La femme pencha doucement la tête, observant avec attention les veines blanches, autrefois sa peau était d’un noir profond, satiné, magnifique et son sang d'or dansant sous son derme. Maintenant… elle y voyait des arabesques blanchâtres remonter le long de sa peau, se glissant en son sein. Elle ne sentait plus ses pieds et ses mains. Elle entendait les prières, les appels et les suppliques… Mais le poison blanc qu’on avait enfoncé dans sa chair la paralysait doucement. Elle avait froid. Immobile, à genoux, elle releva la tête vers le haut de la caverne où elle s’était retranchée pour survivre, juste quelques jours de plus. Devant ses yeux… Sa longue vie défilée, des centaines de milliers, de millions d’années… La femme, la douce femme avait été le pain et le vin… Et pourtant on l’assassinait. Elle avait lutté avec ses propres armes, animaux, vents, eau, feu… Et pourtant, maintenant… qui était-elle ? Juste une femme sans âge…

Les larmes coulèrent lentement sur ses joues, le poison blanchâtre remontait le long de ses bras et ses jambes nues. Belle, elle l’avait été, elle le demeurait malgré sa fragilité. Figée, à genoux dans ce qui autrefois une salle du trône, quand les hommes la voyaient, elle dépérissait. Elle avait été déesse, mère, protectrice, vêtue de milles et une parures. Maintenant, une simple robe en toile verte coulait sur sa peau sombre et à la place des diadèmes et des bijoux seules ses veines venaient habiller son derme. Ses longs cheveux d'un noir sombre que la nuit ourlé de fils d'argent, glissaient dans son dos. D'un effort qui lui coûta, elle caressa une dernière fois l'onde du lac qui l'entourait.

Un long soupir s'échappa de ses lèvres, de la déception face à ce qu'on avait fait d'elle. La femme avait tant donnée… et pourtant nul remerciement, on l'oubliait, et pourtant… elle était vivante ! Elle avait tout donné, tout offert pour que tout se passe bien, mais… rien, pas un remerciement, on lui avait tout pris. Elle avait l'impression d'être violé encore et encore. Et personne n'avait remarqué ses cris de détresse. Certains peut-être. Mais eux… ? Ils n'avaient rien pu faire. Ses cris n'avaient pas suffit ? Alors elle avait déchaîné sa colère, montrant les crocs, hurlant qu'elle était vivante ! Mais à nouveau on l'avait contré. À se reproduire trop vite, ils étaient trop nombreux. Combien pouvait-elle en tuer ? Jamais assez pour leur faire comprendre. Eux mêmes étaient divisés, alors pourquoi s'inquiéter pour ses ennemies.

La femme avait tout fait. Tout… Mais cela n'avait jamais été assez. Et même à cet instant elle continuait de lutter, ses maîgres forces elle les insufflait à sa création. À son corps. Un corps… Son âme, elle, allait mourir… Mais son enveloppe allait rester, violée encore et encore… Ne pouvant plus rien faire. Alors malgré tous ses efforts, malgré le poison qu'on lui avait injecté, elle luttait. Seconde après seconde, les larmes qui coulaient sur ses joues, le feu qui brûlait son corps, elle continuait de lutter.