6 - Évasion, pt.2
Les lumières rouges clignotaient doucement à intervalle régulier, et leur course vers la sortie avait des allures de fin du monde. Tous les deux mètres, de petites ampoules mauves se détachaient des murs gris-rouges et leur indiquaient le chemin à suivre. Jusqu'à présent, ils n'avaient croisé personne, Pandore devait bien faire son boulot, et ils avançaient relativement vite malgré le poids mort qu'était Brock. Mais d'ici quelques couloirs, ils atteindraient la porte d'accès à l'aile ouest, et les choses commenceraient à se corser.
Morgan était en tête, arme en main, avançant sûre d'elle avec toute la discrétion qui sied à un soldat en infiltration. Derrière elle, tout aussi armé, Bucky adoptait la même attitude, la même démarche, la même concentration. Au centre du groupe, il y avait Selena qui portait plus qu'elle ne supportait un Brock à peine conscient qui peinait à mettre un pied devant l'autre avec deux jambes brisées. Et enfin, fermant la marche, Steve se tenait sur ses gardes, bouclier en main, prêt à défendre l'équipe en cas d'attaque.
Quand ils eurent atteint une immense double-porte d'un noir d'encre, ils s'arrêtèrent et Morgan se tourna vers eux. Comme elle l'avait fait quelques instants plus tôt avec Alexie, elle échangea un regard avec Bucky. Un regard de guerrier, celui qui voulait dire je te comprends, je sais sans parler. Et peut-être était-ce vrai, peut-être Bucky savait-il, avant même qu'elle n'ouvre la bouche, ce qui allait en sortir. Car il connaissait sa fille. Il était le seul à la connaître si bien. Ils avaient travaillé ensemble, ils avaient dansé ensemble, et il serait prêt à recommencer sans un remords si cela signifiait l'avoir avec lui, en sécurité et loin d'ici.
Pendant que les deux Barnes se regardaient, Steve avança jusqu'à s'arrêter à hauteur de Selena, et pris le second bras de Brock pour le passer sur ses propres épaules, aidant la jeune femme à supporter les 90 kg de muscles de l'homme inconscient. La blondinette tourna ses yeux bleus vers lui et lui offrit un sourire doux en guise de remerciement.
« Bien ! (Les deux blonds se tournent vers Morgan.) On va entrer dans l'aile ouest. Quoiqu'il arrive, vous restez ensemble et vous suivez les lumières que Pandore allume. Si tout va bien, on ne rencontrera pas beaucoup de monde, cette aile est plutôt administrative et en temps normal il n'y a que des archives et les droïdes qui les surveillent dans les sous-sols.
— Mais avec la coupure du générateur principal (Bucky reprend les explications), les soldats et mercenaires présents sur la base doivent patrouiller un peu partout.
— Et il est possible que certains escadrons soient déjà descendus au moins jusqu'au cinquième sous-sol (Selena achève en hochant la tête en signe de compréhension).
— Cinquième sous-sol ?
— Deux étages au-dessus. (Selena répond en se tournant vers Steve.) Ici, nous sommes au Septième sous-sol, le niveau le plus bas de l'aile ouest.
— On doit retrouver Megalia et Anthony Stark au deuxième sous-sol, près des escaliers qui mènent à l'aile nord.
— Au deuxième sous-sol, parce que...
— Parce que c'est le niveau le plus pas de l'aile nord. Et que l'aile nord, c'est le domaine de Megalia. (Un bruit de verrou qui coulisse résonne dans le couloir, la porte s'entre-ouvre.)
— On y va. (Morgan est intraitable, et leur tourne déjà le dos, son Skorpion VZ61 chargé en mains.) Les explications continueront plus tard, soyez vigilants. »
Elle passa la porte, et tout le groupe la suivit, tendus. Steve relâcha Brock une fois la porte passée, et Selena le porta en travers de ses épaules. Il était lourd, certes, et elle avait apprécié le petit répit que lui avait offert Steve en supportant une partie de son poids pendant quelques minutes. Mais il ne fallait pas non plus croire qu'elle était faite en sucre, après tout elle aussi avec du sérum de super-soldat dans son sang et dans ses gènes, et elle était entrainée depuis suffisamment longtemps pour pouvoir porter un homme de la corpulence de Rumlow sans fléchir. Quand elle dépassa Steve pour reprendre sa position au cœur de la formation, elle lui murmura « Couvres mes arrières, » puis le groupe s'enfonça dans les couloirs sombres, bordés de salles d'archives pleines à craquer.
oOo
Alexie remercia une fois de plus Megalia pour son génie. Depuis qu'elle avait quitté le bloc central – le cœur du bâtiment – pour l'aile sud elle était tombée sur plus d'hommes qu'elle ne pouvait en compter, et elle se félicitait d'être restée campée sur ses positions et d'être la seule à descendre. Si tu voyais ça, Morgan, toi aussi tu serais heureuse que j'ai la tête si dure. Mais grâce à Pandore, elle en avait évité tout autant, sinon plus.
Un dernier mouvement, fluide, et la faux à double-tranchant qu'elle tenait trancha net le soldat qui lui faisait face. Une femme. Une inconnue. Une parmi tant d'autres qui n'étaient que des corps, des muscles sans visage, sans nom, sans identité au service de l'hydre. Comme elle, avant. D'un coup de poignet la faux se rétracta, une partie de la lame se repliant sur le manche, et Alexie la remit dans son dos, à portée de main, avant de reprendre sa course. C'est qu'elle avait 11 étages à descendre...
Le plan était à la fois d'une simplicité déconcertante, et d'une précision mortelle. Le moindre faut-pas serait synonyme d'échec, et personne ne pouvait se le permettre : cela faisait trop longtemps qu'elles attendaient, qu'elles se préparaient.
Alexie était la plus jeune des quatre, et ses 18 ans pleins et entiers elle les avait passés sans congélation. Elle avait été endormie parfois. Lorsqu'elle était inutile, trop jeune, trop indisciplinée ou trop dangereuse. Des périodes de coma forcées, allant de quelques mois à plusieurs années. Mais son métabolisme, lui, n'avait jamais ralenti. Ils ne pouvaient pas se le permettre, c'eut été trop dangereux et définitivement pas un risque que se serait permis de prendre l'HYDRA.
Parce qu'Alexie était l'Ombre de la Mort. Un surnom dont elle se serait bien passé, mais qui – elle devait bien l'avouer – était particulièrement approprié. S'il y avait bien une chose qu'elle pouvait reconnaître aux agents d'HYDRA, c'était qu'ils savaient choisir les pseudonymes. Et créer des êtres puissants, accessoirement. Alexie, donc, était l'Ombre de la Mort : une Optimisée, tout comme la Maximoff, la Sorcière Rouge. Toutes les deux possédaient des pouvoirs similaires, à ceci près que le royaume d'Alexie c'était celui des ombres. C'était d'ailleurs pour cette raison précise qu'elle s'était auto-désignée pour être celle qui descendrait encore plus profondément sous la terre.
À l'origine, elle ne devait servir que comme soldat, agent, mère porteuse ou autre : faire partie de la nouvelle génération de pions pour l'organisation. Fille d'agents née au sein de l'hydre, elle n'était pas suffisamment importante pour que l'HYDRA se penche sur son cas et lui offre un avenir glorieux. Oui mais voilà : si Brock s'était contenté de l'ignorer, sa mère était une femme dont la vanité n'avait d'égale que son avidité, et elle était très, très avide de pouvoir. D'après les dossiers trouvés dans les archives poussiéreuses, l'agent -80244 était une jeune femme belle, à la carrure solide, descendante d'une longue lignée de soldats et de mercenaires. Elle était née dans la guerre, avait grandi dans les combats, et ne devait sa place et sa relative liberté au sein de l'organisation qu'à son incroyable palmarès : elle était redoutable avec une arme en main.
Pourquoi Alexie pensait à sa génitrice dans pareil moment ? Parce que sans cette femme, elle ne serait pas là aujourd'hui... Pour plusieurs raisons. Outre lui donner la vie (elle n'avait pas franchement eu le choix à ce sujet), elle lui avait également offert du pouvoir, des pouvoirs. Les rapports étaient formels, et Morgan s'en souvenait très bien – elle était éveillée à ce moment – sa mère avait fait joujou avec quelques échantillons d'origine pas tout à fait terrienne.
Encore aujourd'hui, personne ne savait comment elle avait pu entrer dans les coffres hypersécurisés des laboratoires de sciences-technologies et de bio-énergies métahumaines. Mais elle l'avait fait. Elle avait, semblait-il, passé en revue les échantillons gardés précieusement, avant de se décider pour un tube à essai qui contenait des volutes de gaz électromagnétiques extraits du Cube Cosmique. Un échantillon vieux, plus vieux que beaucoup d'agents de l'époque, aussi vieux que le Soldat, qu'elle avait volé, inséré dans un pistolet à seringue, et injecter dans le corps de sa fille d'à peine 3 ans.
Suivant le fil d'Ariane lumineux que déroulait Pandore devant elle, Alexie afficha une moue amère. Des quatre, elle était peut-être la plus monstrueuse. Bouffée par les ténèbres, terrorisée par ses propres pouvoirs, traumatisée par la punition et l'exécution de sa maman, la jeune Alexie avait connu une période mouvementée après l'injection. En effet, pour la dissuader de prendre des initiatives déplaisantes comme sa mère, les haut-gradés de l'hydre avaient jugé bon de torturer celle-ci sous ses yeux d'enfant : les coups de fouets, les brûlures, les démembrements, les cris de sa mère et le sang... Tous les souvenirs qu'elle conservait de la scène étaient teintés de rouge, comme un voile carmin.
C'était Morgan qui l'avait récupérée dans la pièce des heures plus tard, en larmes, tremblante et terrorisée. La brune aux yeux de glace l'avait aidée et élevée pendant un temps, devenant une mère de substitution jusqu'à ce qu'elle retourne dans son caisson de cryogénisation. Puis Bucky avait pris le relais quand il n'était pas complètement abruti par sa lobotomie ou endormit dans la glace.
Ensuite, elle avait rencontré Selena qui l'avait aidée à garder la tête hors de l'eau, et à se laisser porter par le courant sans résister, mais à toujours se préparer, des fois qu'une occasion se présente de sortir de là. La blonde lui avait appris à sourire de nouveau et lui avait peut-être aussi transmis une partie de sa folie. Et enfin, lorsqu'elle avait 12 ou 13 ans, il y avait eu Megalia, le petit génie, la plus âgée des quatre – Morgan disait souvent qu'elle avait toujours connu Megalia d'aussi loin qu'elle s'en souvenait. Pourtant, physiquement, la brunette aux yeux vairons n'avait pas l'air d'avoir plus de la vingtaine.
Cette fois-ci, c'est elle qui se souvenait parfaitement des évènements : le Baron Strucker avait trouvé une formule infaillible et avait donc réveillé la jeune femme de seize longues années de cryogénisation afin qu'elle lui serve de cobaye (Alexie était certaine qu'il n'avait jamais eu l'autorisation de ses supérieurs pour ça, et qu'il n'avait gardé la vie que grâce à sa chance, l'expérience ayant été un succès jamais reproduit). Il avait donc injecté dans le corps encore endormi un mélange de nanites, de composantes biochimiques et d'un liant énergétique extrahumain. Cela avait eu pour effet de stabiliser le vieillissement et la mort de ses cellules, d'accélérer leur processus de régénération en cas de blessures, et de ralentir sinon stopper le processus de vieillissement de son corps et de ses organes. Et depuis cinq ans, Megalia n'avait physiquement pas changé, Alexie en était témoin.
Megalia qui venait, d'ailleurs, de lui envoyer ses drones. Bénie soit cette gamine insupportable ! Le sourire d'Alexie se fit plus franc, et elle ré-arma sa faux, tourna un coup à droite, et quitta les couloirs sombres et déserts pour l'allée lumineuse et surpeuplée du septième sous-sol de l'aile sud. Opération Apocalypse, phase 1 : Faucheuse, enclenchée.
oOo
« Pourquoi est-ce qu'on s'arrête ?
— Silence ! »
Steve recula sous la réponse sèche, puis se renfrogna légèrement, peu habitué à se faire rabrouer ainsi. Selena lui adressa un sourire réconfortant, puis lui fit un clin d'œil avant de reporter son attention sur la brune devant elle.
Morgan était tendue, Bucky aussi. Ils avaient déjà traversés deux étages sans rencontrer aucune résistance, et si l'opération se réitérait une troisième fois, alors il ne pourrait plus l'attribuer au hasard, mais bien à un piège d'HYDRA dans lequel ils étaient tombés tout cru. Les yeux aigues-marines de la jeune femme se firent glacier, et son regard, à cet instant, n'avait rien à envier à celui de Méduse, tant il pouvait figer sa cible de part son effrayante détermination et son insoutenable froideur.
« У вас есть коммуникатор ? As-tu le communicateur ?* (Se tourne vers Bucky qui affiche une impassibilité militaire.)
— Да. Oui. (Sort une oreillette et un appareil visuellement semblable à un bipeur de l'une de ses poches.) Я связываюсь Megalia. Je contacte Megalia. (Tape sur le "bipeur" puis, sans la regarder :) Вы хотите отправиться туда для разведки ? Veux-tu y aller en reconnaissance ? »
Morgan hocha la tête, mit ses lunettes à vision thermique et infrarouge sur son nez, et quitta la cage d'escalier, entrant du même coup dans le couloir sombre : l'entrée du cinquième sous-sol du bâtiment ouest.
Pendant ce temps-là Steve, qui affichait une mine tantôt interrogatrice, tantôt contrariée, se tourna à nouveau vers Selena en quête de réponse. Cette dernière, appuyée contre un mur pour se soulager momentanément du poids de sa charge, croisa son regard et haussa un sourcil.
« Et bien, quoi ?
— Qu'est-ce que c'était que ça ? (Lance un regard vers l'endroit où se tenait Morgan quelques secondes plus tôt, et où Bucky était en train de marmonner quelques choses d'inaudible pour eux.)
— Ah, non ! Je t'arrête tout suite : je parle pas un mot de russe, j'ai pas passé assez de temps éveillée là-bas pour apprendre. (Elle hausse les épaules puis regarde, elle aussi, Bucky.)
— Alors quoi ? On reste derrière et on attend bien sagement qu'ils daignent nous dire ce qu'il se passe ?
— T'as l'air un peu tendu, (Steve lui lance un regard sarcastique qui ne lui ressemble pas, preuve qu'il est sur les nerfs.) Mouais, je vois. T'es pas trop habitué à recevoir les ordres, hein. D'habitude, c'est plutôt toi qui les donnes, pas vrai ?
— Je suis un chef d'équipe –
— Pas ici. »
Les deux blonds se tournèrent vers Bucky qui revenait vers eux, rangeant le communicateur et rechargeant son fusil d'assaut. Il ne les regarda même pas lorsqu'il reprit la parole pour leur expliquer la suite des évènements.
« Morgan est partie en éclaireur et Pandore va commencer à nous indiquer les zones les plus peuplées par les combattants de l'hydre.
— Je pourrais pas me battre, j'espère que t'en es conscient.
— Je sais. (Bucky relève enfin la tête vers Selena.) C'est pour ça que Morgan est partie en avance. Elle et moi on va s'arranger pour que tu n'aies pas à te défendre avec Brock sur le dos. Steve surveillera tes arrières, comme depuis le début.
— Et qu'est-ce qu'on attend au juste ? Une invitation ? »
Bucky n'eut pas le temps de répondre à la question ironique de Steve. Dans le couloir du cinquième sous-sol menant à la cage d'escalier inférieure, tous les trois purent entendre des échanges de tirs, et des cris – sans doute des ordres hurlés dans une langue étrangère.
Steve souffla, et reprit son calme, son sang-froid de soldat. Son attitude se modifia imperceptiblement, sa poigne se resserra sur son bouclier et son regard se durcit. Il hocha la tête, signifiant son accord et sa compréhension des ordres donnés plus tôt : protéger les alliés, stopper l'ennemi et sortir d'ici le plus vite possible. Selena se remit droite, donna un coup d'épaule pour repositionner Brock, et récupéra son Glock chargé – au cas où.
Les deux blonds regardèrent Bucky qui restait impassible, se demandant visiblement pourquoi ils restaient dans cette cage d'escalier exiguë alors qu'ils pourraient tout aussi bien aller aider Morgan. Il fallut encore quelques minutes avant que les tirs ne s'éteignent et que le silence ne résonne à nouveau. Puis, des bruits de pas, et une voix bien connue :
« Venez, on avance. J'espère que vous êtes prêts parce que vu le nombre qu'ils étaient, on va avoir de la compagnie très prochainement. »
Et alors que Morgan faisait demi-tour, rechargeant son pistolet mitrailleur, les trois autres la suivirent, enjambant les cadavres encore chauds et saignants de leurs opposants. Un peloton* entier, une vingtaine d'individus lourdement armés tombés sous les balles du chien de guerre qu'était Morgan.
Steve – qui, même s'il avait connu la guerre, la pire de toute, détestait les morts – semblait dégoûtée ; Selena, elle, ne cilla même pas, faisant simplement attention à ne pas trébucher sur un membre qui trainait là. Ils continuèrent à avancer, beaucoup plus aux aguets qu'ils ne l'avaient été jusqu'à maintenant, et traversèrent les couloirs tentaculaires du cinquième sous-sol de l'aile ouest, abattant leurs ennemis quand ils en croisaient, faisant confiance à Pandore pour les mener à bon port.
oOo
La faux s'abaissa lentement. Au sol, un grand nombre de soldats d'HYDRA gisaient en pièces détachées, et le linoleum de la salle de repos du onzième sous-sol sud revêtait une sombre couleur rouge. Lorsque les ombres se dissipèrent et que la faible lumière des quelques néons encore fonctionnels illumina la grande pièce, Alexie admira son œuvre d'un air fier. Elle semblait complètement extérieure à la scène tant elle jurait avec le chaos ambiant. Sa tenue de combat d'un noir d'encre ne semblait luire d'aucune goutte de sang et sa faux – sur laquelle elle s'appuyait nonchalamment – semblait rayonner de menace avec sa lame intacte aux deux tranchants aiguisés. Les ombres tournoyaient autour d'elle, et quiconque l'aurait vu à cet instant aurait pu jurer avoir devant les yeux la Mort en personne.
Cependant, aussi fière fut-elle Alexie commençait à se lasser. Devoir s'occuper des hommes qui cherchaient à l'arrêter lui faisait perdre un temps fou, un temps qu'elle n'avait bien évidemment pas, et ça la démangeait de plus en plus d'employer les grands moyens. Si elle ne l'avait pas fait avant, c'est qu'elle utilisait la majorité de ses pouvoirs pour cacher les drones de Meg' et ainsi éviter de perdre des munitions avant le grand moment. Ceci étant, au fur et à mesure de sa descente elle plaçait les explosifs à des points stratégiques et le nombre d'éléments à dissimuler diminuait considérablement. Et puis, de toute façon, le temps lui filait entre les doigts, et bientôt, elle n'aurait plus le choix.
Elle jeta un regard derrière elle, là où les drones et explosifs étaient cachés à la vue de tous, dans une poche d'obscurité. Elle soupira, rengaina sa faux et avança, les drones suivant sagement transportés par les ombres. Arrivée face à la cage d'escalier menant au douzième sous-sol, elle soupira à nouveau, jura entre ses dents tendit les mains devant elle et laissa couler cette sombre énergie à travers elle, jusqu'à la modeler.
Bientôt, les ombres environnantes grossirent, devinrent plus opaques et compactes jusqu'à devenir palpables. Elles avançaient le long des murs au même rythme qu'Alexie, s'étendant jusqu'à environ 3 mètres devant elle, dans une quasi-complète obscurité qui ne laissait pour éclairage que les guides lumineux contrôlés par Pandore. Les escaliers étaient maintenant loin derrière, et elle poursuivait son chemin sans y penser. Elle n'avait plus rencontré personne, plus personne de vivant du moins. Lorsque ses ombres butaient sur un être vivant, Alexie pouvait décider de la démarche à suivre : comme faire dans le détail n'était pas sa spécialité, le plus souvent ses ombres devenaient compactes et physiques, de véritables lames d'obsidiennes indépendantes et tranchantes comme le diamant qui taillaient dans la chair ennemie sans ménagement.
Alexie se rapprochait de son objectif, cela faisait déjà quelque temps qu'elle avait atteint le dix-huitième sous-sol de l'aile sud et elle se dirigeait à nouveau vers le bloc central. Il ne lui restait que quelques couloirs, quelques portes, quelques mètres, quelques minutes. Elle avait été efficace, rapide. Elle espérait juste que ses sœurs d'arme en aient fait autant. Elle avait confiance en Megalia, si elle parvenait à refroidir le sang-chaud et la tête bouillonnante de son demi-frère il n'y aurait aucun problème. Mais pour Morgan et Selena... La blonde était handicapée par sa position de mule, et si Morgan et Bucky étaient redoutables d'efficacité ensemble, la présence du golden boy de l'Amérique risquait de foutre en l'air leur équilibre.
Elle en était là de ses pensées et de ses inquiétudes quand elle atteignit la première porte, celle qui menait au cœur de la base Cambodgienne P.01-CAA d'HYDRA, au plus profond sous-sol. Il s'agissait d'une porte simple, de celles que l'on s'attendrait à voir pour des issues de secours. Elle était rouge, un rouge vif qui se détachait du mur gris. À côté de la porte, sur une plaque d'un métal quelconque, un agent à l'âme littéraire avait fait graver, telle une menace : « Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate. » Et Alexie, qui avait été instruite, ne pouvait qu'approuver l'avertissement : après tout, elle s'apprêtait à entrer un peu plus profondément en enfer, alors oui... Laissez toute espérance, vous qui entrez*.
oOo
La balle partit, et Selena appuya encore sur la gâchette sans que rien ne se produise. Elle réessaya plusieurs fois, évitant autant qu'elle le put les balles ennemies. Une fois à couvert, elle observa son Glock, le deuxième, et réalisa que celui-ci aussi avait un chargeur vide. Elle n'aimait pas beaucoup les armes à feu, mais les deux armes de poings faisaient partie de l'équipement règlementaire, alors elle n'avait pas vraiment le choix. Et puis, ça pouvait être utile parfois, comme maintenant. Ceci étant, elle ne s'embarrassait jamais de munitions supplémentaires, chose qui la fit grincer des dents dans la situation présente.
Jetant un regard à l'angle du mur lui servant de refuge, elle tâchât de trouver une solution, et vite. Malheureusement pour elle, son refuge ne le fut pas bien longtemps, et il arriva bien trop vite à son goût le moment où elle entendit les pas lourds des pieds bottés courir dans sa direction. Elle prit alors la décision de poser Brock à terre, dans un coin, et de se mettre devant lui.
Les chiens d'HYDRA rirent de la voir ainsi désarmée en position de défense. Enfin, certains rirent, ceux qui ne la connaissait pas, ceux qui étaient trop bas dans les échelons pour avoir ce genre d'informations sur elle. Les autres en revanche... Les autres tenaient leurs armes si fort que leurs jointures blanchirent, et que si les-dites armes étaient en verre elles auraient explosé depuis bien longtemps.
Et Selena sourit. Pas un sourire froid, promesse de mort, comme Morgan. Pas un sourire cruel, promesse de souffrances, comme Alexie. Pas un sourire blasé, promesse de gros problèmes, comme Megalia. Non. Non, Selena avait un sourire sincère, doux, presque innocent. Le sourire d'une jeune fille pour qui la vie est chaleureuse et aimable. Son regard ne sembla fixé sur rien de particulier, lointain et pourtant pétillant de vie et de malice enfantine. Elle semblait complètement à côté de la plaque, dans un autre monde. Elle était effrayante.*
Un homme, l'un de ceux qui riaient, s'adressa alors à elle. Elle ne l'écouta même pas. Sa tête était de trois quarts par rapport à eux et elle surveillait attentivement Brock toujours au sol, inconscient. Lassés d'être ignorés, et persuadés que la blonde un peu folle devant eux n'était pas d'un grand danger une fois désarmée, certains combattants d'HYDRA s'approchèrent d'elle dans le but de la chahuter un peu, et ce malgré les protestations des plus effrayés (des plus intelligents ?)
Il suffit d'une main posée un peu durement sur son épaule pour que Selena se remette en mouvement. Elle était très heureuse, les proies tombaient encore dans ses pièges ce qui signifiait qu'elle n'avait pas perdu la main.
Vif comme un serpent, elle se saisit du poignet de l'homme, lui tordit le bras dans le dos en remontant si haut que le coude craqua et que l'épaule se déboita. Puis elle relâcha l'individu qui s'écroula par terre en hurlant, et se tourna vers son public. Dans sa main gauche, celle restée libre jusque-là, se trouvait une sorte de petite canne en métal – du vibranium – qui ne devait pas faire plus de 20 cm de long pour trois de diamètre. Alors que les chiens de combat de l'hydre se jetaient sur elle, Selena fit un pas en avant, éloignant le combat de ce bon vieux Brock, et donna un coup de poignet assez sec. Les premiers individus rencontrèrent alors un bâton de combat parfaitement maîtrisé qui les laissèrent KO avec en prime une jolie commotion cérébrale pour certains.
Puis le combat s'engagea véritablement et Selena prouva qu'elle n'était pas l'une des quatre pour rien. Elle prit quelques coups, bien sûr, esquiva quelques balles de justesse, et fut blessée légèrement, mais à la fin il ne resta plus personne debout pour la défier. Quand Steve vint la rejoindre, il vit l'électricité qui continuait à courir autour de l'arme de la jeune femme, ce qui expliquait l'odeur de cochon grillé.
Selena éteignit le mode taser puis rangea son bâton télescopique, remit Brock sur ses épaules et suivit Steve. Elle put alors constater que le reste de l'équipe n'avait pas chaumé, et s'amusa à compter combien d'ennemis le blond avait mis hors-services (ils étaient les seuls encore en vie). Morgan et Bucky semblaient avoir pris un bain de sang, mais aucun des deux Rogers ne fit le moindre commentaire : Selena parce qu'elle était habituée, Steve parce qu'il savait qu'il ferait une crise de nerfs s'il ouvrait la bouche. En fait c'est un Stark qui mit les pieds dans le plat – une de leurs spécialités :
« Woaw ! Carrie au bal du diable, j'adore ! »
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« У вас есть коммуникатор ? » : Bon, on va pas se mentir, c'est du Google trad, donc si vous parlez russe et que c'est de la merde... Pataper (a)
« Un peloton » : Je ne suis pas calée sur les termes militaires, alors je fais des recherches pour essayer de pas raconter trop de connerie. Un peloton est une subdivision d'un escadron qui est composée d'entre 20 et 30 hommes, ce qui correspondait pile-poil aux besoins de la scène.
« Laissez toute espérance, vous qui entrez » : En effet, il s'agit bel et bien d'une citation fort connue de Dante, tirée de la Divine Comédie, la partie sur les Enfers. Je trouvais cela fortement approprié à la situation, et aussi une assez bonne indication de ce qui pourrait se trouver dans ce fameux "coeur de la base". Si vous n'avez pas lu Dante et que vous ne connaissez pas sa théorie sur les enfers (les Enfers de Dante quoi), pas de panique, moi non plus.
« Elle n'en était que plus effrayante. » : Clairement, Selena c'est un vague mélange entre Luna Lovegood et Bellatrix Lestrange dans Harry Potter. Et ça c'est flippant !
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