles ou parlant de l’école en général. Je n’ai pas identifié les volleyeurs, n’ayant trouvé ni Claire ni Florentin dans le bus. Ils ont dû venir en voiture. J’essaye de m'en convaincre, perdu au milieu de tous ces visages inconnus. Il y a quelques A1 comme moi, mais la majorité se situe dans les années supérieures.

Un choc me ramène au présent. Nous sommes arrivés !

Nous sortons du bus dans la pénombre, le soleil chute vite en ce mois de septembre. Ils avancent tous vers un grand bâtiment, je les suis en tâtonnant mon sac, histoire de m’assurer que mes chaussures ne se sont pas enfuies entre temps. J’ai pris cette habitude depuis que j’ai oublié ma serviette à la piscine au collège, un tic qui ne fait que s’accentuer quand je suis stressé.

Enfin, nous pénétrons dans la salle de sport ! Je vais un peu mieux, retrouvant ici un environnement familier.

Je suis les autres garçons, dépassant les vestiaires pour se diriger vers la zone entre les deux terrains couverts. Ici, tous se changent, restant mélangés entre sports. Encore pudique à mes dix-huit ans, je fis donc de même en y allant du plus vite que je peux ! Bien mal m’en pris, car me voilà alors le premier en tenue. Je m’approche des terrains de volley-ball déjà montés par les étudiants d’une autre école ayant eu le créneau avant nous. Les filets me semblent encore plus hauts que dans mes souvenirs ! Quelques balles traînent, je n’ose pas y toucher.

Je regarde autour de moi, l’air clairement gêné. Je ne sais pas quoi faire de mes bras qui changent de position toutes les quatre secondes. Croisés, le long du corps, mains dans les poches, mouvements avant-arrière, puis on recommence ! Merde. Les autres A1 se dirigent en majorité vers le foot. Je suis seul au volley. Finalement, je vois quatre gars approcher des terrains. Ils sont gigantesques ! Un seul coup d’œil me suffit pour y voir des habitués du sport. Il y a Florentin parmi eux, il ne vient pas me voir, blague avec les autres joueurs, volley ou handball. Il ne reste que nos deux sports à l’intérieur.

Les cinq volleyeurs (un autre est arrivé entre temps) sont toujours à se changer. D’ailleurs, le dernier attire mon regard. Plus petit que les autres, cheveux noirs drus, l’air franchement sympathique.

Je les laisse finir de se préparer, certains commencent à courir. Voilà ce que je déteste le plus, je me sens ignoré. Je devrais peut-être m’avancer vers eux, faire le premier pas. Pourtant, ça se voit que je suis nouveau, que je galère !

Soudain quelqu'un m'interpelle.

La pression s'allège, enfin un contact. C'est le dernier arrivé. On se présente rapidement. Il s’appelle Antoine et est dans la filière environnement en A3, celle que je voudrais faire ! Je suis aux anges et commence à le suivre à la course après que Florentin nous ai gueulé de commencer à nous échauffer. C’est un début !

On discute encore un peu en courant, Antoine rejoint deux autres devant nous, je me rapproche des deux restés en arrière, dans un pur instinct de groupe. Puis nous commençons ce qui se révèlera être ma pire terreur sur les cinq années qui suivirent.

Les abdo’ !

Trois séries de six exercices de trente secondes chacunes, j’ai envie de mourir à chaque fois ! Que ce soit à ma première séance ou la 300ème ! Il faut tendre les jambes, les replier sans toucher le sol de ses fesses, réaliser des pompes, tendre les bras paumes écartées vers le ciel… de la torture !

On se fout de la gueule de Maxime qui sue comme un bœuf, d’Achille qui relève trop les fesses pendant ses pompes, on se moque même de moi qui semble mourir avec mes jambes tremblantes pendant le gainage. Mes cheveux mi-longs me tombent devant les yeux, je me sens con, je me dis qu’il faudra que je les coupe.

Enfin, après trente minutes de souffrance physique, on commence enfin à taper la balle. Je me dépêche d’aller enlever ma montre oubliée au poignet, de boire un coup en essuyant la sueur coulant sur mon front. Revenant au terrain, je cherche du regard Antoine, mais il joue déjà avec un autre.

« Tu es avec moi ! »

C’est Florentin qui m'interpelle, un ballon au creux du bras. Nous commençons quelques échanges, bien vite, il comprend que je suis débutant, alors que moi-même, j’ai la confirmation que je suis le seul débutant ici. Joie.

Florentin tourne avec d’autres, donne quelques conseils. Achille va avec moi, ne m’économise pas dans ses tirs. Au final j’aime bien, c’est en jouant avec plus fort que soi qu’on apprend le plus vite. Il me fait des passes hautes, puis basses, commence quelques smashes, me pousse à courir pour rattraper le ballon et me conseille d’aller m’entraîner à renvoyer la balle contre un mur. Sur ce dernier point, je le suspecte de se débarrasser de moi pour aller jouer avec d’autres. Bah. Après tout, j’en ai besoin.

Vient alors le début du véritable jeu. Enfin c’est ce que je m’étais dit en nous voyant tous nous diriger vers les filets. Que nenni ! Nous sommes passés aux passes, aux tirs. Encore des entraînements… Je commence à me lasser, j’ai envie de taper dans la balle pour marquer des points, alors que je ne connais pas encore très bien les règles ni les stratégies classiques ou même les placements et rôles de chaque joueur.

Ce dernier exercice fut rude pour l’esprit quand je me rendis compte de l’écart de niveau entre nous. Tous savaient déjà jouer ! Mes tirs, mes passes, mes mouvements, je me sentais terriblement pataud comparé à eux.

Puis enfin, sur la dernière demi-heure, nous commençâmes un match en 4v4. Deux autres joueurs initialement au hand nous avaient rejoints pour permettre de jouer à huit.

Mon premier match !

Ce fut... éprouvant. Apprenant l’essentiel sur le tas, je pus tout de même m’appuyer sur mes coéquipiers. Bien que plus forts que moi, ils n'hésitaient pas à me donner des conseils pour améliorer mon jeu, sans me faire sentir que j'étais un poids. Même les joueurs adverses s'y mettaient, expliquant entre deux services les subtilités des règles.

Dans ce match en quatre contre quatre, je suis avec Antoine (victoire !) et les deux handballeurs. Nous avons en face le puissant Florentin avec Achille, Marc et Maxime. Rien qu’aux noms, vous sentez qu’ils imposent. À quatre, on joue en formation losange. Il y en a un au filet pour renvoyer et contrer, deux à la passe qui peuvent attaquer ou défendre et un en arrière, centré sur la défense. Je commence au filet, voyant les tirs fuser au-dessus de ma tête. Un… Deux… Trois !

3 – 0

Le handballeur au service les détruit littéralement ! Pourquoi il est au handball ?! Hélas, tout a une fin. Le quatrième tir arriva dans le filet, juste à côté de ma tête.

« S'cuse ! »

Je pousse un cri de surprise, tâche de me reprendre au plus vite en les voyant tous trois reculer, prêts à recevoir la balle. C’est Maxime qui sert, le service est rattrapé par Antoine qui me la passe. Je tente un renvoi sur lui, mais la balle n’est pas bien placée. Il tire comme il peut, s’assurant plus de la renvoyer dans le terrain adverse que de marquer le point. En face, ça ne perd pas l’occasion. Les passes s’enchaînent jusqu’à offrir une superbe opportunité à Florentin qui smash. Point pour eux ! La balle s’écrase entre deux de nos défenseurs impuissants, mal placés pour renvoyer. Je me sens inutile.

3 – 1

Refusant de céder, je me suis accroché, réussissant à faire quelques renvois utiles, rattraper des balles in extremis, et même faire un tir correct. Je me sens dans l'équipe, je pète carrément le feu !

Nous en sommes à 18 – 14 pour eux. On est au milieu du match avec une victoire à 25pts.

Vers le milieu de match, je m’en prend un premier en plein dans le ventre, de la part d’Achille. Ce premier tir reçu fut sans conséquence, pas comme le second. Je suis alors à la passe sur la gauche, venant tout juste de réussir mon service et donc galvanisé par ma récente action ! Le passeur en face est encore une fois Achille, le plus grand de la troupe, 2m15, sans sauter ! Florentin au filet lui fait une superbe balle, haute dans le ciel. Je le vois prendre son envol tel un ange guerrier, armer son bras en vue de déchaîner la colère divine ! Pris d’une hardiesse qu’on ne retrouve qu’au cœur des matchs serrés, je me jette à mon tour, levant les bras, ouvrant grand les mains pour parer le boulet de canon à venir ! Hélas, je ne ferme pas suffisament mon mur, laissant une grande et magnifique ouverture entre mes paumes tendues... pile sur ma tête !

Le smash d’Achille passa entre mes mains tel le ballon de rugby lors d’une transformation. Je me pris un coup sur le crâne si puissant que j’en fus étourdi, manquant de m'écraser face contre terre .

Finalement, alors qu’une cloche tambourine à l’intérieur de mon crâne, deux mains se plaquent contre mes oreilles, diminuant ma perte de repères. Lentement, j’arrive à reprendre conscience, entendant un lointain « Ça va ?! »

Je tente vaguement de repousser mon sauveur, cligne plusieurs fois des paupières avant de voir le visage d’Antoine tout proche du mien. Je grogne, manifestement un bon signe vu qu’il sourit avant de me forcer à m’asseoir, puis il me lâche enfin la tête, que je m’empresse de reprendre entre mes propres mains ! Aie aie aie.

Il me faut encore une poignée de secondes avant de voir le monde rassemblé autour de moi. Rapidement, on prend compte de mon état. Je vais bien ! Ouf. Bon, maintenant on engueule Achille qui n’a absolument aucun regret, m’aidant à me relever en me faisant un sourire agressif.

« Il va falloir mieux te placer pour la prochaine ! »

« Quand tu veux ! » lui répondis-je du tac au tac.

Tous éclatèrent de rire avant de retourner vers leurs affaires, je reçus même quelques tapes dans le dos. Le match est terminé ! On a perdu 25 à 23, mais quel match ! L’adrénaline s’évapore en un clin d’œil, je deviens euphorique, me rhabillant avec la lenteur d’un zombie, retournant au bus en mimant de claudiquer. D’autres gars de ma promo s'approchent. Ma petite histoire a déjà fait le tour des sportifs : le p’ti bizuth qui s’est pris un boulet d’Achille dans la gueule !

On remonte tous dans le bus, il est 21h35. J’échange vaguement avec d’autres A1, ouvrant enfin le contact tant recherché. Il ne manque qu’une chose à mon bonheur dans l'immédiat.

« J’ai oublié ma montre ! »

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Notes de l'auteur,

J’ai passé cinq ans dans mon équipe de volley-ball, commençant à enfin avoir un niveau correct vers la troisième année. Comme quoi, il ne faut jamais abandonner !

Après quelques séances, d’autres gars de ma promo m’ont rejoint, je n’étais plus seul au sport ! Plus que cela, nous nous sommes imposés à partir de la troisième année comme la promotion la plus forte de mon école au volley. C’est là ma plus grande fierté sportive. Jouer une finale sportive avec une foule de supporters en délire, c'est grisant !

Aujourd'hui, je continue ma passion sportive dans un club de volley. Je vous encourage vivement à pratiquer un sport d’équipe. Cette sensation, ces émotions quand on s’entraîne, quand on joue ensemble pour la victoire… Cet abandon quand on est dans la salle de sport, à se défouler en prenant du bon temps… On s’y forge se solides amitiés ! C’est probablement ce que je préfère le plus au monde pour me détendre, au volley ou dans un autre sport ! (mais plus le volley quand même, j’y ai passé un temps fou !)

Sportivement vôtre.

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