Quelques jours ont passé. Un matin, je réveille les enfants à grands coups de chatouilles : vite ils doivent aller chez leur maître aujourd’hui. Ils se préparent rapidement et filent à l’anglaise afin de ne pas faire leurs corvées : après tout, je suis là maintenant, crie Vic avant de s’enfuir. Je leur lance un regard faussement courroucé ce qui a pour effet de les ralentir et finis par éclater de rire avant de leur souhaiter une bonne journée. Roc me fait la leçon : je ne dois pas trop les gâter ! A mon tour de me sentir comme une petite fille ! Je m’occupe des animaux et du nettoyage du potager et de la maison. Une vraie petite fée du logis.

Une fois mes tâches terminées, je me rends dans les bois, près du petit lac où j’ai rencontré Aoi. Je m’allonge sous le même arbre aux feuilles violettes et ferme les yeux. Je veux aller voir mon petit prince aquatique.

Je me retrouve près des tentures blanches : Aoi s’est roulé en boule sur un énorme coussin et dort paisiblement. Je m’approche doucement et lui caresse les cheveux, il me sourit dans son sommeil. Je réalise qu’il est mon premier réel ami, dans ce monde-ci comme dans l’autre. Je n’ose pas le réveiller. Il marmonne des paroles inintelligibles avec les mots « maman », « frères », « sauver », « sœur ». Mon cœur se serre l’espace d’un instant. J’ouvre les yeux sous l’ombre du grand arbre et rentre à la maison.

Ma décision est prise : je dois ramener Aoi et Angeline chez eux à Nymphea. Le seul problème c’est que j’ignore comment. Lorsque Roc rentre des champs, je lui fais part de mes envies de visiter ce monde sans pour autant lui parler d’Angeline. Mon seul but serait de voir la ville où mon père aurait grandi. Roc me dévisage un instant avant de me dire qu’il me comprend : il n’a pas le droit de me retenir. Nous ne disons rien aux enfants, je sais que mon départ les attristera. Nous en discutons le soir près du feu : Myrna me conseille de me rendre en ville, la délégation d’Arachnya doit y être arrivée à présent. Ils pourront sûrement m’aider.

J’essaie de préparer mon départ le plus discrètement possible. C’était sans compter la vivacité de Vic. Un soir, après avoir rentré les waptus (équivalentes à nos vaches à lait mais d’un violet clair) , je retrouve les enfants assis sur mon matelas, l’air grave.

- Tu comptais nous l’annoncer quand ton départ ?, me demande Vic, de but en blanc.

- Qu’est-ce qui te fais dire que je m’en vais ?

- Cesse de me prendre pour un idiot veux-tu ?

- Bon d’accord… Oui je m’en vais bientôt, c’est la vérité.

- Pouquoi? Tu nous aimes plus, me questionne mon petit singe, les larmes aux yeux.

- Mais que dis-tu là mon petit singe ? Tu sais très bien que je vous adore ! Attends… J’ai quelqu’un à vous présenter. Alois Aqualya...

Mon petit prince aquatique apparaît sur mon épaule, sous sa forme de renard et me fait un câlin avec sa petite tête.

- Whaou ! Trop mignon ! Qui est-ce ?, me demande Ninya, en s’approchant d’Aoi pour le caresser.

- C’est mon meilleur ami, il s’appelle Aoi.

Ses yeux s’agrandissent de surprise lorsque je le présente comme étant mon meilleur ami. Je leur raconte l’histoire de mon petit prince aquatique. Ninya en a les larmes aux yeux et Vic m’écoute d’une manière très attentive.

- Je comprends mieux à présent, déclare Vic. Tu pars bientôt ?

- Dans les jours qui viennent… Je ne sais pas encore quand exactement.

- D’accord… Laisse-moi te promettre une chose ! Je deviendrai quelqu’un de très fort et de très intelligent puis je te rejoindrai !

-Moi si !

- Très bien, très bien !, leur répondis-je en riant. Je vous attendrai.