Sur le Bateau
Peyre et Zinele s’était faufilé parmi les caisses stockées dans la soute du navire. Maintenant que la nuit était tombée depuis plusieurs heures, il y faisait froid et sombre. De temps en temps on entendait les trottinements des rats ou souris qui cherchait quelques nourritures parmi les caisses entreposées là.
« On est tranquille pour quelque temps temps pourvu que l’on ne fasse pas remarquer » dit Peyre, se voulant rassurant.
« Tu as vu comme le moussaillon regardait de notre côté, j’ai bien peur qu’il nous ait repéré, nous ferions mieux de nous tenir sur nos gardes. » lui répondit sa compagne d’aventure, très observatrice comme a son habitude.
« Tant que le bateau ne sera pas en pleine mer, je ne serais pas tranquille. » continua-t-elle.
« Je crains que même dans les bras de la Déesse, nous ne serons pas en sécurité. Les marins n’hésiteront pas à nous jeter aux requins s’ils découvrent des clandestins sur leur navire. » Répondit Peyre « ce sera pour une comme un sacrifice pour obtenir les faveurs de celle qui a leurs yeux règne sur le destin des navigateurs »
il se rendait en parlant que ses paroles n’étaient guère rassurantes, mais il ne pouvait s’empêcher d’être honnête quand il était avec Zinele. Depuis leur enfance, il n’avait jamais été capable de lui cacher la vérité. Elle n’était pas comme la plupart des autres filles qu’il connaissait qui vivaient dans un monde de rêves soigneusement entretenu par l’éducation que leur inculquait leurs mères et les femmes de leur entourage.
« il suffirait que l’on fasse connaître nos identités, l’attrait d’une bonne rançon les fera réfléchir » répondit Zinele, le sourire aux lèvres.
« Sauf que je n’ai vraiment pas envie de retrouver mon père, plutôt la mort que de finir mercenaire ! » lui rétorqua-t-il, horrifié par une telle perspective.
Zinele sembla réfléchir aux propos de Peyre, elle se demanda une nouvelle fois si elle avait fait le bon choix en suivant son ami. Dans la pénombre de la cale, il semblait si fragile malgré sa forte carrure. Les marins ne feraient qu’une bouchée du jeune homme.
Peyre la prit dans ses bras, se voulant rassurant, bien qu’il était certain que Zinele avait bien plus de ressource que lui, il savait qu’elle ne pouvait voyager seule, les dangers pour une jeune fille était bien plus important que ceux que lui risquait. Personne ne s’étonnait de voir voyager un jeune homme, ce n’était pas le cas pour une jeune fille. Zinele n’avait bien sûr pas hésitée a se vêtir de vêtements masculins, elle était même plutôt heureuse de pouvoir le faire, mais sa carrure n’était pas celle d’un jeune homme. Quelqu’un d’observateur comprendrait bien vite qu’elle n’avait de masculin que l’habit et les dieux seuls sauraient ce qu’il lui passerait par la tête a ce moment.
Soudain un bruit de pas mit les sens du jeune homme en éveil. Quelqu’un venait.
Elas approcha doucement de la cachette des clandestins.
« Montrez-vous, je vous ai vu monter dans le bateau »
Pas de réponse, la cale semblait vide de toute présence humaine. Elas était pourtant certain de les avoir vus. Deux ombres furtives s’étaient glissé a bord a l’insu de tous. Il regretta de ne pas avoir crié pour ameuter les marins aux ordres de son père. Celui-ci ne lui pardonnerait pas son erreur si les clandestins était découvert. Les fuyards avaient une valeur marchande et l’ile des Vertes Vallées était généreuse quand il s’agissait de récupérer ses déserteurs. Les autorités vivant largement du commerce de mercenaires ne tenait pas à perdre leur jeunes éléments, et surtout voulaient garder l’image autoritaire qu’elles dégageaient. c’était en quelque sorte le gage de leur valeur
« Je ne vous veux aucun mal, je sais que vous êtes là »
Aucun bruit. Elas se sentait ridicule, il était pourtant certain d’avoir vu les deux fouineurs pénétrer dans le navire.
« Que cherches-tu ici ? »
Il sursauta, il n’avait pas entendu venir Mel le marin, un grand gars rustaud qui le regardait d’une façon étrange. Elas évitait toujours ce regard qui le mettait mal a l’aise.
« Aurais-tu quelque chose à te reprocher ? »
« Euh non, j’inspectai juste la cale »
« Et tu parles tout seul … maître ? »
Les mots résonnaient bizarrement dans la bouche du marin. Celui-ci dépassait d’au moins deux têtes le jeune homme, Et ses mains auraient largement pu écraser son visage sans le moindre effort visible. Il régnait dans la cale un silence surréel, seulement rompu par les craquements du bois et le choc des vagues sur la coque du navire.
« Non, enfin, j’avais cru entendre du bruit, mais ce devait être toi qui arrivais. Tu n’as pas cherché à me faire peur n’est-ce pas ? »
« Non maître. »
Elas était certain du contraire, il avait bien envie d’en parler à Nilen, mais il craignait que la réaction de Mel ne fut un peu excessive. Il doutait franchement de sa loyauté mais n’en avait pas de preuve formelle et n’avait surtout pas envie de pourrir l’ambiance entre les marins car il savait fort bien qu’une fois en mer tout pouvait devenir prétexte a rébellion. Les marins n’étaient pas des hommes d’honneurs et même si le capitaine Nilen pouvait compter sur la majorité d’entre eux, c’était surtout une question de rapport de force en sa faveur. Elas sentait bien que Mel faisait partie de ces marins qui étaient capable de prendre tête d’une éventuelle conspiration pour inverser les rapports de force.
« Bon, je te laisse continuer a inspecté la cale, j’ai cru y entendre du bruit. »
Il avait réfléchi rapidement et même si il ne voulait pas que les clandestins soient surpris, il préférait que Mel les découvre plutôt que d’être surpris avec eux en mauvaise position, ce qui risquait fort d’arriver car il savait au fond de lui qu’il n’aurait pas le courage de les dénoncer lui-même. Depuis toujours, il avait tendance à prendre parti pour les faibles sans vraiment comprendre pourquoi. Des hommes comme Mel eux n’agissait que dans l’espoir de gagner quelque chose, bien ou pouvoir. La vie humaine était pour eux une valeur marchande comme une autre.
« Inspectons donc ensemble, cela sera plus facile, n’est-ce pas maître ? »
« Arrête de me servir du maître à chaque phrase, ça m’agace »
« Oui, maître, allons-y »
Il n’avait pas le choix, c’était peut-être mieux ainsi après tout. Nilen aurait sûrement été déçu s’il avait agi autrement. Il lui devait la vie qu’il avait eue depuis son enfance, et le capitaine représentait tout ce qu’il avait comme famille. Il le considérait comme son père, même si il se savait adopter.
Les deux clandestins avaient peur. Caché au fond de la cale, ils savaient leur découverte imminente. Peyre réfléchissait à toute allure à la stratégie a adopter, il n’avait jamais été un homme d’action, mais il devait trouver rapidement une parade si il ne voulait pas que leur rêve ne tourne au cauchemar. Mue par une impulsion soudaine, il sorti de sa cachette avant que Zinele n’ait le temps de réagir.
« c’est bon, je suis là, Laissez-moi débarquer avant que le navire ne prenne la mer. Je tentais seulement ma chance. »
« Tiens donc ? Monsieur désirait voyager sans payer le passage », ironisa Mel
« Si ce n’est que cela, je peux travailler à bord pour payer le voyage, je suis dur à la tache vous savez. »
« Tes mains me semblent bien trop nettes pour un travailleur, n’est-ce pas maître ? »
Elas réalisa qu’il était un peu trop en retrait, il ne devait absolument pas laisser Mel prendre la direction des opérations, il savait que le jeune homme qui était sorti au grand jour n’était pas seul, mais ne devait pas le montrer si il ne voulait pas que Mel ne doute de sa loyauté.
« Mel a raison, tu me sembles bien trop propre sur toi pour faire un bon marin. »
« Ne serais-tu pas un membre de l’aristocratie qui chercherait à fuir » ajouta Mel qui décidément ne semblait pas vouloir laisser Elas prendre le commandement des opérations Celui-là n’était du genre à se laisser berner par un bâtard, même si celui-ci était celui du capitaine en personne.
« Pas du tout, je ne suis qu’un troubadour qui veut quitter cette île pour rejoindre Océalys, j’ai certes cherché à voyager à moindre frais et je m’en excuse, mais il n’est pas trop tard pour me débarquer me semble-t-il »
« Ce n’est pas à toi d’en décider l’ami » lança Elas, avant que Mel n’ait le temps de réagir «mais au capitaine de ce navire, et nous allons t’y amener tout de suite, lui seul décidera de ton sort »
« Lui et la Déesse de Lumière » dit Peyre, se réferant a la religion des marins qui pensaient que la grande Déesse de Lumière seule pouvaient les protéger lors de leurs dangereux voyages en mer.
« Bien entendu » répondit Elas « mais es-tu seul l’ami ? »
« Non, il est accompagné de son jongleur et ami ! »
Zinele venait de sortir elle aussi de sa cachette, au grand désespoir de Peyre qui aurait préféré qu’elle reste cachée, elle avait une chance de réussir la traversée, et surtout, elle risquait bien plus gros que lui si jamais ses parents lui remettait la main dessus. Une jeune fille cherchant à fuir son destin était immédiatement rejetée par ses parents et finissait bien souvent comme femme de chambre au service de ses sœurs. Lui risquait juste le bannissement de l’île, ce qui n’était pas réjouissant, mais seule sa réputation était en jeu. Il se disait que s’il pouvait se vendre comme marin, Zinele pourrait rester cachée le temps de la traversée, et tous deux se retrouveraient à leur arrivée sur Océalys
« Tiens donc, un jongleur ? » Mel ne semblait pas convaincu par les dires de Zinele et la regardait attentivement, détaillant le moindre détail de sa tenue.
« Et je peux le prouver ! Si toutefois le capitaine désirent nous laisser prouver nos dires » lui répondit-elle
Peyre savait pertinemment que Zinele bluffait, à moins que celle-ci ne lui ai caché quelques dons pour une raison qu’il ne comprenait pas. A moins que comme lui, elle ait travaillée a ses talents en cachette, c’est vrai qu’en y réfléchissant, leurs entrevues étaient surtout orientées sur lui et ses rêves. Il regrettait soudain de n’avoir pas écouté plus souvent la jeune fille, de s’être bien souvent contenté d’un auditoire fidèle. Zinèle bien qu’étant une jeune fille ayant l’air extravertie était bien plus secrète que lui. Elle cachait derrière son apparente désinvolture, un esprit acéré, et en quète de liberté, il le savait, mais il ne connaissait pas vraiment ses motivations
« Allons donc voir le capitaine, il faudrait mieux pour vous que vous n’ayez pas menti » dit Elas « Mel, vérifie qu’ils ne se cachent pas d’autres clandestins dans cette cale avant que nous allions déranger le capitaine Nilen, il n’aimerait pas qu’on le dérange plusieurs fois d’affiler, tu sais qu’il n’aime guère sortir de sa cabine une fois en mer. »
« Et puis surtout, il vaut mieux que l’on vérifie avant de larguer les amarres, attendez moi ici, maître Elas, je vais m’en assurer »
Mel fouilla toute la cale pendant que Peyre et Zinele attendaient sous l’oeil attentif d’Elas. Le jeune semblait lui aussi intrigué par le jongleur. Peyre se dit que malgré son déguisement masculin sa jeune compagne d’aventure attirait les regards des hommes.
Quand Mel revint enfin vers eux, il fixa de nouveau la jeune fille.
« Tu sembles bien jeune pour errer sur les routes en compagnie d’un troubadour. » dit-il.
« Mon maître m’a recueilli alors que je n’étais qu’un enfant abandonné, il m’a tout appris » répondit Zinele, surprenant une nouvelle fois Peyre. Décidément, sa compagne d’aventure avait déjà pensé à tout, On eut dit qu’elle avait préparé leur voyage depuis très longtemps, qu’elle y avait réfléchi de longue date. Ils avaient bien décidés ensemble du scénario, mais avaient convenu que Zinele se ferait passée pour un jeune page et lui un troubadour, simples compagnons de voyage.
l’histoire que racontait l’intervention de Zinele était légèrement différente, et bien qu’elle ne déplu pas a Peyre, il se demandait comment elle allait pouvoir faire croire qu’elle était jongleur et se demandait si il n’aurait pas mieux de partir seul. Les troubadours se déplacent dans le royaume sans que cela ne surprenne personne. Bien qu’il en ait un peu honte, il redoutait que Zinele ne vienne gâcher ses chances de fuir vers un monde nouveau.
« Eh bien, nous verrons ce qu’en pensera le capitaine » dit Elas « Suivez-moi »
Se tournant vers Mel, il lui demanda de fermer la marche.
« Prend garde à ce que ces deux-là ne cherche pas à fuir pendant que je leur servirais de guide. »
Annotations
Versions