Chapitre 4

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Et ce jour était venu. Enfin. Le vent se dissipa dans une brise légère. Mon corps redescendit délicatement au sol ; nanti d'une nouvelle force et mon cœur prêt à la rédemption. L’Horloge du Destin des âmes sonnait maintenant le dénouement d’une lointaine histoire d’amour tragique et, cette fois-ci, ce ne serait ni triste ni cruel.
L'homme, en réalité Athan, n'en croyait pas ses yeux.
— C'est impossible ! Impossible ! Pourquoi n'as-tu pas été brisée en morceaux ? Pourquoi ?
Il tomba à genoux et sanglota comme un enfant, en répétant à plusieurs reprises : pourquoi ? Le voir ainsi m’ébranlait, non seulement par l'expression de ses émotions si longtemps refoulées, mais également parce que je le reconnaissais, lui, ma flamme perdue d'une autre planète. On dit que la haine est un amour déçu ; si tel était le cas, je le ramènerai dans la lumière, dans la paix de son âme.
Je m'approchai de lui en silence et l’enlaçait dans mes bras en m’effondrant à mon tour. Puis je déversai mon chagrin et ma honte de n'avoir pas tenu mes promesses.
Il prit ma tête entre ses mains, ses yeux verts plongés dans les miens.
— Pourquoi pleures-tu ? me susurra-t-il, ne suis-je pas la victime ici ? Je ne veux pas de ta pitié ! De toute façon, je n'existe plus pour toi depuis de longs siècles...

Il n'avait donc pas remarqué que mes yeux brillaient d'un feu ardent trop intense pour moi ? Alors je lui révélai toute la vérité, celle qu’il lui manquait pour amorcer une nouvelle histoire : la sienne.
— J'ai toujours tenté de te trouver, même inconsciemment, à chacune de mes vies, conclus-je, mais je ne savais pas que ta rancune pour moi t'en avait empêché !

Je repris mon souffle et osai soutenir son regard.
— J'ai l'impression que notre existence sur Archasola date d’hier, or je ne suis plus Lyana aujourd'hui. Ma punition arrive à son terme. Je t'ai aimé si fort, Athan ! À présent, rejoins la lumière. Tu seras capable de te réincarner et, peut-être, nous retrouverons-nous dans une prochaine vie ! Tu n'as que trop tardé ! Mon cher Athan dont les yeux ont toujours hanté mes nuits...
Je lui souris. Il semblait extrêmement confus et ébahi. Il caressa ma joue humide d’un effleurement de main. Je la saisis et posai mes lèvres dessus. Il m'embrassa alors avec une passion que je ne lui avais jamais connue. Je répondis à son baiser enflammé et, à cet instant, Loïc disparut de mon esprit et de mon cœur, je savais pourtant qu'il fallait que j'y mette fin et retourner à ma vie. Il s’écarta de moi et reprit son souffle.
— Lyana, malgré ton apparence différente, c'est toujours toi ! Tu ne m'as donc pas trahi consciemment. Je me doutais que quelque chose clochait, qu'en trois mois tu ne pouvais m'avoir oublié, mais pour quelle raison ton père a t’il fait pareille félonie ? Ne nous avait-il pas accordé sa bénédiction ?
Je haussai les épaules, désabusée.
— Une question de politique et d'intérêt. Toujours la même chanson, quelle que soit la planète. Il n'acceptait pas notre mariage en vérité, mais par amour pour moi, ou par faiblesse, il a choisi l’hypocrisie. Moëric était le souverain voisin, toi un simple cousin éloigné. C'est pour cette raison que j'ai refusé le trône ; je ne voulais pas reproduire ce genre de manipulation avec mes enfants.
Son regard s’assombrit et un rictus déforma sa bouche.
— Tes enfants ? J'aurai tant aimé que tu portes les miens. Je me suis senti tellement seul dans ce cachot humide où je ne pouvais qu'imaginer la lumière du jour. La seule raison de vivre qui me restait fut de te haïr.
Je me forçais à me relever.
— Libères-toi de tes propres chaînes, continue de vivre pour toi et toi seul. Je ne suis plus Lyana comme tu ne seras bientôt plus Athan. Je n'appartiens pas à ce monde que tu as créé.

Il se releva également, me regarda d'un air sérieux. J'avais une furieuse de l'embrasser, de l'enlacer. Mais ce n'était qu'une illusion de mon passé. Ce monde n'existait plus. — J'ai compris, admit-il. Toute ma colère ne s’est pas totalement dissipé après tous ces siècles de haine, mais j'accepte de me réincarner à présent. En réalité, j'avais peur : peur d'oublier qui j'étais, peur de t'oublier. J'étais envahi d'illusions et ne pouvais voir la lumière autour de moi. Lyana, non Marine ! Je peux la voir maintenant, cette énergie... elle m'appelle. Merci. Je réclamais vengeance, mais je repars le cœur en paix. Finalement, non seulement je ne t'ai pas tuée mais tu m'as sauvé ! Je t'aime. Je te retrouverai ! À bientôt, ma belle fée...

Des particules de lumière l'entourèrent. Les larmes étaient sur le point d'inonder de nouveau mon visage. Néanmoins, je voulus paraitre forte et ne dévoilai rien de ma tristesse ; à peine retrouvé, je devais déjà le quitter !
Je lui souris, sourire qu'il me rendit dans l’instant. Je ne pouvais que contempler ses yeux vert émeraude, si intenses. Je souhaitais tant qu'il ait les mêmes dans une prochaine incarnation.

— Adieu.... non, au revoir !
Son corps se transforma en lumière et, tel une étoile filante dorée, il partit rejoindre l'Autre Monde.

Je restai immobile quelques secondes, songeuse, puis la réalité me frappa de plein fouet. — Comment vais-je sortir de ce monde ? Pourquoi ne disparait-il pas ? Je veux retourner chez moi !
À peine cette pensée émise, une force invisible me tira en arrière sans que je puisse lui résister. Je pénétrai à l’intérieur d’un trou noir qui m’avala toute entière.

J'entrouvris les yeux péniblement en battant des paupières plusieurs fois. Où allai-je donc me retrouver cette fois ? J'entendis alors une voix familière.
— Marine, ma chérie, ça va ? Que s'est-il passé ? Tu t'es fait mal ? Ouvre les yeux !
Cette voix... Loïc ! Mes yeux s'ouvrirent d'un coup. Son visage était penché sur le mien, l'air inquiet. Il m’aida à me relever de l'endroit exact où je m'étais évanouie quelques heures plus tôt. Ça n'avait pas de sens ! Toute cette histoire n'avait-elle donc été qu'un rêve ? Une sortie astrale peut-être. Non, impossible. Loïc ne m'aurait pas vu si ça avait été le cas. J'avais donc dû changer de dimension...
Je le rassurai.
— Euh, oui ça va ne t'en fais pas. J'ai trébuché sur la dernière marche de l'escalier et ma tête a dû heurter la porte.

J'évitai son regard, surement soucieux.
— Bon, ok. Au fait, Joyeux anniversaire !
J'avais complètement oublié mon anniversaire ! Des chandelles éclairaient la table et une odeur exquise parvint à mes narines. Surprise, je me retournai vers lui. Il me tendit une rose rouge que je saisis avec précaution, même si cela n'empêcha pas une épine de m'écorcher la paume de la main.

Le délicieux repas terminé, je méditai sur ce qui m'était arrivé et sur les évènements nationaux de ces derniers jours. Je finis par conclure qu’un vortex avait du apparaître, probablement à cause de dispositions astrologiques favorables. Certaines personnes, plus sensibles que d'autres, se retrouvaient alors transportées dans des dimensions dans lesquelles elles affrontaient leur plus grande peur, ou leur culpabilité. L'épreuve consistait à réussir à les accepter et les dépasser afin d'évoluer, mais le prix pouvait être élevé en cas d'échec. J'espérai que ça n'allait pas durer, le monde n'était pas encore prêt.

Je m'endormis en pensant à Athan et à notre amour si bref et pourtant si profond. Ce soir, j'avais réussi à dissoudre un blocage et une blessure qui duraient depuis de longues vies. Épreuve réussie haut la main. J'avais gagné le droit d'avancer, plus haut, plus loin. Libérée. Une nouvelle vie commençait. Le sommeil m'emporta le sourire aux lèvres.

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