Au grand réconfort d’Idle, Feyn s’est très rapidement remis sur pied. Avoir été commandante quelques heures lui a plu, mais elle-même l’avoue : seule Akasha savait quoi faire. Et même si ça s’est plutôt bien passé sous son commandement, la nevian manque d’assurance pour occuper cette fonction. C’est un fait : les responsabilités ne sont pas pour elle.

Feyn, lui, sait ce qu’il fait : il a été entraîné pour ça. Être un astronaute. Maintenant, Idle se demande comment lui expliquer ce qui s’est passé. Mais pour le moment elle le regarde examiner le boîtier endommagé qu’il a ramené de là-bas. Le choc thermique avait fait sauter la partie de l’électronique qui n’avait pas volé en éclat lors de l’impact des torpilles.

Comme victorieux, il brandit un petit module, une sorte de petite boîte en métal sans ouverture de laquelle des fragments de minuscules câbles semblent émerger.

« Ça devrait être bon. Akasha peux-tu relier cette mémoire à la console d’étude ?

– Bien sûr commandant », répond l’IA qui exécute l’ordre attrapant le module avec de petites pinces mécanisées. Elle commence à effectuer de nombreuses soudures à base de nanite, connectant ainsi les innombrables petits filaments de l’étrange appareil pour le relier à la console de Feyn.

L’opération prend quelques minutes et occupe toute l’attention d’Idle : la régularité des petits bras en synchronisation parfaite avec les petites buses de soudure rend l’activité presque hypnotisante. Ceci terminé, Feyn active la console avec une appréhension palpable. Quelques instants s’écoulent et rien…

« Akasha, on dirait que cette mémoire n’est même pas initialisée… Je lance une étude statistique pour essayer de retrouver des sections qui n’aient pas été endommagées. »

Comme pour passer le temps, Feyn affiche les enregistrements de son expédition à l’intérieur du Bearington. Plus particulièrement, il s’attarde sur plusieurs gros plans des trois passagers littéralement gelés dans le temps. Leur expression semble neutre et, sans la légère couche de givre sur eux, ils auraient encore l’air concentré sur leurs tâches respectives. Figés dans l’instant.

« C’est très étrange », répète Feyn à mi-mots. Il se tourne vers Idle et lui demande : « As-tu déjà entendu parler de l’Héméra ?

– Non. C’est quoi ?

– C’était un vaisseau qui a disparu en 75, dans les premiers temps de la colonisation. On ne l’a retrouvé que trois ans plus tard. Ce qui était étrange à l’époque, c’était qu’il avait été retrouvé sur une orbite très différente de celle sur laquelle il était à l’origine. Évidemment les gens de HIARTech – c’était un de leurs vaisseaux – l’ont ramené autour de Mars pour l’étudier et comprendre ce qui s’était passé.

– Il était tout glacé comme celui-là ? demande Idle avec une certaine ironie.

– Si c’était le cas, il avait dégelé avant qu’on ne le trouve. Mais ce qui était remarquable, entre autres, c’était que tout le vaisseau avait été éteint. Il n’y avait aucun dégâts et même les passagers étaient encore à leur poste, mort mais sans la moindre trace de décomposition.

– Et la mémoire des appareils a été effacé ? associe la nevian.

– Oui, aucun journal ce qui était d’autant plus étrange que même certaines mémoires mortes l’avaient aussi été et…

– Et les gens dedans ? le coupe Idle.

– Oui Idle.

– Tu penses qu’il s’est passé la même chose ?

– Je ne sais pas, se perd le raton laveur.

– Feyn ? Il y a quelque chose qui te fais peur ? s’inquiète Idle.

– C’est sur l’Héméra qu’a été découvert l’implant psi. Dans la tête d’un des passagers. Personne ne sait qui l’a fabriqué ni pourquoi il a été retrouvé dans la tête de ce pauvre gars. L’Héméra restera à jamais associé à l’implant. »

Sur ce constat, le commandant se perd dans ses pensées. L’analyse se termine et le résultat est sans appel : 100 % de zéros. Et sur une mémoire qui ne peut, par conception, que s’écrire sans jamais être écrasée. Que cache donc le monstre auquel Akasha s’accroche au milieu vide et des ténèbres de l’espace ?

Idle, consciente de son désarroi, l’étreint gentiment.