Jardins d'enfant
Ce n'est pas vraiment de la poésie mais c'est quand même poétique avec des rêves à tous les étages.
L’enfant passe dans la rue, il n’est pas seul, parle avec ses camarades, son esprit est ailleurs. Son corps trottine la main dans la main de sa maman. Une vitrine achalandée de beaux vêtements, des robes et jupes, des chemisiers, des tee-shirts. Le Paradis des jeunes mamans derrière une devanture de verre pour exposer des rêves. La porte est ouverte, elle invite la passante à pénétrer dans la boutique. La jeune femme s’arrête, contemple et lâche la main de l’enfant. Elle entre.
L’enfant ne s’est aperçu de rien, il n’est pas ici. Nawel, joseph et Maxime l’accompagnent au parc avec des jeux, des chansons d’enfants, des roues qui tournent poussées par des petites mains de cinq ans et des cris de cinq ans aussi, des éclats de rire comme seuls les enfants savent en faire. Parce que c’est tellement amusant de faire comme si on avait peur quand on n’a pas peur.
L’enfant marche donc, maman est dans ses vêtements, elle essaie, se voit déjà entourée de ses amis, elle est la reine de la soirée, son mari l’enveloppe d’un regard amoureux, elle brille de tous ses feux. La vendeuse renchérit, cela vous va à ravir. Pourtant quelque chose la gêne, un grain d’ombre se glisse sur ce plein soleil et en obscurcit discrètement l’éclat. Un manque, c’est cela, un manque, de plus en plus lourd, un vide de voix, de chaleur dans une demi conscience tandis que l’autre moitié poursuit son rêve, souriante et légère. Mécaniquement elle serre sa main, y sent un vide, quelque chose qui devrait y être n’y est pas. l’absence d’une main, l’absence d’un enfant, son enfant, sa petite Marion Lou. Mon dieu ! Dieu a beau protester de son innocence dans un quelconque coin d’un pseudo-paradis, rien n’y fait.
Le coeur de la jeune maman alarme, frappe et bondit jusque dans les tempes et tape, tape fort, à coup de battements toc-toc, toc-toc, toc-toc ! Coup de sang. Maman lance son regard à la poursuite d’une image, blanchit, Marion Lou ! Marion Lou, petite fille de cinq ans, tête brune surmontée d’une queue de cheval haut placée. Maman appelle, court dans la rue, la vendeuse suit, hèle la maman qui porte encore la robe qu’elle essayait et n’a pas payée. Les yeux de maman traquent le trottoir, scrutent toutes les silhouettes, les dos, les mains, les visages. Appelle. Stop, s’arrête. Elle est là, elle est là ! Devant, à dix mètres, qui marche sur un nuage de rue, la tête dans le parc avec Maxim’ et les autres.
Maman voit, se rassure. La coeur s’apaise. Mais la colère monte. La frayeur a sa contre-partie que l’enfant devra payer. Vite elle court, rattrape la dissidente et lui saisit la main, la secoue. Lou est arrachée du jardin, kidnappée, tombe brutalement dans la rue de sa maman, la réalité, le monde partagé. Elle pleure de frayeur, d’inquiétude et de culpabilité. Maman ! Maman ! Maman gronde, maman se défausse d’une peur déguisée en colère ; maman s’énerve, l’enfant pleure, hurle.
Toute la rue se tourne vers les pleurs et les hurlements de Lou, les cris de la maman. La vendeuse de vêtements, les clients attablés à la terrasse du café. Les passants sortent de leur téléphone, jettent un œil par-dessus leur écran puis y replongent.
La rue retourne à ses occupations de rue et l’enfant pleure, pleure et la colère de maman s’en va discrètement alors sa sœur la culpabilité apparaît vêtue d’un costume de deuil, le dos courbé. Pardon, pardon Lou, maman a crié parce qu’elle a eu peur. Pourquoi es-tu partie ? Maman est là maintenant, maman est là. Mais l’enfant pleure à grands sanglots. Pourquoi tu pleures ? Je te demande pardon, pourquoi tu pleures. Et l’enfant de répondre à travers des sanglots. J’ai pas pu dire au revoir ! Tu n’as pas pu dire au revoir à qui? Nawel, joseph et Maxim, je suis partie trop vite !
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