L’enveloppe de Zut n’existait plus. Avec Scrap, les deux nevians plaqués contre la coursive peinent encore à réaliser leur situation. Le système automatisé de la porte referme l’ouverture maudite. Les verrous en place, Nevi se jette sur les restes de son ami. Seul son bras gauche est encore identifiable. Les autres morceaux ne sont plus que des filaments et des fragments.

Trend a observé la scène, impuissant. Toujours émulé par le cerveau hyper hybride de Nevi, il ne peut pas se manifester à d’autre qu’elle sans une connexion réseau. Pour le moment, il se fait discret : Nevi vient de vivre un événement très douloureux et le wardner n’a aucune idée de comment l’aider.

Scrap lui pointe un morceau particulier. Enrobé dans la gelée de ce qui était le cerveau du nevian, elle découvre l’implant mémoriel de son ami. Une rayure profonde dans le boîtier montre qu’il a été directement touché, mais celle-ci n’est pas assez profonde pour avoir compromis la sauvegarde. Trend ressent un grand soulagement.

« Tu peux l’extraire Scrap ? demande Nevi.

– Oui, mon matériel est encore en assez bon état, confirme-t-il.

– Tu peux l’émuler ? se renseigne la nevian.

– Oui, pas toi ? s’étonne Scrap.

– Non, j’ai encore Trend avec moi, explique-t-elle.

– Avec le blackout, je l’avais complètement oublié. Transmets-lui mes excuses. Je vais me mettre au travail. », termine le nevian au sac à caducée.

Les deux nevians s’asseyent contre la paroi, pour éviter de se retrouver sur la ligne des tirs, si la porte venait à s’ouvrir à nouveau. Avec l’aide d’une petite lame, Scrap nettoie consciencieusement le module de sauvegarde. La pièce entièrement cybernétique n’a visiblement pas souffert de l’EMP. Après tout, ces appareils sont conçus pour résister à l’apocalypse : même à cent mètres de l’épicentre d’une explosion thermonucléaire, ces modules ont des chances conséquentes de survivre. Heureusement pour Trend d’ailleurs.

Le wardner apprécie enfin le véritable travail du médecin des nevians : comme Ney, ses doigts répondent avec une précision et une rapidité que même son enveloppe habituelle ne pourrait égaler. Ses gestes témoignent d’un savoir-faire exceptionnel, ou de logiciels à la pointe. Dans les deux cas, l’opération se déroule sans accros. Et finalement, il parvient à se connecter au module à travers un bracelet à induction et une dizaine de minutes plus tard, il annonce : « J’ai récupéré Zut. Il va bien et il me dit qu’il a eu le temps d’enregistrer quelques images de ce qu’il y a de l’autre côté. »

Des peluches pour tenir compagnie à de jeunes enfants et prendre soin d’eux. Leur conception est complètement excessive, constate le wardner. Quelqu’un chez Elmtech a développé plus que de raison la prochaine étape de l’évolution des enveloppes et ces créatures ont des réflexes capables de rivaliser avec ceux des systèmes automatisés les plus optimisés.

Le nevian sort une petite console de son sac et Nevi l’aide à la démonter. À l’intérieur, une partie du système électronique a grillé et Nevi regarde Scrap avec un air voulant dire : « Tu peux le réparer, dit ? ». Mais le nevian secoue lentement la tête de gauche à droite.

Si seulement Ney était là…

Ils sont restés assis là, pendant presque une demi-heure, essayant de réparer l’appareil, Zut guidant vraisemblablement Scrap. Mais même Trend, qui s’est assis par solidarité, réalise qu’ils n’iront nulle part ainsi.

La porte, celle qu’ils ont empruntée en venant, s’ouvre et Nevi dégaine et vise les visiteurs d’un réflexe si rapide que Trend a l’impression que son environnement s’est mis à laguer. Deux personnes en combinaisons spatiales aux couleurs de Suan s’approchent. Le premier porte un fusil mitrailleur tandis que le second, beaucoup plus petit, porte une sorte de baguette.

« Nevi, Scrap ! hurle de joie la petite personne.

– Ney ? s’étonne Nevi, une larme coulant sur sa joue. ».

Les deux nevians courent l’une vers l’autre et s’étreignent avec force. La grande astronaute retire son casque et Trend reconnaît la femme : « Greenstar » dit-il mais seule Nevi peut l’entendre. Ney relâche son amie et la regarde tendrement dans les yeux : « Que vous est-il arrivé ?

– On a pris un EMP, ça a grillé nos armes, nos combinaisons et nos systèmes de communications. On ne sait pas où est Nightly, seulement qu’elle a probablement été enlevée pendant notre blackout. Et on a perdu l’enveloppe de Zut.

– Mes pauvres… s’indigne Ney. Voyons. Un problème à la fois. Commençons avec vos communicateurs. », explique Ney.

La technophile déploie son nuage de foglets et matérialise l’anatomie d’un nevian. Focalisant la vue sur l’oreille gauche, elle pointe une série de filaments reliés à un petit organe au ras de la peau. Scrap observe avec attention. Ney lui explique que les filaments ont probablement brûlés à la base mais qu’il est possible de les reconnecter avec une opération simple. Immédiatement, Nevi demande : « Commencez par moi, si ça doit rater je préfère que ce soit moi. ». La technophile accepte et effectue l’opération qui s’avère être rapide : une incision au ras de l’oreille, puis avec une petite pince elle reconnecte chaque filament en les tirant vers le bas. « Seule une machine peut avoir une telle précision » remarque intérieurement Trend. Une fois terminé, elle utilise un peu de medigel pour refermer l’ouverture. Immédiatement, Nevi se reconnecte au réseau des nevians et Trend constate le succès de l’opération lorsque Ney et Greenstar lui souhaitent le bonjour.

La nevian réitère l’opération sur Scrap avec la même maîtrise. Une fois reconnecté, Zut apparaît à son tour. Après des retrouvailles en bonne et due forme, le nevian fantôme projette ce qu’il a vu en réalité augmentée. Immédiatement, Nevi, Trend et Greenstar réagissent : c’est un robot de défense lourd. Semblable à un énorme scarabée noir, il emporte deux mitrailleuses lourdes sous son épaisse carapace. La nevian guerrière explique succinctement : « Merde. Une arme capable de faire un trou dans son armure serait capable de raser le bâtiment… ».

En réponse, Ney se retourne et commence à se diriger vers le hangar. Elle y a vu quelque chose qui pourrait servir, leur annonce-t-elle.