30 – Nightly : Vers les ténèbres

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La voici à l’entrée du sas extérieur du WLD-GS-59 dans son vaisseau personnel propulsé par la seule force de son esprit, ou plutôt de son implant. Lors de la dépressurisation du sas, Nightly s’était attendue à ressentir quelque chose mais alors que l’interface de l’armure indiquait la baisse et la disparition de l’atmosphère autour d’elle, celle-là avait complètement compensé la différence de pression en se resserrant. Avantage d’une armure militaire : la pression de l’air qu’elle respire est à une atmosphère et la composition de l’air est adaptée à la situation.

L’équipe avait insisté pour qu’elle prenne plus de matériel que nécessaire et la voilà harnachée avec en plus un fusil d’assaut démesuré. Heureusement, Tsadir lui a épargné le monstrueux jet pack.

Elle se lance, d’abord doucement, puis se concentrant sur sa propre perception à travers son implant elle se dirige vers la station, contournant le vaisseau. Pour la guider, de nombreux marqueurs et points de passage s’affichent dans l’espace au travers de l’interface de la combinaison. L’affichage infrarouge, plus adapté en faible lumière laisse paraître un monde sans couleur. Au-dessus d’elle, Europe occupe presque la moitié de son champ de vision. Gigantesque et inatteignable.

« 59 à A1, le radar détecte du mouvement depuis la station : on dirait qu’une navette s’était abritée derrière. », annonce le commandant de la canonnière.

L’enfant observe la scène avec appréhension, l’appareil émerge lentement des panneaux de dissipation thermique où il s’était abrité. De sa position Nightly ne distingue pas grand-chose, heureusement, les caméras de son armure lui offrent un agrandissement : ses maigres connaissances ne lui permettent pas de déterminer s’il s’agit d’un vaisseau militaire bien que la base de données de sa tenue semble exclure la présence d’arme.

« La navette semble accélérer pour s’enfuir et refuse toute communication. Dois-je l’arrêter ? », demande l’artilleur de la corvette. Tsadir répond simplement : « Oui. »

« Ok. A1 : prenez rapidement couvert derrière 59, nous allons ouvrir le feu ! »

Ne se faisant pas prier, la justicière en armure fonce derrière le puissant béhémoth d’acier. S’ils utilisent les canons de l’appareil, la petite navette ne sera plus qu’un champ de débris dans quelques instants.

Sur son affichage tête haute, la carte tridimensionnelle, lourdement annotée de marqueurs et repères visuels, montre les informations produites par le lidar du WLD-GS-59. Curieusement, la corvette ne pointe pas vers la navette mais une série de tirs tracés, comme des lignes jaunes dans l’interface, partent de nombreux points de l’appareil et atteignent la navette qui cesse d’accélérer. Mais pas de dériver au loin, pense Nightly.

« A1, attendez sept secondes puis allez inspecter ce qui reste de cette navette. », indique la voix de Tsadir. Ces quelques secondes passent lentement, sur son propre radar de proximité quelques débris passent : la corvette a absorbé tous ceux qui auraient pu l’atteindre. Le délai passé, elle se lance. Son interface affiche de nombreux marqueurs, identifiant tous les débris de taille significative autour d’elle. Préférant ne pas éprouver la solidité de son armure, elle les évite avec soin.

S’approchant, Eve constate les dégâts : toute la section des moteurs de la navette a été pulvérisée. Une batterie a aussi dû être touchée et l’explosion a éventré une partie de la section arrière du vaisseau qui dérive soumis à une rotation modérée. Eve se rapproche encore : il n’y a déjà presque plus de débris : la plupart se sont déjà éloigné suffisamment pour ne plus être tracés par sa combinaison.

Son implant commence à lui fournir de nombreuses perceptions : la navette est à moins de trente mètres maintenant. L’enfant sent croître une petite boule au ventre au fur et à mesure que les restes de la navette grandissent dans son champ de vision.

Elle touche enfin la surface de l’appareil : seul l’arrière a visiblement été touché. Le reste semble intact. Volant jusqu’au niveau de l’écoutille principale en accompagnant la rotation de l’appareil, Eve constate qu’elle est grande ouverte. Sans passer devant, elle se plaque à côté et étudie ce que les sensations de l’implant psi lui remontent. Du mouvement : quelque chose se déplace à l’intérieur et semble évoluer vers le sas.

« Ici A1 : il y a quelque chose qui se déplace dans la navette, annonce l’enfant.

– A1 : pouvez-vous nous le marquer ?

– Je peux vous en donner la position oui, répond Nightly ajoutant un marqueur via son interface.

– A1 : restez en arrière quelques instants. »

Les caméras de la canonnière continuent de la suivre et les images transmises lui donnent un autre point de vue. Visiblement l’équipe de Waylanders attend une position favorable pour voir ce qui se trouve dans le sas d’accès. Poursuivant sa lente rotation, le vaisseau expose finalement l’intérieur de son sas : sur l’image un homme équipé d’un respirateur est posté à l’entrée avec un fusil d’assaut.

« Nous le voyons A1. Mettez-vous à couvert au niveau du marqueur cinq. Nous allons vous débarrasser de la menace. », explique le commandant Dannis.

L’enfant s’exécute et se positionne à l’emplacement indiqué, accompagnant toujours la rotation de l’épave. Sur son interface, un seul tir est signalé d’une ligne jaune presque furtive. Sans elle, Nightly n’aurait pas même su qu’il y avait eu un tir. Sur les images, le sas n’est plus visible.

« Attendez un peu qu’on ait un nouveau visuel, indique la canonnière.

– Avec quoi vous avez ouvert le feu ? Je veux dire, les canons du WLD-GS-59, ils ne sont pas censés être capable de pulvériser une corvette en un seul tir ?, demande Nightly.

– Si bien sûr, mais à cette distance et sur du matériel civil, les tourelles de défense anti-torpilles sont très efficaces vous savez. Bien, tenez-vous prête A1, nous allons bientôt avoir un nouveau visuel du sas. », termine le premier officier.

Les images issues de la canonnière montrent alors à nouveau le sas : l’homme y est plaqué contre l’un des bords du sas par la force centrifuge. Une partie de son corps semble manquante.

« Vous pouvez-y aller A1. Restez prudente. »

Eve s’envole à nouveau, le fusil pulseur lourd à l’épaule. Sondant ses sens exotiques, elle ne perçoit aucun autre mouvement et commence à se déplacer vers l’entrée de la navette. Les lampes infrarouges éclairent abondamment l’intérieur de l’appareil.

Soudain un autre homme apparaît, lui aussi équipé d’un respirateur et lui lance quelque chose. Par pur réflexe, Nightly esquive le projectile et riposte d’une rafale. Avec ses trente balles à la seconde, l’arme génère un recul impressionnant que l’enfant peine à compenser. Désorientée quelques instants, Eve récupère son attitude. Entre temps : l’homme a disparu. Aucune trace de lui, même au travers de son implant.

« Ici A1 : j’ai un problème, déclare l’enfant.

– Nous avons vu A1. Arrivez-vous à le localiser à travers votre… implant de super héroïne ? demande Dannis.

– Hein ? Heu, non. Et c’est n’est pas normal, confirme Eve.

– Nightly, reprend Tsadir, prends un couvert et respire. As-tu encore l’objet qu’il a lancé à portée de tes sens ?

– Non. Mais je peux essayer de le chercher : j’ai sa trajectoire approximative et je n’ai qu’à m’en approcher à trente mètres pour le retrouver.

– Fais-le : nous on garde la navette en ligne de mire. Commandant : si jamais vous revoyez ce type, faites-en de la purée, ordonne la solar wardner.

– Vous le connaissez ? demande le commandant.

– Ce n’est pas le moment d’en discuter, le coupe net la samouraï.

– Je comprends. Les PDC sont orientés et prêts à désintégrer ce qui s’y trouverait. », indique le premier officier.

Nightly s’élance à nouveau à travers le vide dans la direction où l’objet a été lancé. Rapidement, elle le retrouve et s’en approche avec appréhension. Une fois à portée de vue elle constate qu’il s’agit d’une pièce de matériel cybernétique, semblable à un module de sauvegarde.

« Ce n’est pas ce que je pense, si ? s’étonne Eve.

– Rien n’est encore joué. Il faut déjà en finir avec cette navette, indique Tsadir.

– Il y a des poches sur cette combinaison ? demande Nightly

– A1 : vous trouverez un compartiment pour les échantillons au niveau du ventre, explique le docteur Emmanuel.

– Trouvé ! Merci, confirme l’enfant.

– A1 : Revenez sur le marqueur 5, nous allons l’avoir à l’usure. », termine le commandant Dannis.

Sa combinaison lui indique une autonomie d’environ vingt heures et dix-sept minutes. L’homme avec son respirateur dans sa navette dépressurisée n’en a même pas pour les dix-sept minutes.

À l’usure donc ? Ça lui va, un peu de calme ne lui fera pas de mal.

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