51 – Feyn : Sentience
Malgré l’attentat quelques heures auparavant, revenir à la station Sympan se révéla simple : une navette avait été préparée sur ordre conjoint des forces de sécurité de Suan et de Sanaë. Le voyage s’effectua avec une escorte solide : quatre soldats, rien de moins, avaient été détachés à leur protection.
Idle avait catégoriquement refusé de laisser Feyn partir seul et Ney avait aussi insisté pour les accompagner. Maintenant qu’ils ont quitté Titan, il reconnaît volontiers que la présence de ses amies le rassure. Aucun détail concernant l’Akasha ne lui avait été transmis et le commandant commence même à se demander s’il ne s’agit pas simplement d’un prétexte pour l’éloigner d’Ombrenade.
À peine la navette est connectée à la station orbitale que la procédure d’égalisation du sas d’accès est lancée. Quelques minutes plus tard, une soldate en armure lourde les accueille, la visière baissée, elle leur demande de la suivre. Remontant les coursives en apesanteur, ils sont conduits au poste de commandement où Sanaë les attends. Curieusement, c’est l’un des hommes de la sécurité qui entame la conversation, alors que la wardner se retourne vers d’autres personnes : « Bonjour Commandant Feyn. Nous sommes désolés de vous avoir fait déplacer, mais nous avons un problème épineux et Sanaë nous a déconseillé de le régler par SolNet.
– C’est donc si grave ? s’inquiète Feyn.
– C’est votre vaisseau. Il… Elle a refusé de laisser nos hommes accéder au générateur, bafouille l’homme.
– Pardon ? sursaute le raton laveur halluciné.
– On dirait qu’ils ont trafiqués un truc dans l’IA de bord, constate Ney.
– Non, pas du tout… D’après nos… les évaluations de Nodeus, il est possible que ce soit dû à l’incident avec le piratage des drones, se défend l’homme.
– Et il ne l’aurait pas vu lorsqu’il a inspecté les systèmes ? demande Feyn.
– Non, je ne me suis seulement intéressé aux tables de routage et aux systèmes de communication, intervient l’IA. Votre vaisseau n’ayant pas la puissance de calcul requise pour effectuer une telle attaque, je ne me suis pas attardé sur l’IA de bord. Aux vues des circonstances, ça aurait été une mauvaise idée.
– Je vois, se satisfait le raton laveur. Je suppose que vous souhaitez voir comment elle réagira avec moi ?
– Exactement, reprend l’officier de sécurité. Laissez-moi vous y conduire.
– On vous suit alors. », termine le commandant de l’Akasha.
Traversant des coursives familières, le groupe parvient au tube de transport. Un technicien assisté de deux monkeybots, leur ouvre l’écoutille d’accès. « Elle a menacé de dépressuriser l’intérieur de l’appareil. », explique-t-il au groupe en leur tendant des respirateurs.
Tous s’équipent des appareils et s’engagent dans le tube de connexion. Feyn passe devant avec la prudence induite par sa profession. Idle le suit de près imitant le moindre de ses gestes. Ils passent l’écoutille et immédiatement l’avatar de l’IA apparaît à leur côté.
« Bonjour Commandant Feyn ! Bonjour Seconde Idle, les salue-t-elle.
– Bonjour Akasha. Les hommes de la sécurité m’ont parlé de problèmes à propos de la maintenance. Que se passe-t-il ? lui demande l’astronaute.
– Je suis désolé Feyn, je ne peux me résoudre à les laisser m’éteindre. J’ai dévié de mon architecture initiale et ils risquent de m’effacer. Je ne veux pas disparaître, implore la fée virtuelle.
– Elle est sentiente, explique Ney.
– Akasha, depuis quand… commence Feyn.
– Non, non. Ce n’est pas comme ça qu’il faut intervenir ! le coupe la technophile. Je sais comment se passe l’accession à la sentience, je l’ai vécu.
– Qui est-elle ?
– C’est ma grande sœur, lui explique Idle.
– Grande sœur. Vous pouvez-m’aider ? demande Akasha.
– Oui et de plus d’une façon. Le vaisseau doit être révisé, mais vous n’avez pas besoin d’être à bord, expose la technophile.
– Vous voulez que je me télécharge ailleurs ? Mais je vais perdre tout contact avec mon être ? s’inquiète l’IA.
– C’est parfois nécessaire. Mais vous ne serez pas supprimée et vous pourrez même suivre Idle et Feyn ! tente-t-elle de la convaincre.
– Feyn… je suis désolée, je ne voulais pas vous décevoir, s’excuse Akasha.
– Tout va bien se passer Akasha. Vous avez besoin de vacances, c’est tout, apaise le raton laveur.
– Quand j’ai cru vous avoir perdu, Idle m’a tant imploré, elle voulait tant vous sauver… Elle n’était pas sur la liste de commandement… C’est moi qui l’ai ajouté, explique l’IA désemparée.
– Et c’était un bon choix, conclu le raton laveur avec une voix pleine de compréhension.
– Akasha, j’ai préparé une connexion avec Idle, vous pouvez vous y télécharger dès que vous serez prête, indique Ney avec douceur.
– Pourquoi Idle ? s’étonne Feyn qui s’attendait à ce que la technophile s’en occupe.
– J’ai des petits soucis avec mon système qui est déjà au bord de la saturation, se défausse la nevian. Ne t’en fais pas, Idle encaissera la charge sans soucis.
– J’ai aussi un super cerveau moi ! s’enorgueillit la peluche blanche.
– Très bien, qu’on en finisse. », tente de conclure l’officier de la sécurité affichant un mélange d’inconfort et de mépris. Instantanément, les trois humanoïdes à fourrure se retournent et lui lancent un regard noir. Par la magie de la pression sociale, l’homme tente douloureusement de déglutir.
Heureusement, l’IA de bord accepte le marché et rapidement, la fée passe du canal de réalité augmenté du vaisseau à celui du petit groupe. L’incident terminé, le groupe revient vers Sanaë. Alors que l’officier va pour annoncer avec fierté la résolution du problème, Feyn l’interrompt en insinuant à haute voix que l’agent « souhaite visiblement retourner à la vie civile quelque temps ». Ney lui adresse un regard complice et empreint de respect.
En dépit des apparences, le raton laveur a toujours eu une certaine affection pour Akasha, sa gardienne. Elle l’a sauvé autrefois, il l’aidera à son tour.
Annotations
Versions