Réponse à Fred Larsen
Voici ce que Fred me demande: "(...) toi qui écris des polars montrant les côtés les plus noirs de l'âme humaine, penses-tu que cette noirceur est une source d'inspiration infinie et n'est-ce finalement que cette noirceur qui inspire ta plume d'auteur ? Ou tu pourrais aussi écrire des choses légères et pleines de bons sentiments (tu sais les trucs qui ont tendance à dégouliner partout) ?"
Bon pour répondre à ta question, j'ai déjà écrit mes "prestations de sévices", alors je suis capable d'écrire sur les trucs qui dégoulinent partout...
Quoi, comment ça c'est pas ce que tu voulais dire ?
Bon puisque j'ai initié tout ce bazar, autant jouer le jeu.
Je pense que cette noirceur est une source d'inspiration en effet, mais cela serait réduire tout ce qui peut me divertir et me donner à manger. Je crois fermement que ce qui m'inspire n'est pas spécifiquement la noirceur, mais tout ce qui nous fait rêver. Non pas que je rêve de meurtres et de situations tragiques, mais il m'est, depuis toujours, arrivé de voyager en pensée vers d'autres horizons, et ceux-là me comblent.
Je crois fermement que nous sommes pétris de souvenirs, d'envies et de rêves, pour oublier la forme la plus simple de notre raison d'être: il n'y en a pas. Alors pour supporter la vacuité de notre existence, le syndrome du "on n'est pas grand chose dans l'univers quand même", et comme je ne crois pas à un après, ni à un but dans la vie qui justifierait qu'elle soit, ni plus à un mission ou un destin, j'ai décidé de laisser voguer mon imagination vers ce qui ne m'entoure pas.
Je suis un homme heureux, bien dans sa vie, qui a trouvé les réponses qu'il se posait sur cette dernière, et qui s'aventure littérairement dans des terrains sombres et éloignés de son quotidien.
Cela valide aussi que les récits autobiographiques, historiques, feel good et autres réalités, sont pour moi d'un ennui mortel. Par exemple, je suis très friand de polars...sauf quand ils relatent une histoire vraie. Je trouve beaucoup plus d'intérêt dans la création imaginaire, qui montre de quoi un auteur est capable pour nous sortir de notre quotidien, que dans une oeuvre qui relate un réel bien trop quotidien, ou vécu, ou déjà éculé. Je n'aime pas l'Histoire, par exemple. Elle relate le passé, elle est d'une utilité capitale pour éclairer les hommes sur ce qu'ils ont fait, mais elle n'a aucune imagination, et ne me surprend guère. Les humains, tout comme les animaux (que nous sommes par ailleurs) sont ce qu'ils ont toujours été, et j'avoue avoir du mal à être surpris par leurs actes, considérés bons ou mauvais. Ce qui donne parfois une image de moi froide et détachée, mais j'assume !
Beaucoup sont surpris par une nouvelle guerre, par des récits d'anciens déportés, touchés par la dureté d'une répression, ou par une nouvelle fusée dans l'espace, par une nouvelle politique humaniste, par une association humanitaire...tout cela me touche, mais ne me surprend pas. J'aime être surpris, titillé, pris à contre pied, et l'imaginaire ne fait que cela.
Alors écrire sur des choses légères me demandes-tu ? Je crois en être capable, mais je ne pourrais m'empêcher d'y ajouter mon grain de sel, soit un petit twist qui déstabilise le lecteur, ou une situation improbable qui vient donner de l'eau à mon moulin, mais écrire une pure fiction réaliste ? Je ne pense pas pouvoir, je trouve la vie bien trop riche, les humains bien trop complexes et facétieux, et pourtant si simples à la fois, pour ne pas décortiquer tout ça. J'aime surprendre, être surpris, et je pense que beaucoup d'auteurs sont ainsi, ils veulent dépeindre des mondes, des histoires qui les sort de leur réel.
Par ailleurs, et c'est le deuxième point de cette réponse, j'ai un caractère à structures, de bâtisseur de labyrinthes, et tu le sais, j'ai le souci du détail, du petit clin d'oeil, de la petite référence. Je ne me vois pas écrire un texte sans ces titillements pour l'âme, sans chemins de traverse hors des sentiers battus. Or il me semble que souvent, les textes feel-good ont pour eux de vouloir créer une lecture fluide et simple, qui donne le sourire sans chercher à faire naviguer le lecteur en eaux troubles. Je suis un adepte inconditionnel du cerveau, de la réflexion, et la discipline "câlins pour l'âme" m'est assez étrangère, hormis avec ma famille et les gens proches de moi. Je veux donner du plaisir à mes lecteurs, mais pas du fast-food (attention, je n'ai rien contre, qu'il s'agisse de nourriture ou d'intellect, j'apprécie de temps à autre un burger comme un gigot de sept heures, et j'aime lire des polars comme des bêtises parfois pour le sourire, simplement je n'en écris pas).
Si je devais résumer, je te dirais que la source d'inspiration est dans l'Homme et ses travers, drôles ou sombres, et que je pourrais en effet écrire du dégoulinant, avec un pas de côté. En somme, puisque ta question sur "comment" on écrit trouvait une réponse chez moi à travers la musique, je suis naturellement enclin à faire du progressif, et si je me mettais à la pop, il lui faudrait ce côté pointilleux et décalé qui titille, comme Michaël Jackson savait si bien le faire, ou Queen qui te pond Another one bites the dust, basique au possible mais entraînant, mais aussi et surtout Bohemian Rhapsody, ou la trilogie Tenement Funster/Flick of the wrist/Lily of the valley pour ceux qui connaissent.
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