Évaïs

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Quel délice… Une douce chaleur coule dans mes veines. Une main douce me caresse les cheveux… Je me sens si bien, en sécurité, ce sentiment est tellement bon… Mon cœur bat la chamade mais je n’en ai cure : ma béatitude est telle… Quelqu’un me parle...

- Est-ce vraiment toi ? Est-ce bien toi que je recherche depuis bientôt deux mois ? Est-ce bien toi qui m’attire comme un aimant ? Ces prunelles vertes et noisettes, tellement magnifiques… Seraient-ce celles qui me hantent ?

Qui est-ce ? Qui me parle ?

Je me réveille doucement, une odeur de menthe flottant dans l’air. Je n’ouvre pas les yeux immédiatement profitant de la douceur des draps et du moelleux du … matelas ?

Mais où suis-je ?

J’essaie de me remémorer les évènements récents : je me souviens de la bagarre avec le chef de bande, de mon serment avec Galadryelle et… plus rien… Je ne sais même pas où je suis ni comment je me suis retrouvée là… Je finis par entrouvrir les yeux : je suis sous une tente blanche et rouge luxueuse. Allongée sur un énorme matelas aux odeurs de sucre et de menthe, je suis recouverte d’une étoffe violette soyeuse et je suis… nue ! Je rougis et rabat la couverture sur mon corps. Je regarde autour de moi, espérant trouver mes vêtements ou quelque chose pour m’habiller. Autour de mon matelas est dressée une voilure de couleur blanche, parsemée d’arabesque de fils dorés. Mon lit est posé à même le sol en herbe, à ses pieds est déployé un tapis de couleur rouge sang. Je soupire et profite du moment : je suis tellement bien installée !

Soudain, mon cœur s’affole, mes mains deviennent moites… Quelqu’un s’approche, je le sens. J’aperçois une ombre chinoise se dessinant sur les voilures blanches. Sans savoir pourquoi, je referme les yeux et fait semblant de dormir. Effectivement, une personne entre sous la tente et vient s’asseoir près de moi. Mon cœur bat si fort que j’ai peur que cela s’entende. Sa main me caresse lentement les cheveux : son contact est si doux, si prévenant. Je ne peux m’empêcher d’ouvrir les yeux.

Énorme choc.

Ses prunelles ont la couleur d’un océan profond, un bleu si beau que j’en ai le souffle coupé. J’ai l’impression de m’y noyer. Il s’y trouve une profonde tristesse, un sentiment de mélancolie si fort... Son visage à la peau mate est emprunt d’une telle douceur que je ne peux m’empêcher de lever ma main et de la poser sur sa joue. Il a l’air surpris mais ne repousse pas ma caresse : il va même jusqu’à l’accentuer en posant un baiser au creux de ma main.

- Mais qui êtes-vous donc ? me chuchote-t-il, d’une voix à peine audible.

Je suis transportée dans un mélange de sentiments contradictoires : angoisse et sécurité, protection et danger… Les paroles d’Aoi me reviennent à l’esprit : ne jamais donner mon nom de Ravilya...

- Je… Je suis Alyana… Alyana Atsurui. Et… et vous ?

- Evaïs. Evaïs Malakim.

Soudain, je me souviens que je suis nue et à moitié découverte devant un homme que je ne connais pas. Rougissante, je me recouvre de l’étoffe violette rapidement. Lui-même est gêné et détourne son regard brûlant.

- Je… je suis… Vraiment désolé… Vous étiez dans un sale état… J’ai demandé à mes suivantes de vous nettoyer et de vous soigner. Vos vêtements ont été mis à laver. Puis-je vous demander les raisons de vos blessures ?

- Je me suis faite attaquer par des brigands qui voulaient me faire payer un droit de passage. Je me suis défendue comme j’ai pu…

- Impressionnant…

Je souris malgré moi. Il se lève pour appeler l’une de ses fameuses suivantes afin qu’elle m’apporte de quoi m’habiller puis il me laisse. Elle m’apporte des vêtements en prenant bien garde de ne pas me regarder dans les yeux. Les sentiments que je ressens à ce moment-là sont indescriptibles : un mélange de bien-être et de chaleur, en même temps comme une sensation d’abandon, ce qui est vraiment étrange. Je me lève et me change : la robe qu’Evaïs m’a faite portée est d’une étoffe fine et légère. J’ai presque l’impression de n’avoir rien sur le corps.

Je passe les tentures blanches et le cherche du regard. Je le retrouve assis à une table, concentré sur d'énormes parchemins qu’il regarde d’un œil attentif. Je n’ose pas le déranger et me pose sous un arbre. Je n’arrive pas à détacher mon regard de ce Titan : je le détaille. Sous ses magnifiques yeux bleus, ses pommettes sont saillantes et il a un nez droit, légèrement retroussé, ce qui me fait sourire. Ses lèvres sont pleines et il a une cicatrice au coin de sa bouche, comme si une lame était passée par là. Sa peau mate est réhaussée par le noir corbeau de ses longs cheveux tressés qui lui arrive au bas de ses fesses... qu’il a bien rondes d’ailleurs.

Il lève son regard vers moi et me surprend à le détailler : je sursaute et il me sourit tendrement en m’invitant à m’approcher. Je ne peux que répondre à son sourire et m’en vais le rejoindre. En me levant, je me cogne contre une jeune femme qui porte un plateau avec de l’eau et deux verres semble-t-il en cristal. La carafe ainsi que les contenants se brisent sur le sol. Je tombe lourdement sur les fesses. J’ai à peine le temps de soupirer de douleur que la jeune femme aux yeux oranges se prosterne devant moi, suppliant mon pardon en pleurs. Je me lève et lui tend la main afin de l’aider en lui souriant gentiment. Elle semble complètement perdue et n’ose me regarder en face. Un valet s’approche et lui assène une gifle monumentale en l’insultant copieusement. La pauvre se cogne la tête contre une pierre et se met à saigner. J’ai un brusque coup de colère envers cet homme et l’envoie valser dans le petit ruisseau avec un sort de vent. Je ne sais pas qui est le plus surpris entre le valet, la servante, Evaïs ou moi-même. J’aide la jeune fille à se relever et soigne sa blessure à la tête grâce à un sort de guérison. Elle finit par me remercier d’un joli sourire avant de se retirer.

Evaïs part dans un fou rire, rire complètement contagieux. Je m’assois près de lui. Je regarde les parchemins et reconnais une partie de la carte de Noctalya, centrée sur Nymphea, sur d’autres, il y a une écriture fine et raffinée où je reconnais le prénom d’Alois. Je ne sais pas quelle attitude adopter face à cela. Voir le nom de mon petit prince sur ces parchemins me met mal à l’aise mais j’essaie de ne rien laisser paraître.

Il me demande si je voudrais bien l’accompagner pour une promenade. J’accepte avec plaisir. Il m’offre son bras : j’ai l’impression d’être une princesse de la célèbre firme au château… Je ris toute seule. Nous marchons côte à côte, en silence tout le long du ruisseau. Nos mains se frôlent sans se toucher et c’est comme si il y avait de l’électricité entre nous.

Nous finissons par déboucher sur une petite clairière ombragée : l’endroit est magnifique ! Le petit ruisseau s’est élargi pour former un petit bassin dont les couleurs vont du bleu turquoise pour finir sur le rose, en passant par des tons de vert absolument splendides. Tout autour se trouvent des arbres centenaires : leurs troncs d’un marron chocolat ou d’un marron tendre sont couronnés de feuillages aux couleurs ocres, violets et bleus, un vrai ravissement pour les yeux ! Dans l’eau poussent des roseaux aux multiples couleurs parmi lesquels des insectes ressemblant aux libellules batifolent.

Nous nous asseyons à l’ombre, près du bord de sorte que je puisse mettre mes pieds dans l’eau. Je me déchausse et le fait en soupirant de plaisir. Il me regarde et dans ses yeux j’y vois une immense tendresse. Je rougis. Il se rapproche de moi, tellement que nos épaules se touchent. A chaque fois que nos corps se rapprochent, un délicieux frisson me parcourt. Nous regardons le paysage un moment en silence.

- Dites-moi Alyana… D’où venez-vous ?

- Cà… C’est un secret !, je lui réponds avec un clin d'œil, ne sachant pas trop quoi lui répondre. Il rit.

- Très bien, très bien… Parlons de choses plus banales dans ce cas ! Je suis un militaire, noble d'Arachnya et j’ai passé le Register il y a de cela presque cinquante ans. Et comme tu le sais, je suis un Malakim.

Je sursaute. Cinquante ans !

- Mmmmhh… Bah moi… J’ai aussi passé le Register mais il y a de cela quelques mois et je suis une élémentalienne. Et je suis une Atsurui.

- Il y a quelques mois ? Mais le prochain n’a lieu que dans deux ans !

- Euh… Disons que… Que je suis spéciale…

- Je n’en doute pas une minute…

Je suis surprise par sa phrase. Il rit à nouveau. J’adore l’entendre rire. Nos yeux se croisent et à nouveau un frisson me parcourt : je ne peux détourner mon regard de ses magnifiques prunelles océan. Mon coeur bat de plus en plus fort… Il prend ma main dans la sienne et entrelace nos doigts : il la porte à ses lèvres et y dépose un baiser. Mon sang s’allume, je dois être rouge pivoine. Un poisson choisit ce moment pour sauter hors de l’eau et nous éclabousser.

Je lui souris d’un air malicieux et profite de ce moment d'inattention pour l’éclabousser à mon tour. Il ouvre de grands yeux effarés et avant de me sourire comme un petit garçon. Debout dans l’eau, la robe mouillée jusqu’aux genoux, je le nargue d’un regard de défi. Je me doute que ce n’est sûrement pas le comportement que devrait avoir une jeune fille noble mais je n’en ai cure : la seule chose que je veux c’est d’effacer cette tristesse, cette mélancolie de ses yeux bleus. Je me penche en avant et lui envoie une immense gerbe d’eau en pleine figure, avant de partir dans un fou rire devant son air ébahi.

Il me regarde et soudain il se transforme en prédateur : ses yeux s’illuminent d’une lueur indéchiffrable et il fonce vers moi. J’ai à peine le temps de dire ouf que je suis trempée jusqu’aux os.

Qu’à cela ne tienne !

Je me sers de ma magie et lui lance un sort aquatique.

- Tricheuse !

J’éclate de rire. Il me soulève dans ses bras avant d’essayer de me jeter à l’eau. Je m’accroche à lui de toutes mes forces et nous tombons tous les deux. Allongés dans l’eau, nous ne finissons plus de rire.

- Il va falloir que j’y retourne… Mes troupes vont finir par s’inquiéter… Malgré le fait que je n’ai absolument pas envie de m’éloigner de ces yeux magnifiques...

Il se lève et galamment me tend la main pour m’aider. Je suis un peu déçue qu’il écourte notre moment mais ne rechigne pas, surtout après son compliment. Il me relève un peu brusquement et je me retrouve une main posée sur son torse et l’autre enserrée dans la sienne. J’ai le souffle court, je lève les yeux vers son visage. Il pose ses mains sur ma taille et resserre son étreinte. Plaquée contre son corps musclé, mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine. Sous mes mains, je sens le sien se mettre au diapason. Dans ses yeux s’est allumé une lueur douce, chaude. Son visage se rapproche du mien et il finit par s’emparer de mes lèvres.

Ce baiser n’est pas chaste : il est passionné, il est enflammé, il me consume corps et âme. Derrière mes yeux fermés, un feu d’artifice s’est allumé. Dans mon corps, un brasier brûle. J’enroule mes bras autour de son cou et ose glisser ma langue dans sa bouche. D’abord surpris, il se laisse faire et nos langues se mettent à danser un tango endiablé. Il me soulève pour que je sois à la même hauteur que lui lorsque nos lèvres se séparent. Je pose mon front contre le sien et nous ne disons rien, le temps que les battements de nos coeurs se calment.

- Je… mais qu’est-ce que tu m’as fait ? C’est totalement improbable mais je suis attiré par toi comme une comète par le feu… Ces yeux qui m’hypnotisent... Je me sens tellement bien lorsque tu es près de moi… Alyana… Mon Alyana…

- Evaïs… Evaïs… Je…

- Mon Prince !

Un homme vêtu de pied en cap de noir, une énorme épée attachée à sa ceinture, déboule durant ce magnifique moment. Evaïs me dépose délicatement au sol et me place derrière lui, son corps faisant barrage entre le nouveau venu et moi. Ce dernier me regarde d’un air désapprobateur avant de mettre un genou à terre face à Evaïs.

- Il se passe des choses terribles ! Nous faisons face à une situation qui requiert toute, je dis bien toute votre attention.

Mon cœur rate un battement. Le regard de ce Titan me trouble plus qu’il ne le devrait : il agit comme si je représentais une gêne, un obstacle. J’ai dû blémir car Evaïs me prend la main et me lance un regard rassurant. Il congédie son sergent et lui dit qu’il arrive bientôt. Nos mains entrelacées, nous nous dirigeons vers le campement. Arrivé près de la tente rouge et blanche, Evaïs s’excuse auprès de moi : il doit rejoindre ses généraux pour s’enquérir de la situation. Il se penche et dépose un délicat baiser sur mes lèvres. Je lui souris et entre dans la tente.

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