Chapitre 1
Une chaleur inhabituelle, pour un mois d’avril, frappait la France. Elle m’étouffait et, à chaque inspiration, mes poumons brûlaient. Quelque chose clochait ! Personne n'avait jamais connu un début de printemps aussi caniculaire. La faute au dérèglement climatique ? Je brassai l'air avec mon éventail afin d'offrir à mon corps un semblant de fraîcheur. Je supportais en effet très mal une telle température sans en subir parfois quelques évanouissements impromptus. Incapable de tolérer davantage ce soleil de plomb, j'ouvris le portail de mon jardin et remontai l'allée, remarquant au passage les tons ocres de cette herbe bien verte seulement quelques jours auparavant. Je franchis la porte d’entrée avec soulagement ; quel bonheur de vivre dans unevieille maison de pierre, à l’intérieur si frais.
Je grimpai à l’étage, jusqu’à ma chambre, et m'affalai sur mon lit en me délectant par avance du roman "les cendres d'Orion » acheté deux jours plus tôt. Cette histoire m'inspirait un sentiment nostalgique, tout autant qu'une résurgence de peur profondément enfouie dans ma mémoire.
Lorsque je refermai le livre, il était déjà vingt heures ! Le regard fixé sur ma montre, je ne pouvais m’empêcher de m’interroger sur la relativité du Temps. Plongée dans ma lecture passionnante, les heures avaient défilées le temps d’un battement de cil. Insondable mystère ! "Il n'y a de mystère que ce que l'on appréhende à l'extérieur de Soi " entendis-je au plus profond de moi. J’esquissai un sourire ; ma voix intérieure se manifestait souvent au moment où je m'y attendais le moins.
— Hum, à méditer !
Je me levai d'un bond et allumai la radio sur ma table de chevet. C'était l'heure des infos. Habituellement, j'évitais d'écouter tout ce ramassis de mauvaises nouvelles, pourtant ces temps- ci, des évènements intrigants se déroulaient un peu partout dans le pays. J'espérais qu’ils en parleraient de nouveau. Je montai le son.
"Un nouveau corps a été retrouvé en Haute-Corrèze, au milieu d’un cercle de culture comme dans les autres cas... La gendarmerie envisage la piste d'un réseau criminel à l’échelle nationale dont le mobile et la façon de tuer demeurent encore mystérieux. La victime semble, elle aussi, avoir succombé des suites d’une crise cardiaque. Son corps ne comportait aucune trace apparente d'une quelconque violence... "
— Décidément, c’est bien étrange, me dis-je à moi-même.
Je ne comprenais pas la raison pour laquelle certaines des victimes étaient relâchées vivantes, mais rentraient toutes à leur domicile hagardes, frappées d'amnésie et avec des marques étranges sur le corps sans explications rationnelles. Et tous ces cas de disparitions dans des lieux où apparaissaient des crop circle ? Était-ce un hasard ? Je fronçai les sourcils, soucieuse, au constat que ce dernier décès était dangereusement proche de chez moi...
J’éteignis la radio d’un coup sec et allai me promener ; une légère brise caressait mon visage tendu. Les cieux avaient revêtu son manteau constellé de points chatoyants. J'aimais errer sous les étoiles, les admirer et me perdre dans l’immensité du firmament. L'astre Orion, majestueux, reposait à l’horizon. Cette constellation me fascinait depuis toujours. L’attraction que je ressentais envers elle provoquait dans mon coeur un émoi mélancolique dont je ne connaissais pas l’origine. J'en profitai pour respirer l’air refroidi à plein poumons. J’eus l’impression de renaître à la vie.
De longues minutes plus tard, ressourcée et emplie d’une nouvelle énergie, je repartis en direction de la maison où devait à présent m’attendre mon compagnon : Loïc. J’aperçus en effet sa voiture garée dans l'allée. Je souris, observai une dernière fois les étoiles et posai ma main sur la poignée de la porte d'entrée.
C'est à ce moment précis qu'un vertige m’emporta dans sa ronde tournoyante ; un de ceux où le monde autour de soi semblait s'effacer pour nous laisser dans un entredeux sans fin. J'avais un pied dans chaque monde... Puis, lorsque je chutai enfin sur le sol, une voix claire et ample retentit à mes oreilles : " Je t'ai enfin retrouvée ! " Et le néant m'engloba tout entière, non sans avoir laissé sur moi une empreinte sinistre. Car plus que les mots, ce fut l'intonation de la voix qui me tétanisa : on me haïssait et je ne comprenais pas pourquoi....
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