Métaphores culinaires et autres billevesées
Par un beau matin d'été, alanguie par une chaleur déjà caniculaire, à l'heure où le Paris-Brest s'éloigne des quais de Montparnasse, deux religieuses dégustaient un baba au rhum à la terrasse d'un salon de thé situé rue Brillat Savarin. À l'intérieur, un avocat marron déjeunait d'un financier (à moins que cela ne soit l'inverse). Alors qu'un orage menaçait de lancer des éclairs, je me décidais à pénétrer dans l'établissement et là, je fus saisi d'admiration devant un magnifique poster représentant une vue de la forêt noire. Cerise sur le gâteau, il restait une place à proximité de cette évocation champêtre, je m'installais confortablement pour consulter la carte, j'étais comme un coq en pâte.
À cette époque, j'étais pigiste, spécialisé dans le fait-divers (même l'été), l'ensemble de mes articles devaient représenter au moins mille-feuilles, mais je ne faisais pas choux gras de cette activité, aussi, pour mettre un peu de beurre dans les épinards, je m'étais improvisé critique gastronomique. J'avais acquis en ce domaine une certaine expérience et nul ne pouvait se vanter de m'avoir roulé dans la farine sur ce sujet. Il m'arrivait, à la suite d'un article, d'entrer en conflit (de canard) avec des chefs cuisiniers, mais je savais toujours couper la poire en deux pour mettre un terme aux querelles avant que cela ne vire en eau de boudin ou ne se termine en queue de poisson et l'on finissait par se retrouver entre la poire et le fromage en se fendant la poire justement. Ce jour-là, j'avais du pain sur la planche et je me demandais quand l'hôte de ces lieux allait ramener sa fraise pour prendre ma commande. De plus, j'étais garé en double file et je ne voulais pas prendre une prune. Après plusieurs minutes d'attente j'étais mi-figue mi-raisin, quasiment sur le grill, la serveuse devait tailler une bavette avec une collègue, bref, c'était la fin des haricots, c'était la goutte qui allait mettre le feu aux poudres et faire boule de neige, c'était dommage, car j'avais entamé cette journée avec la patate, la frite, bref, une pêche d'enfer. Enfin, une jolie demoiselle s'avança vers moi et me demanda ce que je souhaitais. j'étais bonne pâte, il n'y avait pas lieu d'en faire un plat ni même un fromage et je lui répondis avec aménité "Un fondant au chocolat, je vous prie". La serveuse ayant néanmoins remarqué mon irritation m'assura qu'elle serait aux petits oignons avec moi et qu'elle mettrait les petits plats dans les grands. "Si, si, je vous le promets" affirma-t-elle devant mon air dubitatif, "je ne vous raconte pas de salades" rajouta-t-elle en se dirigeant vers l'arrière salle. "He bien, me dis-je, finalement, il me semble que la mayonnaise prend entre nous, quelle belle journée en perspective !".
Bon appétit !
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