Parents et enfant
Ritsu et moi sommes les premières à être présentes dans la salle de classe. Pas étonnant puisque nous avons toutes deux dormi dans le bâtiment.
La journée de cours se déroule habituellement, entre leçons, jeux et tentatives d'assassinat. Mais durant tout ce temps, j'appréhende mon retour à la maison.
Seulement, le temps passe et il faut bien rentrer en fin de journée. Je me mets donc sur le chemin du retour après avoir salué mes professeurs et mes camarades.
Plus j'approche de chez moi, plus mon estomac se noue. Je finis tout de même par sonner à l'interrupteur du portail de la demeure. Quelques secondes après, une voix répond :
- Qui est-ce ?
- C'est Hana.
- Ah ! Mademoiselle ! Dieu merci, vous êtes de retour ! Nous étions si inquiets pour vous !
- Vous n'avez pas à vous inquiéter, je vais très bien.
- Laissez-moi vous ouvrir !
Un petit vibrement annonce l'ouverture du portail. Je pénètre dans le domaine, marchant pas à pas sur le chemin de graviers qui mène jusqu'à la porte du bâtiment. Une fois devant, je n'ai pas besoin de toquer, un domestique que je connais bien m'ouvre avec précipitation et me fait entrer en s'exclamant :
- Ah ! Mademoiselle ! Vous nous avez fait une belle frayeur ! Heureusement, vous voilà saine et sauve !
- Je suis désolée de vous avoir causé tant de souci. Est-ce que mes parents sont à la maison ?
- Nous les avons avertis de votre arrivée, ils vous attendent tous deux dans le petit salon.
- Merci.
J'enlève mes chaussures avant de me diriger vers la pièce où mes parents se trouvent. Mère est debout au milieu de la pièce, les mains jointes, et père fait les cent pas. J'entre :
- Bonsoir, père. Bonsoir, mère.
- Hana ! me répondent-ils en choeur.
Mère s'approche aussitôt de moi et s'accroupit pour se mettre à ma hauteur. Elle pose une main sur mon épaule, l'autre sur mon visage et me demande :
- Est-ce que tout va bien ? Tu n'es pas blessée ?
Je suis vraiment surprise de cette marque d'affection et de tendresse inhabituelle mais je réponds tout de même :
- Ne vous en faites pas mère, je vais bien.
J'entends alors un léger soupir de soulagement sortir de sa bouche. Elle était vraiment inquiète pour moi !
Mère se relève et se tourne vers père. Ils se regardent dans les yeux pendant plusieurs secondes, puis mère m'adresse la parole :
- Hana, je pense que nous devons te présenter des excuses. Nous n'avons pas été très ouverts et compréhensifs envers toi, mais nous voulons que tu saches que nous n'avons que ton bien en tête.
- Oui, je le sais à présent.
- Lorsque tu es partie, hier soir, nous nous sommes posé beaucoup de questions, mais nous avons encore besoin de t'en poser. L'éducation que nous te donnons et les projets que nous t'offrons te rendent-t-ils vraiment malheureuse ?
- Je sais que tout ce que vous faites, vous le faites pour mon bien, ou plutôt pour ce que vous pensez être mon bien. Vous êtes là pour me guider dans ce monde et je vous en suis très reconnaissante, mais si vous faites tous les choix à ma place, je ne suis plus qu'une marionnette entre vos mains, et à quoi bon vivre alors ? Mère, vous qui me considérez comme une femme, ne dois-je pas par conséquent prendre mes propres décisions et faire mes propres choix ? Si vous me traitez toujours comme une enfant, comment pourrais-je me débrouiller seule quand il le faudra ? Comment pourrais-je devenir une adulte mûre et responsable si vous ne me traitez jamais comme telle ? Tous les enfants ont besoin de parents pour les guider et les conseiller, et je ne fais pas exception à la règle, mais chacun doit aussi mener sa propre existence comme il l'entend. N'êtes-vous pas d'accord avec moi ?
- Il y a en effet du vrai dans ce que tu dis, affirme père. Nous avons tous fait nos propres choix dans nos vies, surtout les plus importants, alors je pense qu'il est temps pour toi de te préparer à la vie d'adulte qui t'attend et par conséquent, à faire des choix importants. Tu peux donc choisir la profession que tu juges la meilleure pour toi, mais fais-le avec sagesse, car c'est un choix qui marquera assurément ta vie.
- Oui, père ! Je vous remercie !
- Tu disais vouloir devenir artiste ? demande mère. Soit, mais je t'en prie, sois une artiste chic et digne comme l'étaient Mozart ou Lully. Tenir ta réputation n'est pas important seulement pour notre famille, ça l'est aussi pour toi. Une bonne réputation ouvre toutes les portes, crois-moi, cela te sera utile.
- Je n'ai jamais eu l'intention de salir la réputation de qui que ce soit ! Je vous l'ai dit, tout ce que je veux, c'est pouvoir enfin m'exprimer librement et faire ce que j'aime ! Je veux juste être heureuse !
- Et nous voulons juste que tu sois heureuse.
Ils arborent tous deux un grand sourire. Je ne peux que me joindre à eux. Prise d'un élan d'affection et de gratitude, je me jette dans leurs bras en m'exclamant :
- Merci pour tout ! Je vous aime tant !
- Nous t'aimons aussi, affirme mère d'une voix douce.
Nous restons serrés dans les bras l'un de l'autre pendant plusieurs secondes, avant que père ne déclare :
- Vous aimer n'est pas une excuse pour ne pas travailler. À tout à l'heure.
Il s'éclipse vers son bureau. Mère et moi nous regardons dans les yeux avant de rire. C'est la première fois que nous rions ensemble, comme c'est bon ! Mais dès que je renverse ma tête en arrière, emportée par mon rire, mère nous interrompt en attrapant mon menton pour redresser ma tête tout en me rappelant :
- Une femme de qualité se tient toujours droite et ne découvre jamais sa bouche lorsqu'elle rit ou bâille.
Finalement, ils n'ont pas changé. . .
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