2 - Morgan
James Buchanan Barnes, plus communément appelé "Bucky", aurait déjà dû mourir un certain nombre de fois. Il était né presque 93 ans auparavant, et son corps était pourtant celui d'un homme d'une trentaine d'année, alors que son esprit en avait suffisamment vu pour les prochaines décennies.
Être constamment endormi, puis réveillé quelques années plus tard et jeté dans un monde qui avait évolué sans lui, puis ré-endormi sans avoir eu la chance de s'adapter, le tout encore et encore, avait créé chez lui un tel traumatisme qu'il avait fallu des mois avant qu'il ne daigne sortir de sa chambre une fois installé à la tour Avengers.
Heureusement qu'il y avait eu Steve. Son ami d'enfance s'était porté garant pour lui et avait été d'une patience infinie à son encontre. Il l'avait aidé à se remettre en grande partie de sa lobotomie, avait plaidé sa cause auprès de Tony et des autres Avengers. Il lui avait parlé, beaucoup. Des souvenirs d'un autre temps qui n'existeraient plus jamais ailleurs que dans leurs mémoires, finis depuis plusieurs décennies, que certains n'avaient même pas connu, et qui leur paraissaient pourtant tellement proches à tous les deux.
Bucky avait gardé beaucoup de séquelles de toutes ces années aux mains de l'HYDRA, mais il en avait également gardé de nombreux souvenirs. C'était d'ailleurs grâce à ses souvenirs que l'équipe en était arrivée là. L'une des dernières grosses bases d'HYDRA sur le sol américain.
Quand il combattait les hommes de l'organisation, Bucky était toujours un peu étourdi, un peu distrait. Il y avait toujours cette peur, cette terreur sous-jacente de redevenir le Soldat de l'Hiver, une arme aux mains de ses ennemis, une menace pour ses coéquipiers. Aussi il était toujours un peu plus concentré sur lui-même, pour être certain que ses anciens bourreaux ne lui retombent pas dessus.
Alors qu'il entrait dans le bâtiment en compagnie de Steve, Tony et la Recrue, Bucky sentit que quelque chose n'allait pas. Il connaissait suffisamment les mécanismes utilisés pour savoir que ça sentait l'embrouille à plein nez. Pourquoi ne dit-il rien ? Les séquelles. Et cette angoisse qu'elle soit réveillée. Et qu'elle soit l'arme contre lui. Car jamais il ne pourrait combattre sa propre fille.
oOo
Bucky fut le second à se réveiller. Avant même d'ouvrir les yeux, le sol froid de la cellule et les bruits alentours lui apprirent où il se trouvait, et confirmèrent son intuition : l'HYDRA les avait capturés. Lorsqu'il battit des paupières pour chasser les brumes de l'inconscience, la première image qui s'imposa à lui fut celle d'un Anthony Stark complètement tétanisé, les yeux écarquillés fixés dans le vide. Oh, Bucky tourna bien la tête pour regarder à travers la vitre et tenter d'y voir quelque chose, mais il n'y avait rien. Pas une seule âme qui vive. Tony devait se trouver dans cette position depuis un bout de temps.
C'est quand il amorça un mouvement vers lui, et que son bras cybernétique tinta contre le sol bétonné que le génie réagit enfin. Il sursauta puis posa un regard étonné sur Bucky, comme s'il venait juste d'émerger d'un mauvais rêve. Bucky se leva finalement pour guider le milliardaire jusqu'à le rasseoir contre le mur, s'asseyant à ses côtés, silencieusement, comme pour lui offrir un soutien discret.
Tony retomba dans sa léthargie apparente, son cerveau travaillant probablement à vive allure. Bucky, lui, appuya sa tête contre le mur et ferma les yeux. Dans l'état actuel du génie, il ne pourrait rien en tirer, alors autant prendre le temps de s'éclaircir les idées, et prier tous les dieux pour qu'il ait tort et que ses pires craintes ne se réalisent jamais.
Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vue, longtemps depuis la dernière fois qu'il y avait même pensé. Et pour être honnête, cela l'effrayait un peu. En tant que Soldat de l'Hiver, le premier créé, le plus dévoué, le plus contrôlé par HYDRA, il avait pu avoir accès à beaucoup d'informations. Il avait également connaissance de certains effectifs de l'organisation : les Améliorés, les Alterhumains, les soldats, certains scientifiques... Et s'il y avait bien une chose de sûre, c'est que ce n'était certainement pas un hasard qu'ils soient tous les quatre enfermés ensemble.
Bucky avait dû s'endormir, car lorsqu'il ouvrit les yeux, les seules lumières allumées étaient les veilleuses de sécurité. Il tourna la tête à la recherche de ce qui avait bien pu le réveiller avant que son regard ne s'arrête sur une ombre, de l'autre côté de la vitre, manquant le faire sursauter. Il ne lui fallut cependant que quelques secondes pour la reconnaître malgré l'obscurité ambiante.
Elle se tenait là, droite et fière, le visage lisse de toute émotion. Elle le regardait, lui. Pas les trois autres qui dormaient, encore en proie aux somnifères ou épuisés par les découvertes. Non, elle le regardait, lui. Lui. Ses yeux bleus qui auraient pu geler n'importe qui lui paraissaient pourtant tellement chaleureux, et lui qui la connaissait si bien parvenait à deviner l'ébauche presque invisible d'un sourire.
Elle s'avança d'un pas, sans un seul bruit, pas même un chuintement. Elle déposa délicatement sa main sur la vitre détourna les yeux quelques secondes afin de vérifier les caméras de surveillance, puis s'autorisa un réel sourire lorsqu'elle déposa à nouveau les yeux sur Bucky. Sa voix, un murmure, sembla être un hurlement dans ce lieu silencieux.
« Morgan... »
« Patiente encore un peu. Juste un peu, et tu seras libre. Nous serons tous libres. Définitivement. »
Elle tourna à peine la tête lorsqu'une silhouette se détacha des ombres. Il s'agissait d'une autre jeune femme, mais la nouvelle arrivante avait les cheveux aussi blonds que ceux Morgan était noirs. Elle s'avança juste un peu, sourit chaleureusement à Bucky qui était toujours assis, puis murmura à l'oreille de sa camarade.
« Il faut y aller Morgan, les rondes vont bientôt commencer. »
La brune acquiesça sèchement, fixa Bucky encore quelques instants avant de se détourner et de suivre la blonde dans les ombres. Bucky n'entendit qu'un simple « Fais-moi confiance. » avant que le silence ne retombe, brisé uniquement par la respiration de ses camarades de cellule.
Il était inquiet. Et il était heureux. L'un dans l'autre, il ne savait que penser de la situation. Maintenant qu'il savait que ces deux-là étaient réveillées, alors il y avait fort à parier que l'état de Stark était dû à sa rencontre avec Megalia. Et si les trois étaient là, alors la quatrième ne devait pas être très loin.
Quoi que l'HYDRA ait prévu, il décida de faire comme demandé et de s'en remettre à sa fille. Après tout, les choses avançaient.
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