Mercredi 22 Août 2012 (2/2)
Je ne sais pas si c’est l’atmosphère détendue qui règne ici, la fatigue, l’alcool ou peut-être une combinaison des trois, mais je me sens franchement apaisé ce soir, comme je ne l’ai plus été depuis très longtemps. Les soucis, l’inquiétude, la colère, tout ce qui a rythmé ma vie ces derniers mois semble avoir disparu, n’avoir jamais existé à cet instant et je crois que je ne suis pas le seul.
- Juss…
- Mmm…
- Je… On a pas pris le temps de discuter sérieusement de certaines choses… Et…
- Ecoute, j’ai bien compris que je faisais pas partie de tes plans… C’est pas grave Clems…
- Je parlais pas de ça, même si… Je voulais te parler… De Mathieu… De ce qu’il s’est passé… Ça te gêne?
- Pas du tout, je suis là pour ça aussi, t’écouter, te consoler, te rassurer, partager les bons moments, mais aussi les mauvais… Comme tu l’as si bien fait pour moi…
- J’en ai parlé à personne, à part aux flics et à toi, enfin, t’étais tellement dans le gaz à l’époque, je sais pas ce que t’as pu entendre et comprendre… Même mes parents n'ont jamais été au courant…
- Effectivement je me souviens pas de grand chose, mais pourquoi t’as rien dit à tes parents?
- Ils voulaient pas de lui à la maison, surtout s’ils étaient pas là… Mais…Il... Il me plaisait… J’étais bien avec lui… Je pensais pas que… Pas lui… Et pourtant…
- Clems, ne te sens pas obligée… C’est peut être pas le bon moment pour ça…
- J’en peux plus Justin, je veux plus garder ça pour moi…
- Alors vas-y, je t’écoute.
- En fait, ce jour-là, on était chez sa sœur… Elle nous avait invité à manger, un petit barbecue, en famille… Bref, on a passé une super journée… Il m’a raccompagnée chez moi, en moto, mes parents n'étaient pas là et on s’est posé un peu sur la terrasse tous les deux… Je crois qu’il avait un peu trop bu… Il a commencé à être un peu entreprenant… Puis, rapidement, un peu trop pour moi… Quand je lui ai dit, il a arrêté immédiatement… Mais ça n'a pas duré… Il est revenu à la charge… Plusieurs fois… Et quand je lui ai répété de se calmer, il a commencé à s'énerver…
Elle est venue se blottir contre moi… J’ai essuyé une larme qui roulait sur sa joue.
On a commencé à s'engueuler, je lui ai dit que je voulais pas, pas ce soir-là, pas comme ça… Alors il est devenu comme fou… Il me hurlait que lui il en avait envie, que j’avais rien à dire, que j’avais pas le droit de lui refuser ça… J’ai vraiment commencé à avoir peur, Justin… Si peur… Je savais pas… De quoi il était capable…
- Il va mourir ce connard…
- Juss… Je t’en prie…
- Quoi?
- Laisse-moi finir… Quand il m’a attrapé par l’épaule et qu’il a arraché ma robe, j’ai flippé et je me suis mise à hurler, à appeler au secours… Je me suis retrouvée presque nue et il me lâchait pas… Il voulait me forcer à me mettre à genoux, j’ai réussi à résister, un petit moment… Mais il était plus fort que moi et il a réussi à me bloquer contre lui avec une clé de bras, à me mettre une main sur la bouche pour que je ne puisse plus crier… J’ai été obligée de me taire, il me faisait si mal… Ensuite, il m’a allongé de force sur la table de la terrasse, tirant de plus en plus sur mon bras… J’ai pas pu résister à la douleur… Puis il l’a sorti… J’ai senti le contact sur ma peau… Beurk… Après, il a essayé d'écarter mon string, pour… Il a voulu me violer Justin… Je… Je me suis pas laissée faire… Je voulais pas qu’il arrive à ses fins… J’ai profité d’un moment d’inattention pour m’échapper et m’enfermer dans ma chambre… Heureusement que j'avais une ligne de téléphone, j’ai appelé les flics, mais quand il a entendu à travers la porte, il s’est barré… Comme un gros lâche…
- Le sale petit bâtard…
- Au final, j’ai tout balancé aux flics, mais je leur ai demandé d’être discrets, de rien dire à personne… Surtout à mes parents…
- Mais ses parents…
- Son père est maire de leur village et député, tu penses bien qu'il a tout fait pour étouffer l’affaire… Même aujourd’hui, les gens sont toujours persuadés que Mathieu est parti faire ses études dans une autre ville…
- Je suis désolé soeurette, désolé de pas avoir été là, de pas avoir pu prendre soin de toi… Je m‘en veux Clem… De pas avoir été à tes côtés, alors que t’avais besoin de moi… Que t’aies été obligée de supporter toutes mes conneries alors que tu venais de… Pardon ma Clemsou…
- T’y es pour rien Juss, même si t’avais été en pleine forme, t'aurais rien pu faire sur le moment…
- Peut-être, mais je l’aurais retrouvé et je lui aurais défoncé la gueule… Surtout j’aurais été là pour toi, quand t’en avais besoin…
- C’est ce que t’as fait en fait… Je me faisais tellement de soucis pour toi, que j’ai laissé tout ça enfoui au fond de moi et je me suis concentrée sur toi… T’avais plus besoin toi de moi que moi de toi…
- C’est des conneries Clémence, tu le sais…
- C’est bon Juss… J’avais juste besoin d’en parler, de t’en parler… Que tu saches enfin toute la vérité, dans le détail… C’est fini, c’est du passé, c’est derrière moi tout ça, j’ai juste besoin de temps pour refaire confiance… Pour songer à… Enfin tu vois…
- Oui… Totalement… Et je comprends un peu mieux ta réaction l’autre soir…
- J’étais fatiguée… J’ai exagéré… Je sais bien que t’es pas comme ça…
- Ça va aller?
- Mais oui… Te fais pas de soucis…
- Allez, on va se coucher, je crois qu’on a eu notre dose d’émotions pour aujourd’hui…
Je sors en premier de l’eau, attrape nos serviettes, m’enroule dans la mienne rapidement et viens cueillir Clémence à sa sortie pour l’enrouler dans la sienne et la prendre contre moi. Je sens un léger recul de sa part, mais en plongeant son regard dans le mien, elle retrouve toute la confiance nécessaire.
- Désolée… Un vieux réflexe…
- T’excuse plus pour ça, plus jamais… C’est normal…
- Mais c’est juste toi… Je risque rien… Hein?
- On n'est jamais sûr de rien… Surtout avec moi…
Et nous éclatons de rire.
- T’es con…
- Ouais, mais ça au moins on en est sûr…
- Merci Justin… Merci d’être là, de m’avoir écoutée, et de me comprendre… Et de me faire rire.
- Normal… T’as fait pareil quand j’en ai eu besoin… Allez file au dodo…
- Tu viens?
- De… Où ça?
- Te coucher… Avec moi?
- Heu… Ben… Je comptais profiter d'être seul sur le canapé pour…
- Viens je te dis, je t’autorise à dormir torse nu… C’est déjà pas mal… J’ai besoin d’une présence… Que tu sois près de moi au cas où je fasse des cauchemars…
- Comment je pourrais te refuser ça? J’arrive…
Comment décrire la nuit que j’ai passé? J’ai savouré sa présence tout contre moi, écouté sa respiration calme et paisible, senti sa peau tiède contre la mienne, son corps si près de moi. Elle a sombré immédiatement et je dois dire que je n'ai pas traîné non plus. Le réveil, après une nuit reposante, dans mes bras fut un véritable moment de bonheur pour nous deux.
- Tu vois que t’es encore habillée!
- J’en doutais pas… Merci encore…
- Pourquoi?
- Pour hier soir, pour cette nuit dans tes bras contre toi, pour pas avoir essayé de profiter de la situation, pour ce séjour, j’en avais besoin moi aussi…
- Tout le plaisir est pour moi, mais là, il va falloir que tu me laisses quelques minutes… Je suis pas présentable…
- De?
- La petite gaule matinale…
Elle s’empare d’un coin de drap et le soulève, d’un air curieux.
- Ah? Petite tu dis?...
- Clems! Repose ce drap… Et fout le camp d’ici…
J’en profite pour me dégager et me retourner sur le ventre. Je sais que c’est naturel mais cette réaction en sa présence me met mal à l'aise.
- Excuse-moi Juss, je pensais pas que… Mais c’est pas à cause de moi?
- Ben un peu quand même, ça fait longtemps que ça a pas été aussi violent le matin… Depuis Caro en fait et les quelques fois où on s’est réveillé dans le même lit… Mais ce matin…
- C’est pas grave… C’est naturel… Et flatteur je dois dire…
- Casse-toi!!!
Je ne savais pas comment interpréter ma réaction physique et surtout comment elle le prendrait, malgré l’apparence qu'elle voulait donner en plaisantant sur le sujet. Après notre discussion de la veille, ses aveux sur ce qu’elle avait vécu, j’appréhendais qu’une certaine peur, un certain dégoût pour moi se cache sous ses plaisanteries matinales. De mon côté, je me sentais tellement coupable de ne pas avoir été là pour prendre soin d’elle, et d’avoir accaparé son attention alors qu’elle aurait dû s'occuper d’elle.
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