16 – Ney : Opération « Petits petons »
Ney avait rapidement détourné la discussion à son avantage : quel qu’ait été le niveau du logiciel de sociabilisation du mercenaire, il n’avait pas fait le poids face aux compétences de la peluche. Sans s’en rendre compte, un lapsus lui avait fait avouer l’enlèvement. De façon indirecte bien sûr, mais il n’y avait déjà plus de place pour un doute raisonnable.
Elle sait maintenant que l’enfant est le fils unique d’un financier influent sur Terre qui, pris dans une affaire juridique tendue, l’a envoyé dans les colonies pour l’y mettre à l’abri. Le mercenaire, lui, fait partie d’un groupe engagé par des adversaires du papa. L’hyper-hybride devine qu’il s’agit probablement de l’une de leur première mission : ils ont quelque chose à prouver et pour faire affaire avec la Terre, il faut soit mésestimer les terriens, soit travailler pour Aesir. Et dans le cas présent, la seconde option se montre terriblement improbable.
Un autre élément intéresse Ney : ils ne semblent pas contrôler non plus le réseau. De ce que son interlocuteur lui a révélé, malgré lui, le réseau lui semble véritablement hors service. Malgré tout, la technophile n’est pas de cet avis : celui qui parviendra à restaurer les nœuds aura le contrôle du réseau. Jusqu’à ce que les services techniques viennent pour réparer le merdier qui s’agite dans les câbles. Ou la sécurité, suivant la suite des événements.
Après cet entretien particulièrement instructif, Ney quitte les deux personnes et se dirige vers sa chambre. Là, elle sort quelques outils de son petit sac et entreprend de démonter méthodiquement le relais SolNet placé juste sous le plancher. Le dispositif est standard : du matériel de Suan datant de trois ans tout au plus. Une bande passante de plusieurs centaines de pétaoctets à la seconde. Pour le réseau câblé, quelques exaoctets. De quoi faire passer une dizaine d’éthérés à la minute.
La mémoire du relais extraite, Ney la connecte à un petit lecteur custom sur lequel elle lance divers tests d’intégrité. Assise sur le sol devant le trou formé par l’absence de la dalle qui repose à côté, Ney examine les données. Un virus, un simple virus a transformé tout le réseau de l’hôtel en une masse de câbles et de processeurs inertes. La mauvaise nouvelle c’est qu’il faut réinstaller les firmwares sur tous les appareils. La bonne nouvelle, c’est qu’elle peut mettre le sien et de fait gagner le contrôle absolu dessus.
Ney efface soigneusement la mémoire de l’appareil – et par soigneusement, elle entend un formatage bas niveau à multiples passes. Pendant le processus, elle réfléchit à un moyen d’automatiser le déploiement de son firmware : elle ne peut pas non plus démonter tous les relais de l’hôtel. Étudiant le virus, elle s’aperçoit finalement qu’il dispose d’une erreur de conception permettant un débordement de mémoire qui pourrait permettre de prendre le contrôle du programme malicieux et donc de l’appareil. Normalement, le noyau superviseur arrête automatiquement les processus qui s’adonnent à ce genre de bêtise, mais pas de chance pour lui : le virus lui a déjà fait la peau.
La technophile met au point son firmware et l’exploit du virus. C’est une attaque simple : pas de glace à franchir, pas de superviseur, personne pour remarquer quoi que ce soit. Au bout de quelques minutes, le premier relais contaminé est sien, une demi-heure plus tard : le réseau zombi lui obéit telle une invocation à son nécromant. L’image est bien choisie pense la peluche : après tout, le réseau était mort, dévoré par des vers numériques.
Une fois le réseau récupéré, Ney s’accapare les données de surveillance. Avec, elle peut suivre chaque personne dans l’immeuble, plus particulièrement l’enfant. Pour le moment, il est enfermé dans sa chambre. Aucun autre agent semble présent dans l’hôtel mais le mercenaire a un entretien avec un membre de la sécurité. Ce n’est pas une bonne nouvelle : si la sécurité de la station est de mèche, Ney ne pourra pas compter sur eux, même avec des preuves.
Il faut extraire l’enfant de la station. Dire que Nightly aurait pu faire ça si facilement… Se seraient-ils trompés sur l’affectation des missions ? Ney avait-elle vraiment quelque chose à voir avec ça ?
« Bon. Ce qui est fait est fait. Préparons la suite. », se convainc la technophile.
Neutraliser le mercenaire sera la première étape : le prendre par surprise et lui injecter le virus du réseau dans les circuits devrait le mettre hors d’état de nuit. Une arme aurait sans doute été plus pratique et moins risqué, mais on a les outils qu’on a. Ceci fait, il sera possible de conduire l’enfant hors de la station. La première navette venue fera l’affaire. Hors de la station, il sera possible de le confier aux soins des services de sécurité de Suan qui sauront gérer l’affaire. Les corporations ressemblent peut-être à des entités impersonnelles et implacables, mais elles ne tolèrent pas qu’on s’en prenne aux civils. Elles le protégeront.
Maintenant, reste l’exécution.
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