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Je me réveille en entendant les douces voix d’Aoi et d’Angeline chanter ma berceuse. En ouvrant les yeux, mon cœur rate un battement : l'œuf est fissuré ! Je me sens tout de suite coupable ! Mes amis me rassurent : c’est juste qu’Angeline ne va pas tarder à éclore… Je la vois qui virevolte dans son œuf telle une petite fée, tout en riant ! Elle nous avoue être pressée de voir nos visages et qu’enfin elle puisse nous serrer dans ses bras ! Je souris, rassérénée .

Je constate aussi que mon esprit se porte à merveille ! Je me demande ce qu’il en est de mon corps… mais une fois que je m’éveille ici en premier c’est qu’il a encore besoin de repos. Aoi a retrouvé sa belle couleur argentée et ses yeux pétillent à nouveau. Je suis soulagée.

- Aoi ? Sais-tu comment le Kaern est arrivé jusqu’à nous ?

- Mmh… Une fois que tu as été mise en sécurité avec Galadryelle, je suis allé enquêter aux abords de là où la créature est apparue. J’y ai retrouvé le cube dans lequel il était enfermé : il était brisé. Ce qui conforte notre hypothèse : seuls mes frères et moi-même connaissions l’endroit où le Kaern était caché.

- Ainsi donc un autre de tes frères est dans le camp.

- Non… Il s’en est allé dès que la bête a été lâchée.

- Il ne peut s’agir que d’Ailyus, Athénor doit tout diriger depuis Nymphea. Il voue une adoration sans borne à notre aîné : Athénor peut lui faire faire n’importe quoi… D’ailleurs, il ne reste que trois jours avant la nouvelle lune…

- J’ai cru comprendre oui… Arriverons-nous à temps ?

- Maintenant que tu es plus ou moins rétablie, je pense oui… En revanche, je ne sais pas si le plan d’Evaïs va te plaire.

- Pourquoi ?

- Je préfère lui laisser le soin de te l’exposer, il saura te convaincre. Sache que pour ma part, je suis entièrement d’accord.

Malgré mes supplications, Aoi refuse de m’en dire plus. Je fais mine de bouder mais rien n’y fait. Qu’à cela ne tienne, j’irai demander directement au principal concerné.

Je reprends peu à peu conscience auprès de Galadryelle. Celle-ci me sent et lèche doucement mon visage. Le soleil commence à descendre : nous sommes en fin d’après-midi.

Rentrer.

Je me tourne vers ma zethys puis me lève. Je la câline, la remercie encore pour tout et la laisse partir. Je soulève un pan de la tente : ce faisant, je regarde mes poignets où je ne détecte aucune blessure.

Ne me suis-je pas coupée les veines pour soigner Aoi et Galadryelle ?

J’entends Evaïs derrière moi. Non. Je sens Evaïs derrière moi. Mon cœur s’affole dès qu’il est dans les parages. Mes sens sont en alerte et mon corps se hérisse de chair de poule. Je serre mes bras contre ma poitrine pour étouffer un frisson lorsque Evaïs m’emprisonne des siens. Je pose ma tête contre son torse et me laisse aller. Sa puissance me rassure. Il pose un baiser dans mes cheveux.

- Aoi m’a dit que tu avais un plan pour entrer à Nymphea…

- Oui… Il t’a aussi dit que cela risquerait de ne pas te plaire ?

- Quelque chose comme ça oui… d’ailleurs il te laisse te débrouiller pour me l’exposer !

- Whaou ! Quel courage !

Il rit doucement dans mes cheveux avant d’enfouir son visage dans mon cou. Ses lèvres déposent un délicat baiser près de mon oreille et tout mon corps s’électrise à ce contact. Je me retourne face à lui et passe mes bras autour de son cou. Nous nous regardons dans les yeux pendant ce qui me paraît une éternité.

- Mon plan ne va pas du tout te plaire, compte tenu des liens qui t’unissent à Alois.

- Aoi ? Que vient-il faire là dedans ?

- Je vais nous faire entrer à Nymphea grâce à un contact que j’ai dans l’armée de la reine, il va nous faire passer par un passage secret que nous espérons inconnu d’Athénor. Pour le convaincre de nous amener directement à la reine… il va falloir qu’Aoi se fasse prisonnier.

- Pri…

- C’est le seul moyen d’atteindre la salle du trône en moins de trois jours.

Je n’en reviens pas. Aoi a accepté cette contrainte ?

- Que risque-t-il ? demandai-je d’une toute petite voix.

- Pour tout t’avouer… Je n’en sais rien. De notre côté, il va falloir qu’on lui passe les chaînes et que Cody l’entrave avec un sort psychique. De plus, ils ne doivent pas savoir que vous avez passé un pacte : ils risqueraient de s’attaquer à toi directement. Écoute. Je perçois ton inquiétude mais réfléchit une minute. Athénays lui a confié son œuf : crois-tu réellement qu’elle lui ferait du mal ?

- Tu as peut-être raison mais ton plan comporte quelques inconnues. Ton contact est-il vraiment fiable ? De plus, son passage soit disant secret ne doit pas l’être pour Athénor. Je te rappelle qu’il a vécu toute sa vie dans ce château. Enfin, Aoi fait figure de prince renégat : il risque d’être malmené…

- Chaque plan a son lot d’incertitudes. Si j’avais eu plus de temps…

Malheureusement du temps nous n’en avons pas. J’ai peur qu’Aoi soit blessé ou pire à cause de son statut de prisonnier. Il est vrai aussi que l'œuf d’Angeline a commencé à se fissurer. Après tout, je ne serais pas loin : si mon petit prince est blessé, je le soignerai aussitôt, peu m’importe s’ils découvrent la véritable relation qui nous unit.

- Alois Aqualya.

- Ça y est tu es au courant ? Vu ton regard, oui tu l’es. Qu’en penses-tu ?

- Je dois t’avouer que l’idée de te voir prisonnier ne m’enchante guère… Mais si cela nous permet d’arriver directement à Athénays, je suis d’accord. En revanche, si quoique ce soit tourne mal…

- Tout va bien se passer Alyana, me coupe Aoi. Je risque d’être battu et même blessé. Les gardes Nymphaliens ne sont pas des tendres, crois-moi. Jure moi que tu ne feras rien.

- Aoi, je ne peux pas te promettre ça. Rappelle-toi ce que la colère peut déclencher chez moi…

Nous nous taisons. Evaïs assure que rien ne sera fait à Aoi : il va le déclarer prisonnier de guerre. En tant que tel, il sera sous la juridiction de Tensya tant que la reine ne l’aura pas jugé. De plus, il est recherché : une prime a donc été établie. Tant que la somme n’est pas versée, Aoi restera soumis aux lois de Tensya. Nous sommes donc tous d’accord.

Aoi retourne auprès d’Angeline, soulignant qu’il n’a pas envi de se retrouver au milieu de deux amoureux transis. Fier de sa blague, il s’en va en riant nous laissant comme deux idiots.

- Prince Evaïs !

Nous sursautons tous les deux. Il s’approche de la voilure et la soulève. Korn est là, monté sur un dragnir et portant une armure aux couleurs d’Evaïs. Il paraît soulagé de me voir debout et me gratifie d’un grand sourire.

- Bonjour Alyana. Je constate avec joie que vous vous êtes remise : Lila en sera enchantée.

- Bonjour Korn et merci de vous être inquiété. Effectivement, je vais beaucoup mieux.

- Prince, devons-nous nous arrêter pour la nuit ?

- Oui, il serait plus sage. Après le combat d’hier et ses conséquences, nous sommes tous épuisés. Une bonne nuit de repos ne nous fera pas de mal.

- Il y a un lac pas loin, je vais y faire établir le campement.

Je souris à cette idée : un lac ! Je vais enfin pouvoir me baigner. Evaïs se tourne vers moi d’un air interrogateur et je me demande bien pourquoi.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Mmmh… tu laisses le peuple t’appeler par ton prénom ?

- Oui. Ça te choque ? Et puis, se sont des amis à présent.

- Des amis ? fait-il, complètement interloqué. Tu n’as absolument pas le comportement d’une noble… Tu te soucies des Ritsuas et des Falanims comme de ta propre caste… tu as passé le Register que très récemment… Tu ne connais rien au système des pactes… Tu maîtrises parfaitement tes sorts sans être passée par la case apprentissage…

- C’est que Monseigneur a enquêté…

- Je suis militaire Alyana, ne l’oublie pas ! me rappelle-t-il en riant. Et chose la plus incroyable : la couleur et la texture de tes cheveux.

- Quoi ? Ils ne te plaisent pas peut-être ? fis-je, la mine boudeuse et un rien effrontée.

- Je crois… je crois que c’est ce qui me plaît le plus chez toi. Quoique je crois que j’aime tout chez toi. Absolument tout, achève-t-il dans un murmure.

Je reste bouche bée. J’ai rêvé ou ce magnifique Titan qui fait battre mon cœur à cent à l’heure vient de me faire une déclaration ? Il s’approche de moi lentement et me prend les mains.

- Impossible… J’ai réussi à clouer le bec à Damoiselle Alyana.

Je pouffe, le front posé sur son torse. Il me prend par le menton et lève mon visage vers le sien. Je me souviens de la première fois où j’ai vu ses yeux : ils étaient alors remplis d’une tristesse infinie, ils débordaient de mélancolie. A présent, j’y vois tout autre chose : une immense douceur et quelque chose de nouveau… Il prend une grande inspiration.

- J’ai voulu te le dire tout à l’heure mais tu ne m’as laissé finir. En 3 200 ans, je ne l’ai jamais dit qu’à une seule personne… (je déglutis… 3 200 ans ? Une seule personne ? ) Je t’aime Alyana. Je crois que je suis tombé amoureux de toi lorsque tu as triché durant notre bataille d’eau.

Je lui lance une petite tape sur l’épaule qui le fait rire. Il ferme les yeux et secoue la tête. Il se penche alors pour m’embrasser. Malgré les sentiments qui brûlent au fond de moi, je l’arrête, en posant ma main sur ses lèvres. Je lui dois d’abord la vérité. Je ne pourrais pas l’embrasser tant que ce secret sera encore entre nous Je lui souris tristement et son visage change du tout au tout.

- Viens.

Je l’emmène dehors. Le soleil se couche et pare le ciel de magnifiques couleurs pastels. Avec mon sort de lévitation, nous nous envolons vers le lac et je nous dépose de l’autre côté de la berge afin que nous ne soyons pas dérangés. Je choisis un endroit en hauteur : devant nous s’étalent des champs et j’aperçois au loin l’Océan Turquoise. Je m’assois à même le sol et invite Evaïs à côté de moi. Il s’exécute, inquiet. Je le prends par les épaules et l’oblige à poser sa tête sur mes jambes. Encore une fois il se laisse faire : il doit me prendre pour une folle.

- On va jouer à un jeu. Je te demande de me poser des questions, tu le fais. Tu n’as pas le droit de me demander autre chose tant que je n’aurai pas décréter la fin du jeu. D’accord ?

- Euh… d’accord.

- Demande-moi mon âge.

- Cela ne se fait pas ! (Je le pince). Très bien, très bien. Quel âge as-tu ?

- Dix-huit ans. (Il sursaute et me regarde avec des yeux ronds) Plus tard les questions personnelles j’ai dit. Demande-moi de quelle race je suis.

- Mais tu es une Titan !

- Evaïs !

- Bon, bon. De quelle race es-tu ?

- Je suis mi-Titan… mi-humaine…, il se crispe. Enfin, demande-moi d’où je viens.

- D’où viens-tu ? s’exécute-t-il d’une voix blanche.

- Je suis née en Ecosse, sur une planète qui s’appelle la Terre.

Là, il se lève. Fixe sur moi ses yeux bleus remplis d’incrédulité. Je soutiens son regard sans faillir. Je ne connais qu’un seul moyen de lui prouver ce que j’avance. Cody a dû lui dire pour la couleur de mon sang. Qu’à cela ne tienne : je récupère ma dague et me coupe le doigt.

- Cody me l’avait dit mais je refusais de la croire. Je me disais qu’elle avait eu une hallucination…

- Non. Mon sang est bien rouge comme tu peux le constater. J’ai vécu dix-huit années sans connaître mes véritables origines… Je ne l’ai appris que très récemment. Je t’écoute, lui dis-je dans un soupir, m’attendant au pire.

- Quoi ?

- Le jeu est terminé, murmurai-je, j’attend tes questions.

Il s’approche, me tend une main que je saisis. Mon corps a cette même réaction : ma peau se hérisse de chair de poule, mon cœur se met à battre à cent à l’heure et ma respiration s’accélère. Je lève mon visage vers le sien et mes yeux sont captivés par les siens. Ce que j’y vois me coupe le souffle : un mélange de surprise, de confiance et… d’amour. Oui, c’est ça le petit truc nouveau : l’amour.

- Peu m’importe tes origines, d’où tu viens ou même ton nom. Je suis tombé amoureux de la personne, de tes manies, de ta façon d’être… de toi Alyana. Que tu sois humaine, Titan ou autre chose je m’en moque. Alyana… Je t’aime.

Cette déclaration me fait monter les larmes aux yeux. Il rapproche son corps du mien. Mes mains posées sur son torse musclé, je sens les battements de son cœur. Il passe sa main sur mon visage pour y essuyer une larme et son contact se prolonge. Je ne peux plus résister : je me mets sur la pointe des pieds et pose mes lèvres sur les siennes. Ce baiser, tout d’abord chaste, se fait de plus en plus enflammé, c’est un tourbillon de sensation assaisonné de désir.

Il m’allonge sur l’herbe et m’emprisonne sous son corps musclé. Je ressens tout l’amour qu’il a pour moi à travers ses baisers et ses caresses. Je finis par lui murmurer ces mots qu’il attend avec impatience.

- Je t’aime aussi Evaïs. De tout mon cœur. Je t’aime.

Il me sourit tendrement maintenant qu’il sait qu’il règne en maître sur mon cœur, il prend possession de ma bouche puis de mon corps. En cet instant et pour toujours, je suis toute à lui.