48 – Feyn : Un repas de famille
Le médecin assisté de sa cohorte de robots lui avait encastré le poignet dans une attelle. La poigne d’Idle et le choc au moment où elle avait réussi à prendre prise lui avaient déboîté l’articulation. La petite avait cherché à se faire pardonner de milles câlins sous le regard amusé de Ney, et ce même s’il lui avait bien expliqué qu’elle lui avait tout simplement sauvé la vie. Soixante-dix mètres, même à un sixième de G, ça reste potentiellement mortel.
Les quelques drogues injectées allaient favoriser une récupération en deux jours. S’il avait besoin que ce soit plus rapide, il pouvait passer à l’infirmerie centrale, mais comme pour oublier l’événement le plus rapidement possible, il avait décidé d’accompagner Ney et les autres Nevians. Et puis, Idle avait tellement insisté.
Passant par les parcs, le groupe se rend dans la tour. Feyn ne se considère pas comme un fin psychologue, loin de là, mais il remarque très clairement la tension au sein du groupe. Malgré tout Ney semble particulièrement encline à propager sa bonne humeur. Idle, qui se tient entre elle et Feyn les reliant par une chaîne de mains tenues, semble profiter d’une certaine allégresse.
L’intérieur de la tour rappelle les vieux centres commerciaux de la Terre au début du siècle. La publicité et la saleté en moins. L’architecture y est impressionnante et il se dit qu’il est bien heureux que les architectes de ces plafonds n’agencent pas les sols de la même façon. Feyn se demande si tout le monde pense la même chose, où s’il s’agit de ses habitudes des environnements en zéro G qui resurgissent.
Sans être bondé, le centre de loisir à la base de la tour semble rassembler une grande partie des habitants de la colonie. Les terrasses des restaurants sont malgré tout à demi-vide, comme surdimensionnées. Le centre propose de nombreux loisir, notamment un ensemble de salle de stims, mais aussi un véritable centre sportif.
Enfin, ils parviennent au petit café tant attendu. Devant l’entrée une fillette les attend : Ney l’appelle Nightly. Après quelques présentations, le petit groupe s’installe à une grande table placée dans un coin abrité par une banquette. Le groupe commande rapidement : les nevians se contentent d’un gel nutritif plutôt standard tandis que Feyn se rabat sur un tartare de saumon accompagné de haricots. Évidemment, aucun animal ou légume n’a été blessé dans l’opération de cuisine : les délicieuses chairs sont issues des synthétiseurs, versions spécialisées des constructeurs universels. Nightly de son côté prend des galettes riches en graisses et protéines très vraisemblablement insipides, mais « l’enfant », à l’image des nevians, semble avoir un contact plus pragmatique avec la nourriture. Finalement, Feyn excepté, tous ne sont là que par pure convention sociale.
Un message de la sécurité lui parvient et visiblement, à leur activité, les autres convives l’ont aussi reçu. Il s’agit d’un rapport bref qui dit en substance que l’agresseur a été retrouvé et mis hors d’état de nuire – abattu donc, ils auraient employé le terme « arrêté » sinon. Cette nouvelle semble perturber l’enfant qui consulte quelques documents invisibles comme les mouvements de son petit doigt semblent l’indiquer.
Le repas se déroule sans encombre et les nevians semblent beaucoup échanger par réseau, n’employant pratiquement la voix que pour s’adresser à Nightly, Feyn et, curieusement, Idle. Le goût du poisson, mais surtout la texture, lui avaient beaucoup manqué durant le vol : en l’absence de pesanteur, il préfère utiliser des rations emballées, réduisant considérablement le nettoyage après les repas. Et puis, sans la gravité, le repas est moins agréable même s’il n’a plus les soucis de congestion qu’il avait du temps où il occupait encore son premier corps, celui d’un homo sapiens.
Durant le repas, la fine équipe prend grand soin d’éviter toute discussion concernant les affaires en cours, seuls les récits sur le sauvetage héroïque qui avait conduit Idle à effectuer sa première EVA occupent les discussions.
Le repas terminé, L’équipe se sépare : Ney reste avec Feyn et la petite astronaute, tandis que le reste s’en va pour reprendre leurs affaires. Du peu que Feyn en a compris : quelque chose d’assez grave est en train de se produire. La digestion s’effectue dans un des parcs, sous le feuillage qui atténue fortement l’éclairage vif du soleil simulé par le dôme. Au niveau de Saturne l’éclairage naturel est quatre-vingt-dix fois moins fort qu’au niveau de la Terre. Pire encore, une épaisse couverture nuageuse permanente enserre complètement Titan. Heureusement, l’éclairage artificiel a fait de nombreux progrès et celui de la cité donne l’impression d’être éclairé par le soleil sous un véritable ciel bleu.
Un autre message lui parvient, de la capitainerie de Sympan, le formidable chantier spatial qui héberge, entre autres, son Akasha. Le message est particulièrement court et pourrait se résumer par : « Nous avons un problème avec votre vaisseau. Prenez contact le plus rapidement possible avec nous. »
De nouveaux ennuis ? Mais et ces vacances promises ?
Annotations
Versions